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Le Havre, victime expiatoire du foot business

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Considéré comme l’un des meilleurs clubs formateurs de France, le HAC est régulièrement pillé par les grands clubs étrangers. La faute à l’impatience des jeunes, attirés par l’argent et de plus en plus pressés de faire carrière.

A l’heure où les stars du football sont payées à prix d’or, les jeunes espoirs sont également la proie de toutes les convoitises et de toutes les surenchères. Au Havre, on se refuse pourtant à rentrer dans cette course à l’armement. « Il nous arrive d’aider les familles », reconnaît le président normand Jean-Pierre Louvel. A l’image d’Eri Randriantsara, 15 ans. Le HAC verse tous les mois 300 euros à ce jeune malgache éloigné de sa famille, « un petit quelque chose » pour l’aider à s’acheter des vêtements. « On refuse de tomber dans l’absurde, poursuit le dirigeant havrais. Parfois, la première chose que nous demandent les parents, c’est combien on va leur verser pour la signature de leur fils. Quand vous proposez 150 000 euros à un jeune de 14 ans, à quoi ça correspond ? »

Doyen du football français, 9e du dernier classement des centres de formation, le Havre refuse d’appâter ses pensionnaires avec de l’argent. « On est à contre-courant, confirme Jean-Pierre Louvel, ce qui nous amène parfois à perdre des jeunes. » L’argent n’est pas la seule menace. Le foot business est un modèle contre lequel les éducateurs doivent lutter sans relâche. « Les jeunes sont dans la fiction, témoigne Frédéric Lipka, le directeur du centre de formation. Ils s’identifient aux stars et donc à l’argent, à la vie facile et aux belles voitures. Leur scolarité est menacée. Certains jouent sur les deux tableaux mais d’autres abandonnent assez vite. »

L’argent, l’étranger et… les filles

Les filles et leur propension à flatter leur égo est également une source de dégâts. « Elles nous considèrent déjà comme des joueurs pros, explique Steve, 15 ans. Ce genre de discours peut nous faire tourner la tête. » L’appel de l’étranger aussi. Il y a sept ans, Florent Sinama-Pongolle et Anthony Le Tallec s’envolaient pour Liverpool. Aujourd’hui, ces deux anciens espoirs du football français se sont un peu perdus en route, ce que regrette Jean-Pierre Louvel. « On a essayé de les convaincre. Mais l’appel de l’Angleterre était trop fort. Je me suis réjoui quand Anthony a reconnu être parti trop tôt. Beaucoup de jeunes sont sensibles à ça, même si certains pensent encore que cela sera différent pour eux. »

Le Havre a d’autres exemples pour dissuader ses pépites de filer à l’anglaise. Comme le CV de ses anciens pensionnaires : Ibrahim Ba, Jean-Alain Boumsong, Vikash Dhorasoo, Lassana Diarra, Steve Mandanda, tous internationaux. Conscients des dommages collatéraux qu’a eu la grève de Knysna, le HAC compte sur ses anciens pour prêcher la bonne parole. « A mon âge, c’est compliqué de communiquer avec un jeune. C’est pour cela que j’ai souhaité que des joueurs expérimentés comme Christophe Revault communiquent avec eux. Ils leur apprendront le sens du maillot et ce que représente l’histoire du club, pour qu’ils comprennent qu’ils ont des droits mais aussi des devoirs. » Comme celui de prendre leur temps et non de céder trop vite aux sirènes de l’étranger, sous peine de voir leur talent partir en fumée.

Alix Dulac avec Samuel Ollivier