Liga: club historique mais relégué, comment l'Espanyol Barcelone a coulé

L’Espanyol Barcelone a pris un sacré coup derrière la tête pour son 120e anniversaire. Comme un symbole, c’est au terme d’un triste derby perdu au Camp Nou, l’antre du FC Barcelone (1-0), son éternel ennemi, sans public ni grand spectacle, que les Pericos ont été officiellement relégués en deuxième division espagnole.
"Nous sommes tombés. Cela fait très mal, nous assumons toutes nos erreurs. Nous demandons des excuses à tous nos passionnés. Pardon, de tout coeur", a sobrement réagi le club.
Un club historique en Liga
Si l’Espanyol n’occupe plus les sommets de Liga - sa dernière apparition dans le top 5 remontant à 2005 - il fait partie du patrimoine du football espagnol. Les Barcelonais ont participé à 85 des 89 saisons de première division depuis sa création en 1928, un total qu'ils partagent pour quelques semaines encore avec Valence. Seuls le Real, le Barça et l’Athletic Bilbao font mieux avec un sans-faute.
La dernière visite en Segunda Division des Blanquiazules a eu lieu lors de la saison 1993-1994: ils avaient terminé champions, avant d’enchaîner avec une sixième puis une quatrième place en Liga. Depuis cette remontée dans l'élite, le club aux quatre Coupes du Roi (1929, 1940, 2000, 2006), n’a plus connu de podium en Liga qu’il avait atteint à quatre reprises également, la dernière datant de 1973.
L’Espanyol Barcelone s’est aussi déjà montré sur la scène européenne puisqu’il a disputé deux finales de Coupe de l’UEFA, ancêtre de Ligue Europa, perdues face au Bayer Leverkusen (1988) et contre le FC Séville (2007). Une C3 que les Catalans ont retrouvé seulement cette saison, atteignant même les 16es de finale avant une élimination face à Wolverhampton.
Racheté par les investisseurs chinois en 2015-2016
Dès 2002, un projet ambitieux avait vu le jour avec le démarrage de la construction du nouveau stade, le RCDE Stadium, inauguré en 2009 et d’une capacité de 40.000 places. Depuis, l’Espanyol Barcelone a enchaîné les saisons dans le ventre mou de la Liga, avant le rachat en 2015-2016 par le groupe Rastar et à sa tête Chen Yansheng, un investisseur chinois.
Après s’être offert 50% puis 80% des parts du club, Yansheng détenait la quasi-totalité du club à l’été 2016. Un investissement nécessaire pour l’Espanyol, alors endetté à hauteur de 180 millions d’euros notamment en raison de la construction de sa nouvelle enceinte. En trois ans, cette dette avait été réduite à 40 millions d'euros. Au moment du rachat du club, l’objectif du président de l’époque, Ramon Robert, était de l’avoir complètement effacé et de doubler son budget à l’aube de 2020-2021. Une saison que le club disputera donc en deuxième division, une option absolument pas envisagée lors de cette passation de pouvoir.
La C3, premier objectif atteint
Yansheng a donc fait de gros efforts financiers pour éponger cette dette et rapidement injecter des fonds. Au cours des deux premières saisons, 35 millions d’euros avaient ainsi été déboursés sur le marché des transferts, et des joueurs d’expérience avaient également été engagés gratuitement, en prêt ou en fin de contrat (José Antonio Reyes, Diego Lopez, Martin Demichelis, Esteban Granero).
Mais un investissement loin d’être suffisant pour obtenir les résultats espérés, malgré la nomination de l’expérimenté Quique Sanchez Flores sur le banc blanquiazul. Même si, au terme de la saison 2018-2019, l’objectif d’une "qualification européenne d’ici trois ans", fixé par Ramon Robert lors du rachat, avait été atteint grâce à la septième place de l’Espanyol en Liga, lui offrant un ticket pour les tours préliminaires de C3.
Cette qualification européenne, finalement décrochée après trois tours de barrages, ouvrait les portes d’une belle saison 2019-2020 pour le RCDE et lançait enfin le nouveau projet. Sauf que les illusions n’auront pas traînées, rapidement dissipées par des résultats catastrophiques en championnat. À la trêve, les Pericos, déjà bon derniers, n'affichaient que deux victoires et 11 petits points au compteur.
Dans le marasme du championnat, une bouffée d’oxygène européenne
Les supporters de l’Espanyol, désespérés, trouvent paradoxalement en Ligue Europa un moyen de garder la foi, lorsqu'ils ne "célèbrent" pas leurs matchs nuls contre le Barça, l'Atlético ou Séville. Surtout que depuis leur finale de Coupe de l'UEFA 2007, perdue aux tirs au but, ils n’avaient plus goûté aux joutes européennes. Ici, l’équipe joue métamorphosée et remporte quatre de ses six matchs de poules, dont un cinglant 6-0 face à Ludogorets. Une belle parenthèse qui prend fin en 16es de finale face à Wolverhampton (0-4, 3-2).
Mais les coéquipiers de Sébastien Corchia, prêté par Séville pour cette saison, traversent un long chemin de croix en Liga, qui les mène jusqu’à ces six défaites de suite et cette relégation officialisée face au Barça, dans le vide du Camp Nou. Le tout sous les ordres de Francisco Rufete, intérimaire, directeur sportif du club et… quatrième entraîneur de la saison de l’Espanyol.
Rufete, arrivé il y a seulement deux semaines sur le banc pour terminer la saison, succède à David Gallego, Pablo Machin et Abelrado qui ne seront donc pas parvenus à sauver le club du chaos. Depuis l’arrivée des investisseurs chinois à Barcelone en 2015-2016, le RCDE aura dépensé 177 millions d’euros et vendus pour 103 millions d’euros. Autant d’argent et de transactions insuffisantes pour rester même en Liga alors que le haut de tableau était visé.
Le mea culpa de Yangsheng
"Je ne comprends pas comment, en ayant dépensé 80 millions d'euros en transferts, et avec le huitième budget du championnat, le club fait la pire saison de son histoire", se désole Joan Collet, ancien président du club en poste avant l’arrivée de Yangsheng, qui avoue que le pire dans cette saison, c’est peut-être bien que cet échec massif ne s’explique pas.
Avec 50 millions d’euros de budget pour la saison prochaine, il est inutile de préciser que l’unique objectif de l’Espanyol Barcelone en 2020-2021 sera la remontée immédiate en Liga. Une ambition honnête pour un club qui devra donc se reconstruire en partie alors même que son chantier n’était pas achevé. Cela passera évidemment par des départs en cascade et un recrutement qui devra être malin, même si le budget important pour une équipe de deuxième division pourrait permettre quelques petites folies.
Chen Yansheng confirme les travaux à venir dans une vidéo postée ce matin où, d’un ton solennel, il présente ses excuses et maintient qu’il ne compte pas baisser le bras après ce gros revers.
"Chers fans d'Espanyol, la plus grande responsabilité pour les mauvais résultats sportifs de cette saison est la mienne. Par conséquent, je tiens à exprimer mes sincères excuses aux fans et supporters qui se soucient de l'équipe, déclare-t-il. Pour cette raison, nous devons mener une profonde autocritique et réflexion. Dans le même temps, nous continuerons à travailler sans relâche pour promouvoir le développement du club. Grâce à des efforts inlassables et un travail acharné, l'équipe retournera au sommet, où nous devrions sans aucun doute être en raison de notre histoire."
Yangsheng conclut: "L'expérience du passé sera le trésor le plus précieux du club. Nous promettons d'hériter et de promouvoir la glorieuse tradition de 120 ans d'Espanyol et nous attendons avec impatience le retour d'un club beaucoup plus fort." Un club qui a deux mois pour se préparer à son redressement avant le début de la prochaine saison de Segunda Division. Cette fois-ci, il ne faudra pas manquer son démarrage, sous peine de tomber dans l’oubli du football espagnol. Pour un club aussi historique que l'Espanyol Barcelone, ça ferait tâche.