ASSE-OL: entre pneus crevés et solidarité... aux origines du derby

Ils ont beau se détester, Lyon et Saint-Etienne sont intimement liés. Le club rhodanien, créé en 1950, dispute d’ailleurs ses deux premiers matches "amicaux" face au voisin stéphanois, fondé en 1933 (ou 1919 si l’on compte sa version d’origine en club d’entreprise). Le début d’une longue animosité… qui n’a pas toujours été aussi exacerbée qu'à quelques heures du 118e match entre les deux entités ce dimanche, pour la 21e journée de Ligue 1 (21h). Même si les rencontres étaient musclées dès les premiers derbies.
"En football, Lyon reste la banlieue de Saint-Etienne"
"Lors de notre premier match à Geoffroy-Guichard, en 1952, deux joueurs se sont retrouvés KO sur le premier duel", se remémore le gardien lyonnais de l'époque, Henri Marin. La rivalité est déjà bien présente entre Lyon, ville bourgeoise, et Saint-Etienne, ville ouvrière, séparées de seulement soixante-deux kilomètres. "Quand on allait à Saint-Etienne, notre bus était sifflé depuis Rive-de-Gier (commune de la Loire limitrophe avec le Rhône, ndlr) jusqu’à Geoffroy-Guichard", se souvient Aimé Mignot, ancien joueur (1955-1967) et entraîneur (1968-1976) de l'OL.
Dès 1954, le président des Verts, Pierre Faurand, prononce cette phrase reprise plus tard par l’un de ses successeurs, Roger Rocher: "En football, Lyon reste la banlieue de Saint-Etienne". Les supporters lyonnais reçoivent d’ailleurs un accueil particulier lors de leur premier match à Geoffroy-Guichard. "Un des pneus de leur bus avait été dégonflé aux abords du stade", se rappelle encore Henri Marin.
"Un derby mais un derby sain"
Un acte isolé à en croire les acteurs de l’époque, qui mettent en avant la convivialité du rendez-vous. "Après avoir fini, il y avait une petite collation. On était tous ensemble. C’était un derby mais un derby sain", expliquait à OL TV Camille Ninel, unique buteur lors de la première victoire de l’OL à Geoffroy-Guichard en 1955.
"Il y avait une bonne ambiance. On pouvait circuler autour du stade sans problème", confirme Henri Marin. "Je me souviens être allé à Geoffroy-Guichard au début des années 60 et être à proximité de spectateurs stéphanois, dans une ambiance bon enfant", ajoute Henri Sauthier, un supporter historique de l’OL. "Ça restait bon enfant, appuie Aimé Mignot. A l’époque, tous les supporters faisaient les déplacements. Les supporters des deux équipes étaient même ensemble dans les tribunes. Il n’y avait pas de barrière. Il n’y avait pas de police non plus pour escorter les bus. En vingt et un ans, je n’ai eu aucun incident à déplorer."
Une sélection de la Ligue du Lyonnais composée de six Stéphanois et cinq Lyonnais verra même le jour pour affronter la Hongrie de Puskas en 1956. "Tous les joueurs portaient un maillot rouge et bleu avec l’écusson de la ville de Lyon. Les Stéphanois ont quasiment dû jouer avec les couleurs lyonnaises", sourit Stéphane Benas, directeur du musée de l’OL. La sélection stéphano-lyonnaise s’incline 7-3. Presque anecdotique.
Unis face au drame et aux galères
Lyonnais et Stéphanois se retrouveront derrière une même cause deux ans plus tard. Le 16 janvier 1958, la catastrophe minière du Plichon à Montceau-les-Mines fait vingt morts. Moins d’un mois plus tard, un match amical est organisé entre les deux équipes, qui décident de reverser l’intégralité de l’argent récolté aux victimes et à leurs familles.
Durant ces premières années de cohabitation sportive, l’AS Saint-Etienne viendra même en aide à l’OL à deux reprises. La première fois en janvier 1954, quand Lyon (alors en D2) tombe sur l’ASSE en Coupe de France. "Saint-Etienne, qui devait accueillir la rencontre, a accepté que le match soit joué à Gerland pour promouvoir le foot à Lyon et que la recette aille à l’OL", confie Stéphane Benas. Lyon crée la sensation en s’imposant 3-0.
Quand les Verts prêtaient un gardien à l'OL
Le 12 octobre 1960, l’Olympique Lyonnais fait de nouveau appel à son voisin au moment d’affronter Cologne en Coupe des Villes de Foire (ancêtre de la Ligue Europa). Lyon, qui ne possède alors aucun gardien valide, demande un prêt du Stéphanois Claude Abbes. Les Verts acceptent. L'OL mène (1-0) avant la pause, mais Abbes se blesse et sort à la mi-temps. Le club rhodanien s’inclinera finalement 3-1. Par la suite, les rencontres deviennent de plus en plus tendues sur le terrain. Puis la rivalité glisse doucement vers la haine en tribunes. Affrontements entre supporters, banderoles et chants véhéments. Même les matches amicaux font les frais de ces débordements. Ils seront d’ailleurs supprimés au début des années 1990.