Auxerre, la colère froide

Jean-Guy Wallemme - -
Il n’y a pas eu de manifestations ce lundi à Auxerre. Il n’y en a jamais eu quand il s’est agi d’adresser des reproches à l’AJA. Les occasions ont été trop rares au cours des cinquante dernières années. Depuis 1980, l’AJ Auxerre visait le maintien en Ligue 1. Il a fallu qu’elle se fixe comme objectif la qualification pour la Ligue des champions pour plonger et échouer à sauver sa place dans l’élite du football français. A Marseille, dimanche soir, Jean-Guy Wallemme et ses joueurs n’ont pu éviter plus longtemps l’inévitable. C’est en Ligue 2, cet été, que l’AJA devra rebondir. Et reconquérir une ville aujourd’hui meurtrie par l’inconnu d’un monde qu’elle n’a plus fréquenté depuis 32 ans.
« C’est la catastrophe, juge Jonathan, président des Ultras. C’est un mélange d’abattement, de déception, de colère, de rage, d’incompréhension. C’est lamentable. Tout le monde est responsable. C’est scandaleux, pathétique, ridicule. » Une litanie de reproches qui s’exprime dans les bars, les restaurants, les boutiques, plutôt que dans les rues d’une ville toujours calme. « On a un éleveur de poulets qui s’est dit qu’il allait élever des chèvres, déplore Victor, gérant du Saint-Nicolas, près du quai de la Marine. On n’aurait jamais dû prendre Gérard Bourgoin, l’accepter. Partout où il passe, il met la zizanie. » Sa prise de pouvoir, son « putsch » avec ses associés désormais fâchés Guy Roux et Jean-Claude Hamel, a été erratique du début à la fin.
« Ça va être un petit peu difficile pour la région »
Mais la colère froide frappe aussi les joueurs, surtout « ceux qui se marraient à l’entraînement ce matin » lâche Thomas, un autre supporter. Beaucoup d’entre eux ne seront certainement plus là dans quelques semaines. Et dans les travées de l’Abbé-Deschamps, les souvenirs du doublé Coupe-championnat en 1996, les images gravées dans les mémoires des épopées européennes contre le Borussia Dortmund, Arsenal et il y a 18 mois seulement contre le Real Madrid et le Milan AC, s’enroberont d’une nostalgie douloureuse. « Ça fait mal au cœur » reconnait Thomas. Et comme à Lens ou ailleurs, la relégation en Ligue 2 n’aura pas seulement des répercussions sportives. Il faudra trouver de l’argent, réduire la voilure, pour repousser le spectre du déficit insondable.
« C’est une institution qui s’en va, explique Jonathan. Il y a 40 000 habitants, la ville ne représente rien. Auxerre est connu par le foot. L’AJA, c’est la deuxième entreprise de l’Yonne avec plus de 200 salariés. Des gens vont devoir être licenciés. Ça va être un petit peu difficile pour la région. » « Des gens venaient de la Nièvre, du Loiret, de Paris, pour voir l’AJA, poursuit Victor. Ils faisaient travailler les petits commerces. Ce sera un manque à gagner. » « La ville tourne grâce à l’AJA, résume Thomas. Cette descente, ça va faire mal. » Disparaitre de la carte du football français, Auxerre s’y attendait depuis que le miracle de son envolée vers les sommets avait commencé. C’est quand le cauchemar devient réalité que pleurent, derrière les portes de la ville, les supporters auxerrois.