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Caiazzo : « Le football français est le plus matraqué d’Europe »

Bernard Caïazzo

Bernard Caïazzo - AFP

Invité de l’Intégrale Foot spéciale « état des lieux du football français », Bernard Caïazzo, président du conseil de surveillance de Saint-Etienne, a pointé du doigt les charges à outrance qui plombent les clubs français. Il ne comprend pas l’acharnement des politiques sur un sport qu’eux-mêmes suivent avec intérêt.

Bernard Caiazzo, Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG, a estimé que le niveau des clubs français n’était pas assez élevé. Il les exhorte notamment à travailler pour améliorer la compétitivité. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Si on fait le classement depuis que BeIn est là il y a trois ans, Saint-Etienne est troisième du championnat derrière le PSG et Lille. On a certainement travaillé. Je parle beaucoup avec Nasser et il nous a fait l’amitié de venir au collège de L1 que j’ai organisé l’été dernier avec les présidents de L1. Il est très présent dans le football français. Il essaie d’apporter sa connaissance. Si les Qataris étaient allés à Madrid prendre l’Atlético au lieu du PSG, ça leur coûterait chaque année 150 millions d’euros de moins en taxes sociales et fiscales. C’est une somme importante quand on est à la lutte avec des clubs comme le Real ou le Bayern qui ont 500 millions de chiffres d’affaires.

Les clubs français se déchargent-ils trop sur la pression fiscale ?

On a fait une analyse sur les charges d’Etat en plus que nous avons depuis quatre ans. Sur un chiffre d’affaire de 60 millions d’euros, nous subissons une augmentation de 10 millions d’euros. Imaginez qu’un Français gagne 60 000 euros par an, ses impôts auraient augmenté de 10 000 euros. Cette situation est totalement paradoxale. Jeudi, il y avait une dizaine de ministres au Stade de France pour assister à France-Espagne. François Hollande et Manuel Valls sont des gens qui aiment le football. C’est contradictoire.

Thierry Braillard, secrétaire d’Etat aux Sports, demande aux clubs français de réfléchir à son attractivité. Que répondez-vous à cela ?

Comparons par rapport aux championnats étrangers. En Allemagne, sur un salaire moyen de 600 000 € par an versé à un joueur, il y aura 12 000 euros de charges sociales contre près de 200 000 euros en France. Multipliez ça par 25 joueurs… Quand vous payez la taxe à 75%, c’est cash alors que vous payez les transferts sur trois ou plusieurs années. C’est comme si vous aviez moins de dix millions d’euros pour recruter. Depuis 2003, nous n’avions pas eu un mercato aussi faible en étant trois fois inférieur à ceux de l’Italie et de l’Espagne et huit fois moins qu’en Angleterre. Les dirigeants du football français sont tous cons sans exception ? Aulas a fait participer Lyon 17 fois de suite à la coupe d’Europe. Il a monté son club d’une certaine façon. Et même si je suis un rival stéphanois, je reconnais qu’il a fait du bon travail. Les gens de Bordeaux ont été champions avec Laurent Blanc en faisant un super travail. Idem pour Montpellier et Lille. Et comme par hasard, depuis quatre ans, ces clubs n’ont fait que baisser de niveau. Ça veut dire qu’ils sont devenus mauvais ? Je le déplore. Pourquoi l’opéra et le cinéma ne sont-ils pas taxés comme le football ? Le football, ce n’est pas une activité rentable, c’est quelque chose qu’on aime. Pourquoi on fait en sorte que le football français soit le plus matraqué d’Europe ?

Le modèle des clubs français pourrait-il s’améliorer s’ils avaient chacun leur stade à l’instar de Lyon ?

Pour Jean-Michel Aulas, le fait d’avoir ce stade, c’est un véritable exploit, peut-être plus important que d’avoir eu sept titres. Ça demande beaucoup de courage, il s’est accroché et il a réussi à le faire. Quand on a voulu faire la même chose à Saint-Etienne dans la même démarche politique, on a eu un blocage politique. Beaucoup de villes françaises veulent maitriser les stades. Quand on regarde Marseille, Lille, Le Mans, Valenciennes… La France est un pays un peu jacobin avec un rôle des politiques très important. A Lille et Marseille, on se retrouve dans une situation incroyable du mec qui paie la location de son appartement aussi cher que s’il l’avait acheté avec un crédit sur 30 ans. Ils ont trouvé des locataires, les clubs, qui, au final sur 30 ans, auraient pu facilement construire leur stade par eux-mêmes.

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