Crainte d'un crash d'avion, relevé du compteur des voitures... les folles anecdotes de Guy Roux dans son documentaire

Qu’est-ce qui vous a motivé à faire ce documentaire ?
J’ai le temps, c’est la première choses ! (rires) Deuxièmement, j’ai fait pas mal de cinéma, j’ai fait une vingtaine de spots publicitaires pendant ma carrière d’entraîneur, facilité par les Guignols aussi. J’ai également fait deux films: un pour L’Equipe TV et un autre pour Canal+. C’était des plus petits films, avec moins d’ambition. Mais c’était des films sympas. Là, on me propose de faire un vrai film, avec un metteur en scène et tous les moyens que vous pouvez avoir pour faire un bon film d’une heure et demie. J’ai accepté, je me suis dit que ça allait m’occuper. C’était un élément culturel de la vie moderne.
Serait-ce possible aujourd'hui de partir de si bas et d'avoir un tel parcours ?
Ce qui n’est peut-être pas beaucoup dit dans le film, c’est que je n’étais pas tout seul. Avec moi, il y a eu trois hommes exceptionnels. S’ils ne sont pas là… Ils sont exceptionnels par leur intelligence et leur mansuétude à mon égard quand ça allait mal. Ils étaient également très travailleurs: Monsieur Jean-Claude Hamel, qui n’est plus là, et, qui sont encore là, Gérard Bourgouin et Jean-Pierre Soisson. Ces trois hommes-là, plus moi, ça a fait une force devenue petit à petit irrésistible, puisque ça nous a emmené jusqu’à une demi-finale de Coupe d’Europe, quatre quarts de finale - plus que le Paris Saint-Germain - et des bons championnats.
Ce serait difficielement imaginable de voir un trio aussi soudé à l'heure actuelle...
Vous avez presque raison... mais ça n'a jamais existé ! Les entraîneurs renvoyés quand ils étaient mal classés, ça a existé en 1930 quand on a créé le professionnalisme. Et même avant ! Quand ça ne va pas, il y a toujours eu la porte.
Dans le documentaire, on apprend que vous faisiez toujours voyager vos deux gardiens dans deux avions différents, en cas de crash…
Je ne savais pas que Lionel Charbonnier ou quiconque l’avait remarqué. Je l’avais jamais dit à personne, et notamment pas aux deux gardiens ! Il y avait les deux avions et on orientait… Ce n’était pas strict, ils se mettaient un peu comme ils voulaient. Mais moi je leur avais facilité cette organisation-là pour que le club ne disparaisse pas si l’avion n’arrivait pas…
Expliquez-nous un peu cette crainte du crash d'avion...
C’est très rare les accidents d’avion. Il y en a tous les jours avec des petits avions de tourisme, mais les avions transporteurs de personnes ont très rarement des accidents. La preuve, c’est qu’on raconte ces accidents… Alors quand, en plus, c’est une équipe de foot, il faut que vous me parliez de super gars pour qu’on y pense. Je vais en vacances dans le même avion que mes enfants et petits-enfants, et je suis presque un peu réticent. Je ne monterais pas dans le même avion que mon fils !
Pour savoir si vos joueurs allaient en boîte, vous avez bénéficié de l’aide de certaines personnes aux péages…
C’est très simple. Dans la première partie de ma carrière, il n’y avait pas de questions. C’était compliqué, il fallait prendre la Nationale 6 ou la Nationale 7. On était sur le chemin de Paris à Nice, donc au moment des grands départs en vacances, Auxerre était embouteillée et les gens faisaient du commerce avec les voyageurs. Ce n’est plus le cas, maintenant ils passent sur l’autoroute. À l’époque, il y avait l’autoroute mais ce n’était pas automatisé, il y avait des dames qui prenaient les tickets et qui faisaient payer les retours aussi. Déjà, elles connaissaient les joueurs, qui étaient célèbres car on jouait en première division. Et puis elles avaient les numéros d’immatriculation, donc elles me donnaient la liste le lendemain matin. Mais ce n’était pas la majorité, il y en avait deux ou trois, dans chaque génération, qui étaient tentés. Ils avaient aussi très souvent le lundi de libre, donc ils pouvaient aller à Paris ou à Troyes, où il y avait de belles boutiques.
Il y aussi ce moment où vous relevez les compteurs des voitures des joueurs pour savoir s’ils sortaient le soir…
Ca, c’est avant ! C’est quand on était en division d’honneur. Il n’y avait pas de boîtes, il y avait des bals populaires. Dans l’Yonne, il y avait un ou deux orchestres plus célèbres que les autres. A 20 heures, pendant que le joueur dînait, j’allais relever son compteur de voiture et je le notais dans un carnet. Je repassais à 7h du matin et je regardais le kilométrage. S’il y avait 54 km, c’est parce qu’ils avaient été à Saint-Florentin, à 27 km !
Le documentaire fait ressortir une image paternaliste de vous. Auriez-vous voulu faire passer autre chose ?
Moi, je ne voulais rien faire ressortir. C’est une œuvre d’un groupe d’hommes, notamment du metteur en scène. C’est lui qui a fait ce qu’il a voulu et, en regardant, on voit ce qu’il en ressort. Il pourrait y avoir des choses qui me paraissent inexactes mais je n’ai rien dit, je n’ai pas donné mon avis sur le scénario. Ni avant, ni après ! Je n’ai pas gendarmé les rushs. J’ai fait ce qu’on m’a demandé. Parfois, ça ne me plaisait pas mais j’ai fait quand même. Quand on dit que je suis paternaliste, je sais que c’est vrai. Mais je suis comme ça moi… J’aime les gens ! J’aime mieux me promener dehors que rester chez moi. Pendant la pandémie, je faisais à pied un grand cercle d’un kilomètre tous les matins. A la fin de la pandémie, après les deux ans, je connaissais tous les chiens, toutes les dames et tous les hommes