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Dolberg, Sagnan, Agier... Comment vivre avec le diabète quand on est un athlète de haut niveau

Diagnostiqué diabétique de type 1 il y a deux mois, l’attaquant de l’OGC Nice Kasper Dolberg continue de s’adapter à son traitement. Pour mieux comprendre cette maladie et sa gestion, RMC Sport est allé à la rencontre de sportifs de haut niveau diabétiques et de spécialistes de la maladie. Décryptage.

Fin octobre, quelques jours seulement après avoir soufflé sa 24e bougie, Kasper Dolberg est absent des feuilles de match alors que l'OGC Nice affronte Marseille puis Angers. Le Danois est retourné au pays pour "raisons personnelles". Les supporters s’inquiètent, les rumeurs vont bon train. Mais le 8 octobre, l’attaquant s’explique sur son compte Instagram: "J’ai reçu ce matin les résultats de tests médicaux et il s’avère que j’ai un diabète de type 1, écrit-il. C’est une surprise, mais honnêtement, je suis soulagé d’avoir enfin découvert la raison pour laquelle je me suis senti mal à l’aise ces deux dernières semaines".

Quelques jours plus tard, Christophe Galtier, son entraîneur, donne des nouvelles de celui qui a signé son 5e but de la saison le week-end dernier sur la pelouse de Brest: "Il est très attentif. Aujourd’hui, il a les moyens de vérifier, à l’instant T, où il en est en termes d’hypoglycémie ou d’hyperglycémie. On a quelqu’un aussi, dans le médical, qui contrôle son état de glycémie. Après il faut l’assimiler, l’intégrer et je sais que ça va prendre un certain temps. Il n’a pas eu un rhume donc il a aussi besoin de découvrir et d’avoir des sensations".

D’autant plus que la maladie reste rare. "Le diabète de type 1 n’a rien à voir avec le mode de vie, mais s’explique par une destruction des cellules du pancréas sur plusieurs années, à bas bruit", résume le Pr Étienne Larger, chef du service de diabétologie à l’hôpital Cochin de Paris. "C’est une maladie auto-immune, c’est-à-dire que le système immunitaire prend la décision, pour on ne se sait quelle raison, de se retourner contre soi-même. On dit que la moitié des cas surviennent avant la puberté", précise-t-il. À la naissance, on recense 20 nouveaux cas pour 100.000 habitants par an, dans un pays qui compte environ 300.000 diabétiques de type 1. Il s'avère ainsi que cette maladie est plus fréquente dans les pays scandinaves.

"J’ai cru que c’était terminé pour le foot"

Kasper Dolberg aura donc appris sa maladie à 24 ans, bien après Modibo Sagnan. Prêté par la Real Sociedad à Tondela (Portugal), le natif de Saint-Denis disputait ses premiers entraînements avec le groupe professionnel de Lens lorsqu’il s’est rendu compte qu’il était en difficulté sur le plan physique. "J’avais 17 ans et je me sentais fatigué, rembobine le défenseur. Je me disais que c’était dû aux efforts, que je n’étais pas habitué au monde professionnel donc je ne l’ai pas signalé". Puis arrivent les tests médicaux de pré-saison. "On me fait ma prise de sang le matin à jeun et mon taux de sucre était élevé. On s’est dit que j’avais peut-être mangé la nuit, donc j’ai continué à m’entrainer normalement avec toujours cette même fatigue".

Mais après des examens plus poussés, un diabète de type 1 lui est détecté. "Sur le moment, j’ai cru que le foot c’était terminé. Parce que je ne connaissais pas la maladie. J’avais entendu dire que c’était difficile, que les personnes devaient se piquer, donc j’avais peur. Mais les docteurs de Lens m’ont vite rassuré et dit qu’avec un bon traitement tout pouvait se gérer".

Aujourd’hui au Stade Malherbe de Caen, Yoann Court a lui aussi connu cette période de doute. Alors âgé de 22 ans, il évoluait à Sedan: "Je n’arrivais plus jouer au football. Je me sentais lourd, mou, sans peps, j’étais fatigué, je n’arrivais pas à faire les efforts et contre-efforts. Le coach me demandait ce que j’avais, mais j’allais bien. Je buvais beaucoup d’eau, j’allais beaucoup aux toilettes, j’ai perdu sept kilos en deux mois. Là je me suis dit qu’il y avait quelque chose, donc je suis allé voir les kinés. On est allé faire un test et mon taux de sucre était à 2,93g/L à jeun (au lieu du maximum conseillé de 1,10 g/L), c’était énorme". Le milieu de terrain s’est alors entretenu avec un diabétologue, a été mis au repos pendant deux mois. "Au début, tu te demandes si tu vas pouvoir continuer ton métier. J’ai regardé sur Internet, mais j’ai vu tout et n’importe quoi. Aujourd’hui j’ai bientôt 32 ans, ça va faire dix ans que je joue avec. Je suis malade par rapport aux autres, mais je ne vois pas sur le terrain une différence entre un diabétique et un non diabétique. Il suffit de bien le gérer".

Entre piqûres au stylo et pompe à insuline

En effet, tout est une question de gestion, même si les débuts peuvent être compliqués. "Quand on est jeune, on ne connait pas son corps et on a tendance à faire des écarts sur la nourriture, sur le repos", reconnait Modibo Sagnan. "J’ai eu du mal à m’adapter. Les docteurs sont là pour nous aider, nous accompagner, mais il faut faire un vrai effort sur soi-même. J’ai ensuite compris qu’il fallait bien manger et bien dormir à des heures précises". Et s’injecter de l’insuline, comme l’explique Alizée Agier, 27 ans et diabétique de type 1 depuis presque neuf ans. "Notre problème est que le pancréas ne produit plus du tout d’insuline, c’est ce qui permet au sucre de passer dans le sang", vulgarise la karatékate internationale, membre de la Fédération française des diabétiques.

"L’insuline est vitale. On est donc obligé de s’en injecter soi-même, soit par une pompe, soit par stylo. Moi, je suis sous stylo. Je calcule le nombre de glucides que je vais manger pendant le repas et je me mets une dose en fonction. C’est une recherche d’équilibre au quotidien. Si on s’en met trop, on va être en hypoglycémie. Et si pas assez, en hyperglycémie. Par exemple, si je mange quelque chose sans m’injecter de l’insuline, mon taux de sucre peut monter jusqu’à me faire tomber dans le coma et dans le pire des cas en mourir. Nous sommes notre propre médecin".

Yoann Court en a pris l’habitude: "Avant, quand je faisais mon sac, c’était en premier mes crampons et protège-tibias. Maintenant c’est mon matos de diabète. Je n’ai jamais oublié ma piqûre en match ou à l’entrainement, je n’ai jamais été en hypo avant un match. Si jamais je l’oublie, il y a une pharmacie à côté du centre d’entraînement". Si le joueur caennais se pique au stylo, Modibo Sagnan a lui fait le choix de la pompe à insuline. "Une avancée technologique qu’on attendait depuis 50 ans et qui prouve qu’il y a eu des progrès incroyables dans la mesure de la glycémie et la gestion de l’insuline", s’enthousiasme le Pr Étienne Larger.

Le défenseur de Tondela est satisfait de ce nouvel outil: "J’utilise une pompe à insuline sans tubulure (le fil conducteur qui relie la machine au corps). Ça se présente sous forme de petit boîtier, collé à la peau avec un petit bout de plastique sous cutané, rien de douloureux et surtout très pratique. Je l’ai au quotidien, je joue avec et je n’ai aucun problème". Une pompe que d’autres sportifs préfèrent éviter, de peur de la détériorer voire la perdre sur un contact ou lors d’un effort.

Champions et diabétiques

Si les diabétiques doivent faire une croix sur les boissons sucrées, ils peuvent sans problème poursuivre leur soif de victoire. La maladie, bien gérée, n’a pas d’impact sur la performance. Alizée Agier, championne du monde de karaté en 2014 et 2016 puis championne d’Europe en 2019, en sait quelque chose. "Quand tu es sportif de haut niveau, tu as déjà la rigueur, l’habitude de faire des efforts. En prenant bien les mesures en main, en étant sérieux, on peut continuer sa carrière autant de temps qu’on le souhaite", sourit-elle.

Étienne Larger confirme en replongeant dans les livres d’histoire: "Gary Hall a été champion olympique de natation avant et après avoir été déclaré diabétique. Le rameur Steve Redgrave a été cinq fois champion olympique sur cinq olympiades consécutives et sur la dernière, il était diabétique. Ces garçons-là racontaient qu’ils faisaient sept à dix injections d’insuline par jour. Vous avez aussi le skieur de fond américain Kris Freeman qui a participé à quatre olympiades et enfin, une des histoires les plus extraordinaires est celle d’un diabétique qui est parti à vélo de la mer Noire pour rejoindre le Népal avant de terminer sa promenade au sommet de l’Everest". Kasper Dolberg n’a pas encore ce projet en tête. Le Danois espère avant tout régaler ses supporteurs qui ont fait de lui leur coqueluche, même sans sucrerie.

Clément Brossard