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EXCLU RMC SPORT

Drame à Nantes, interdictions de déplacement, dialogue avec les autorités... L’Association nationale des supporters sort du silence

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Depuis le drame du 2 décembre survenu à Nantes avec la mort de Maxime, fidèle du FCN, l’Association nationale des supporters (ANS) n’avait pas pris la parole en longueur dans les médias. Pour RMC Sport, le porte-parole de l’association, Kilian Valentin, sort du silence et revient sur ces dernières semaines, les décisions de la ministre des Sports et surtout sur la réunion de l’Instance nationale du supportérisme organisée, lundi matin, au ministère.

Kilian Valentin, quelle est votre première réaction après la réunion de lundi matin au ministère?

La réunion de l’Instance nationale du supportérisme a été plutôt très constructive, il faut le reconnaître. Elle a permis de poser les choses à la suite du drame survenu le 2 décembre dernier lors du match à Nantes ; drame qui nous a tous fortement affectés. Cette réunion au ministère a permis d’affiner le diagnostic des récents incidents mais surtout d’apporter des pistes de travail dans le cadre de l’INS. Cette réunion a permis à la ministre d’entendre nos arguments et nos idées mais nous a aussi permis d’entendre les arguments et d’appréhender la sensibilité de nos interlocuteurs. Nous avons aussi clarifié le fait que nous condamnons sans aucune ambiguïté les actes de violence. Les supporters irréprochables en sont les premières victimes. Certaines idées se rejoignaient lors de cette réunion. L’objectif n’est pas de tout révolutionner mais d’optimiser déjà la mise en œuvre des outils déjà existants. Pour autant, il est aussi apparu opportun d’avancer vers de nouvelles pistes.

Est-ce que vous sentez un retour du dialogue ?

Via le cadre de la plénière de l’INS, oui. Maintenant on va voir si ce dialogue se poursuit après la trêve hivernale et la reprise des championnats. Le gouvernement a annoncé des mesures pour le début du mois de janvier, nous espérons que l'ANS sera consultée. Mais en tout cas, cette plénière a permis de réamorcer le dialogue qui s’était interrompu visiblement entre l’Etat et les supporters depuis le 2 décembre.

Pourquoi garder le silence depuis le 2 décembre ?

Nous étions dans un drame. Nous étions personnellement et collectivement affectés. La communication n’était pas au cœur de nos réflexions. Nous avions tous besoin de prendre le temps du deuil et de l’émotion. Par ailleurs, nous n’avons pas souhaité répondre à l’escalade et à la surenchère médiatique et politique qui se sont accentuées après ce drame. On n’a pas souhaité réagir sous le coup de l’émotion. Une intervention rapide après ce drame n’aurait pas apporté des éléments constructifs, ce n’était pas notre rôle de réagir à chaud. Nous sommes un partenaire de travail des autorités et des instances, mais nous ne sommes pas le porte-parole du supportérisme français. Les choses évoluent progressivement en interne, sans en rajouter, sans mettre de l’huile sur le feu. C’est aussi pour ça que nous avons saisi le Conseil d’Etat avec parcimonie et de manière très modérée. Tous les arrêtés n’ont pas été attaqués par l’ANS, il faut le souligner. Ce silence a aussi permis de montrer notre désaccord tout en travaillant en interne afin de préparer la plénière de l’INS qui était annoncée depuis le 4 décembre.

Après cette réunion avec la ministre des Sports, est-ce qu’une idée ressort ?

En premier lieu, la nécessité de privilégier les sanctions judiciaires individuelles aux mesures collectives. Nulle part ailleurs dans la société, on accepterait de punir de façon généralisée au lieu de punir individuellement. En deuxième lieu, le renforcement du rôle du SLO (Le "Supporter Liaison Officer", NDLR) dans la préparation des matchs est très important pour nous. C’est une personne au sein des clubs qui a et qui est force de propositions. Elle a l’expérience de l’organisation des rencontres et elle a la confiance des supporters. Cette personne a toujours de nombreuses informations sur les rencontres pouvant permettre d’assurer de manière sécurisée et apaisée le déplacement et l’accueil des supporters visiteurs. Trop souvent, lors des réunions en préfecture, les autorités refusent de les écouter et prennent des mesures complètement inadaptées. En troisième lieu, la ministre des Sports a voulu accélérer la mise en place du policier référent supporters visiteurs (PRSV) qui est un vieux serpent de mer, sur lequel nous travaillons depuis des années avec la LFP et la Fondation Nivel. Ce PRSV peut aussi permettre de faire le lien avec le référent supporter dans la préparation des matchs afin de mieux préparer les rencontres et le jour du match pour centraliser les décisions "police". Et en quatrième lieu, la notion d’obligation de moyen et non de résultats que la ministre a un peu évoqué lors de cette réunion.

Pourquoi ?

Aujourd’hui, en cas d’incident, un club est sanctionné selon la gravité de l’incident, mais pas selon la gravité de ses manquements. Un club qui aura fait ses meilleurs efforts pour éviter l’incident encourt la même sanction qu’un club qui n’a strictement rien fait. L’obligation de moyen permet de sanctionner à hauteur des manquements ou des efforts mis en œuvre. L’obligation de résultat décourage certains clubs à consentir des efforts, de telle sorte que les supporters sont parfois confrontés à une désorganisation totale. C’est un sujet très important pour nous que l’on défend depuis plusieurs années. La ministre a donc évoqué cette piste-là lors de la réunion et c’est très important pour que les clubs mettent plus de moyens dans la préparation des matchs. Enfin, en cinquième lieu, la FFF a annoncé la création d’une direction de l’engagement qui doit notamment se consacrer à la relation avec les supporters (championnats amateurs et équipes de France). Ce référent-supporters, c’est quelque chose qui manquait car nous n’avions pas du tout de lien avec la Fédération.

Plusieurs intervenants de l’INS mettent en avant un manque de moyens de la DNLH, êtes-vous d’accord ?

Non, je ne pense pas. De notre sentiment extérieur, on peut voir, avec le mois qui vient de s’écouler, qu’ils sont très présents dans l’ensemble des décisions et dans tous les écrits avec les publications des arrêtés préfectoraux et des arrêtés ministériels. Ils ont du travail, c’est vrai, mais ils ne manquent pas de moyens. Pour nous, les moyens manquent surtout pour former, équiper et déployer les policers référents.

Le SLO doit aussi venir renforcer le lien avec les préfectures ?

Oui, dans certains cas, le problème rencontré arrive au niveau de la communication entre la préfecture et les groupes de supporters. Les préfectures sont hermétiques aux discours des référents supporters. Dans certains cas, il faudrait presque que les associations de supporters puissent assister aux réunions de sécurité afin de pouvoir confirmer la fiabilité du discours du référent supporter. Cela n’aurait aucun sens. Nous n’avons pas vocation à y participer. Il y a urgence à ce que les préfectures fassent confiance aux référents supporters qui sont nos interlocuteurs naturels.

La ministre a parlé d’électrochoc, vous l’avez ressenti ?

Nous n’avons eu besoin de personne pour être assommés par le drame du 2 décembre. C’est surtout un électrochoc en termes d’accélération des interdictions de déplacement qui a été ressenti par les supporters de football en France. Cette accélération a été très marquante car elle a fait passer un double message: tous les supporters sont responsables des actes de quelques individus - ce qui est injuste - et plutôt qu’améliorer les déplacements par le dialogue, la France a fait passer le message qu’elle ne savait pas recevoir les supporters. C’était un électrochoc aussi de voir que devant la justice, la liberté de circulation des supporters, que l’on défend depuis des années, était enfin entendue via le Conseil d’Etat. Les décisions du Conseil d’Etat après l’accumulation des arrêtés viennent surtout démonter le non-sens d’une grande majorité de ces arrêtés depuis plus de dix ans.

C’est un peu brouillon depuis hier, vous allez devoir faire du service après-vente de ces mesures auprès des supporters ?

Sur le grand public, non pas forcément car ce n’est pas notre rôle de faire ce SAV. Maintenant, auprès de nos groupes membres, en interne, on essaye de communiquer afin d’expliquer ces premières pistes évoquées lors de la réunion.

Que répondez-vous à la ministre quand elle attaque votre communication ?

Nous avons, à plusieurs reprises, publié des communiqués pour condamner les incidents. Les événements de 2021 à la sortie du Covid ont aussi été condamnés par l’ANS. Quand l’épisode est très grave, nous sortons du silence pour condamner ces incidents. Elle ne peut pas dire le contraire. Mais elle doit aussi avoir conscience que nous sommes des humains et des bénévoles. A l’ANS, nous sommes des bénévoles qui se réunissent pour offrir un interlocuteur aux instances et aux autorités. Nous ne sommes pas des porte-paroles investis d’un mandat de communication au nom du supportérisme. Nous entendons la critique et y sommes attentifs.

Propos recueillis par Nicolas Pelletier