Gerets est-il intouchable ?

L'entraîneur de l'OM est adulé. - -
Les temps changent à l'OM. Il n'y a pas si longtemps, une défaite à domicile face au PSG aurait sonné comme un terrible désaveu pour l'équipe en place. La défaite de dimanche soir face aux Parisiens (2-4) ne sera pas plus qu'un avertissement. « L'affaire Ben Arfa », qui se profilait après le clasico, ne semble plus être que de l'histoire ancienne. Le joueur a présenté ses excuses à son entraîneur, Eric Gerets. Le technicien belge a passé l'éponge, et a même expliqué avoir fait « trois bisous » à son joueur. L'OM peut donc préparer dans la sérénité son déplacement, ce mercredi à la Beaujoire, pour y affronter le FC Nantes Atlantique.
Une popularité digne de Goethals
Eric Gerets. L'homme semble être pour beaucoup dans le climat apaisé qui règne sur la cité phocéenne. Il faut dire qu'il en a vu d'autres. A 54 ans, « le lion de Rekem » a bourlingué dans toute l'Europe. Joueur, il a connu les plus grands honneurs. Finaliste de l'Euro 1980 et demi-finaliste du Mondial 86, Gerets a aussi remporté la coupe d'Europe des clubs champions avec le PSV Eindhoven, en 1988. Il a aussi entraîné dans l'un des clubs les plus chauds du monde, Galatasaray. En Turquie, avoue-t-il, « la pression est énorme ». En comparaison, l'OM est un club « tranquille ».
Arrivé à la tête de l'OM le 25 septembre 2007, Gerets hérite d'une situation catastrophique. Au soir de la 13e journée, Marseille est avant-dernier du classement. Pourtant, en neuf mois, Gerets relance complètement le club. L'OM termine troisième du championnat, une place inespérée quelques mois plus tôt. Gerets, par ses résultats, ses choix audacieux et offensifs et son charisme, en tire une légitimité et une popularité sans failles auprès des supporters marseillais. Aucun entraîneur n'a autant fait l'unanimité du côté de la Canebière depuis l'illustre Raymond Goethals (vainqueur de la Ligue des Champions avec l'OM en 1993).
Gerets : « L'échec sera pour moi »
Auprès de ses joueurs, Gerets est apprécié, respecté. Il n'est pas rare de voir les Marseillais sauter dans les bras de leur coach lorsqu'ils marquent un but. Valbuena, qui évoluait en National il y a un peu plus de deux ans, s'est révélé au plus haut niveau grâce à Gerets, par un but splendide à Anfield (victoire 1-0 de Marseille contre Liverpool, le 3 octobre 2007). Surtout, les joueurs savent que le technicien belge est honnête. Il n'hésite pas à reconnaître ses erreurs, comme après le match perdu à Eindhoven (0-2), ou à relancer des joueurs avec qui il était en froid (Karim Ziani).
Conscients de toutes ces qualités, les dirigeants marseillais ont voulu offrir à l'ancien international belge l'effectif de son choix. Après une première saison remarquable, Gerets voulait jouer le titre. Il a donc eu Ben Arfa, Koné et Hilton, pour plus de 25 millions d'euros. Dans une interview au mensuel « So Foot », Gerets le reconnaissait d'ailleurs : « Cette année, j'ai fait mes choix en mettant des accents là où je voulais. L'échec sera pour moi. » Une manière de protéger ses joueurs, mais aussi de prendre ses responsabilités.
Un coaching étrange
Et après dix journées, autant dire que l'OM n'a pas encore la stature d'un champion en puissance. Dimanche soir, les Marseillais avaient l'occasion de prendre seuls la tête de la Ligue 1. On sait ce qui arriva au Vélodrome, face au PSG. Sans oublier les trois défaites en trois matchs de Ligue des Champions, et l'élimination précoce en Coupe de la Ligue, face aux faibles Sochaliens. Même si l'OM reste deuxième au classement, son bilan sportif est loin d'être parfait.
Certains choix de Gerets, eux, intriguent. Mercredi dernier, à Eindhoven, son coaching a dérouté. La non-titularisation de Valbuena, mais aussi le changement à plusieurs reprises de système de jeu, ont soulevé de nombreuses interrogations. Notamment sur sa capacité à mettre son équipe dans les meilleures dispositions tactiques pour remporter un match capital. Dimanche, au Vélodrome, la rentrée de Zenden pour son footing dominical, a également surpris.
Une défense centrale en chantier
Au-delà du coaching d'Eric Gerets, c'est la faiblesse défensive de l'OM qui inquiète le plus depuis le début de la saison. Si offensivement, le jeu des olympiens est souvent léché et spectaculaire, la fébrilité et les gaffes régulières de ses défenseurs et de son gardien alertent. L'entraîneur marseillais avait fait du renforcement de son arrière-garde (en particulier de sa charnière centrale) la priorité de son recrutement. L'objectif est pour l'instant manqué. Gerets avait pourtant eu deux joueurs qu'il demandait : Hilton et Erbate. Ce dernier, après un premier match catastrophique à Rennes, apparaît désormais régulièrement sur le banc. Quant à Hilton, il fait ses matchs, mais se retrouve parfois dramatiquement seul.
Hier, Lorik Cana, milieu défensif de formation, l'accompagnait dans l'axe de la défense. Il a sombré. Tout comme Ronald Zubar, mercredi dernier à Eindhoven. Par rapport à la saison passée, Mandanda n'est que l'ombre de lui-même. Les deux latéraux Bonnart et Taiwo n'ont aucune doublure crédible. Marseille avait encaissé 45 buts en 38 journées l'an passé. Les phocéens sont repartis sur les mêmes bases - indignes d'un candidat au titre - cette saison, avec 13 buts encaissés en dix journées.
Pourtant, ce ne sont pas les solutions qui manquent sur le banc. L'OM ne compte pas moins de huit défenseurs centraux dans son effectif (Hilton, Zubar, Erbate, Rodriguez, Givet, Civelli, César, N'Diaye). Pourquoi Gerets ne choisit-il pas de relancer un Givet ? Peut-être choisira-t-il de faire confiance à Julien Rodriguez, quand celui-ci sera remis de ses pépins physiques.
Problèmes de complémentarité en attaque
Enfin, l'animation offensive de l'OM pose elle aussi question. Gerets a beaucoup de joueurs du même profil, petits, vifs et techniques (Ben Arfa, Koné, Ziani, Valbuena), mais pas d'ailiers. Ce manque de complémentarité se ressent aussi en attaque. Niang est vif et technique, mais il n'offre pas toutes les garanties dans le jeu en profondeur et le jeu de tête. Son remplaçant, Mamadou Samassa, semble encore bien tendre. La gestion du départ de Djibril Cissé est à cet égard emblématique des atermoiements de l'OM en matière de transferts.
Pour autant, Eric Gerets est loin d'être en danger. Son bilan n'est évidemment pas catastrophique. Deuxième de la Ligue 1, l'OM ne pointe qu'à deux petits points de l'OL. On se dit également qu'avec un petit coup de pouce du destin (la barre de Cheyrou face au PSG, les multiples occasions manquées contre Liverpool et l'Atletico en Ligue des Champions), certaines erreurs s'oublieraient plus facilement. Gerets a donc encore du crédit. A l'OM, plus qu'ailleurs, la stabilité et la sérénité sont des biens trop précieux pour être galvaudés.