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Girard, itinéraire d’un écorché (très) vif

René Girard et Younes Belhanda

René Girard et Younes Belhanda - -

Sacré meilleur entraîneur de L1, le bouillant technicien montpelliérain peut devenir champion de France si le MHSC prend un point dimanche à Auxerre (21h). Le couronnement d’une carrière aussi tortueuse qu’attachante.

Un ancien international qui rachète un loto-presse, qui voit les portes de son monde se refermer et se reconvertit. Il y a 17 ans, quatre ans après avoir raccroché les crampons, René Girard passait derrière le comptoir. Il pourrait y être encore, à raconter comme tant d’autres les souvenirs d’une première vie. Il est là, à sangloter devant une nuée de journalistes un soir d’après-match pas comme les autres. C’est dimanche. Montpellier vient de battre Lille (1-0) et de mettre une immense option sur son premier titre de champion de France. Le passé ressurgit. Les doutes, les critiques, les efforts. La carapace s’effrite. Le genre d’hommes qu’on croyait armés pour les retenir, lâche pourtant ses émotions.

Il y a des larmes, des mots qui ne sortent plus. « C’est un petit peu comme les cocotte-minute, explique René Girard avec quelques jours de recul. De temps en temps, il faut que ça sorte. Je n’ai pas honte, je ne cache pas mes sentiments. Ça a permis à certains qui me traitent de grosse brute, de casseur, de voir que j’ai mon petit côté féminin, que je suis capable de verser ma petite larme sur un match. » Gardois pure souche, né à Vauvert le 4 avril 1954, il était un milieu de terrain combatif, agressif, parfaite incarnation du Nîmes Olympiques des années 70. Rolland Courbis, qui l’a connu en équipe de France de jeunes, se souvient. Et regrette.

« Quand on était jeunes et beaux, contre la Norvège, ce tacle qu’il avait fait, c’était au-dessus de la carotide ! C’était au menton ! Plus sérieusement, je pense qu’on a trop mis en avant ses qualités brutales. On a oublié ses qualités techniques et tactiques, qui étaient pour moi ses principaux atouts. C’était d’abord un très bon footballeur, même si effectivement, il valait mieux ne pas être dans sa zone. Je pense que cette réputation l’a desservi. » Sans néanmoins le priver des Bleus, dont il a porté le maillot à sept reprises au cours de sa période Girondins de Bordeaux (triple champion de France et double vainqueur de la Coupe de France entre 1980 et 1988).

« Je ne suis pas rancunier mais je n’oublie pas »

Sa carrière de joueur, René Girard s’en sert encore aujourd’hui comme référence. « Le plus beau compliment qu’on puisse me faire, c’est qu’on me dise que mon équipe a du tempérament et qu’elle me ressemble un petit peu », confesse-t-il. Et la plus belle récompense, c’est un titre de meilleur entraîneur de Ligue 1 que l’UNFP lui a décerné lundi dernier. « Je ne vais pas gâcher mon plaisir, dit-il. J’ai été reconnu par mes pairs. Je le prends avec beaucoup de plaisir. Quand ça vient de connaisseurs, c’est encore plus gratifiant. » Comprendre, en filigrane, que d’autres juges ont créé une blessure, laissé une cicatrice qui ne s’est pas refermée.

En 2008, Gérard Houllier lui claque la porte de la Direction technique nationale (DTN) au nez. Le point final d’une carrière d’entraîneur compliquée parait proche. Nîmes, Pau (en CFA), Strasbourg. Au début des années 90, les clubs le prennent et le jettent. C’est Aimé Jacquet, son ancien entraîneur à Bordeaux, son mentor, qui le fait entrer dans le giron de la Fédération en 1998, quand le patron des champions du monde est nommé DTN. Adjoint de Roger Lemerre jusqu’en 2002, René Girard devient ensuite des sélectionneurs des -16 et -19 ans puis des Espoirs à partir de 2004. « Je ne suis pas rancunier mais je ne n’oublie pas ». La formule est belle. Une contradiction. Un aveu. Pour un écorché qui tente de faire croire qu’il a digéré.

« A un moment donné, il faut tourner la page, se préconise-t-il. Finalement, peut-être que je peux les remercier. Ça faisait dix ans que j’étais à la DTN. Ça m’a permis de voir autre chose. Je ne dirais pas que c’est une revanche, mais je savoure. » Louis Nicollin, à la recherche d’un successeur à Rolland Courbis en 2009, propose le poste à l’habitué de la Mosson. 5e, 14e, 1er. La troisième saison devrait être dimanche à Auxerre celle de la consécration. Inespérée, méritée. D’une équipe dure à une équipe joueuse, avec des talents issus du centre de formation et la révélation Giroud, Montpellier a mué. Comme son entraîneur, abonné aux coups de gueule sur le bord de terrain, devenu plus serein. Il a 58 ans et « envie de connaître d’autres horizons ». Sa deuxième vie ne fait que débuter, loin de son loto-presse.

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L’heure est à la remobilisation |||

Quatre jours de fête ou presque. De la victoire face à Lille dimanche (1-0), célébrée avec le plus grand enthousiasme sur la pelouse de la Mosson, au pot payé mercredi par René Girard pour son titre de meilleur entraîneur de Ligue 1, en passant par les trophées UNFP et le prix France 24-RFI Marc-Vivien Foé remis à Younes Belhanda, les Montpelliérains ne savaient plus où donner de la tête en début de semaine. Leur coach a tenu ce jeudi à replacer le sportif au cœur des préoccupations. En marge de l’entraînement, René Girard a remis son groupe sous pression en faisant passer le message que le titre n’était pas acquis et que le point nécessaire dimanche à Auxerre pour être champion ne serait pas offert sur un plateau. Mais comme si leur destin doré devait sans cesse se rappeler à eux, les Montpelliérains ont vu environ 400 spectateurs se masser ce jeudi à Grammont pour une séance d’autographes peut-être record en Hérault. Tous les joueurs s’y sont prêtés de bonne grâce. La rançon de la gloire.

Laurent Picat avec Julien Landry