Ils font régner la terreur à Brest: des supporters d'extrême droite dans le colimateur après une série d'agressions

Un millier de personnes ont manifesté ce jeudi soir à Brest, en réaction à une série d'agressions visant des militants et sympathisants de gauche, dans cette ville peu coutumière des violences de rue. L'enquête semble s'orienter vers un groupe de hooligans d'extrême droite.
"C'est un climat extrêmement étrange dans notre ville, qui avait longtemps été épargnée", remarque Maryvonne Cariou, 71 ans, adhérente de la Ligue des droits de l'Homme, au rassemblement organisé jeudi soir.
"C'est la première fois dans ma vie de Brestoise que j'ai eu peur de rentrer chez moi le soir", confie cette petite femme aux lunettes et cheveux noirs. "Ils sont violents, ils sont dangereux mais nous, on est nombreux", enchaîne-t-elle devant le millier de personnes - 800 selon la préfecture, 2000 selon les organisateurs -, réunis devant le pont de Recouvrance, en plein centre-ville.
"Une scène de chaos"
Émaillée de quelques incidents, la manifestation a été organisée à la suite de l'agression, samedi 20 septembre au soir, de clients d'une terrasse de café de la place Guérin, réputée pour être un bastion de la gauche brestoise.
Une trentaine d'assaillants vêtus de noir, visages masqués et armés de batte de base-ball, avaient aspergé de gaz lacrymogène les personnes attablées au Café de la plage, les avaient rouées de coups, avant de prendre la fuite quelques minutes plus tard.
"Une scène de chaos", décrit Ronan, logisticien de 30 ans, qui a entendu les attaquants crier "Brest nationaliste", avant de dégainer une bombe lacrymo "format familial". "La soirée n'était pas un rassemblement politique. On était juste là parce qu'il y avait de la bière", dit le jeune homme, qui ne se dit "engagé nulle part".
"L'attaque avait un côté très planifié", poursuit Eugénie, 33 ans, qui confie sa "sidération" après avoir assisté à cette scène "très choquante", qui a fait trois blessés. "Les assaillants ont décidé de faire régner la terreur en centre-ville", estime-t-elle.
D'autant que l'agression intervient après celle survenue contre des militants de La France insoumise (LFI), fin août, à l'issue d'une collecte de fournitures scolaires. "Brest est natio", avaient entendu crier les militants avant de se faire frapper. Parmi les victimes: Édouard Edy, le compagnon du député LFI de Brest Pierre-Yves Cadalen.
Le parlementaire, qui dit avoir alerté le préfet dès juillet "de bruits sur la reformation de groupuscules d'extrême droite violents", dénonce une "situation extrêmement grave" et met en cause le "silence du ministre de l'Intérieur" et la "libération de la parole raciste".
La Section Ouest pointée du doigt
Le sous-préfet Jean Philippe Setbon assure, lui, "mettre tous les moyens pour retrouver les auteurs des agressions." Les enquêteurs s'intéressent notamment à un groupe d'une trentaine de supporters ultras du Stade Brestois, baptisé Section Ouest. Scission des "Celtics brestois", ce petit groupe aurait participé à l'envahissement de la quatre voies Brest-Rennes, à la suite d'un match contre Lens, en avril. Cagoulés et armés de battes, ils voulaient en découdre avec les supporters lensois.
Un supporter interdit de stade après ces débordements a été blessé samedi soir, dans la bagarre qui a suivi l'attaque du Café de la plage, selon une source proche de l'enquête. Juste avant l'agression, le Stade Brestois affrontait Nice à domicile. Interrogé sur cette piste, le procureur de Brest n'a pas donné suite, se contentant d'indiquer qu'une enquête pour violences et dégradations aggravées avait été ouverte.
Ces violences interviennent dans un contexte de montée de l'extrême droite en Bretagne, notamment parmi les supporters des clubs de football de Rennes et Guingamp. Les activités de ces ultras ne se limitent pas aux tribunes des stades de football. En juillet 2023, plusieurs d'entre eux avaient ainsi attaqué un "festival antifasciste" à Saint-Brieuc. Ils ont été condamnés à de la prison avec sursis.