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Kastendeuch : « On ne parle pas à la légère »

Le vice-président de l’UNFP, Sylvain Kastendeuch, invité de Larqué Foot, a tenu à expliquer les raisons pour lesquelles la grève pourrait bien avoir lieu.

Sylvain Kastendeuch, depuis combien de temps exactement songiez-vous à faire grève…
Ce n’est pas une histoire nouvelle, cela fait quelques mois, quelques années que les présidents de clubs veulent l’exclusivité des pouvoirs à la Ligue. Ils sentent bien que c’est au niveau du Conseil d’Administration qu’ils vont pouvoir faire ce qu’ils ont envie de faire. Il y avait déjà eu un rapport grippant qui avait mis le feu aux poudres il y a quelques mois. Cette fois, ils ont décidé de passer la vitesse supérieure et de faire une OPA sur le foot.

On a l’impression que dans cette histoire que Frédéric Thiriez, président de la LFP, a promis une chose aux présidents de clubs et vous a promis tout autre chose…
Exactement. C’est pour cela que l’on est remonté. Il y avait déjà eu, il y a quelques mois, des prémisses de ce projet. On avait rencontré avec Philippe Piat Jean-Pierre Escalettes, le président de la FFF et Frédéric Thiriez, le président de la Ligue. Au terme de cet entretien où nous avions exposé lors d’un large débat toutes nos inquiétudes, nous avions tous convenu que le projet des présidents n’était pas un bon projet. Il nous avait donné l’assurance que le jour venu, s’il fallait prendre une décision, il s’opposerait à ce projet. Là maintenant, et même s’il dit le contraire, Frédéric Thiriez a choisi de faire avancer le projet des présidents. Nous ne sommes pas du tout rassurés sur les vues du président. Il vient d’être réélu et il a fait la promesse aux présidents de tout faire pour appuyer leur projet.

Mais comment le pouvoir et la répartition des postes au sein du CA peuvent-ils changer ?
La procédure serait que Frédéric Thiriez, à la demande des présidents de clubs, convoque une assemblée générale extraordinaire. Une assemblée où seuls les présidents de clubs auront le droit de voter… autant en conseil d’administration nous sommes représentés autant en assemblée générale extraordinaire, ce sont seulement les clubs qui votent. S’il convoque cette assemblée générale extraordinaire, ils auront tout le loisir de changer les statuts de la Ligue comme bon leur semble.

Dans le passé, visiblement, laisser le monopole du pouvoir aux présidents de clubs n’avait pas réussi au football français.
En effet, les présidents, jusqu’au début des années 90, avaient le pouvoir exclusif au niveau de la Ligue. On s’est aperçu finalement à l’époque que donner tout le pouvoir aux présidents de clubs ne fonctionnait pas aussi bien que cela, en raison notamment du monopole des présidents. Il y a donc eu un rapport rédigé par Fernand Sastre, président à ce moment-là de la Fédération Française de football. De ce rapport, à découler l’organisation actuelle du CA de la Ligue : un système paritaire, avec des membres indépendants et des représentants des différentes familles du football. Du coup, on est dans une vraie démocratie. Quand les présidents ont une bonne idée, on la vote à l’unanimité. Et quand certains d’entre eux ont une mauvaise idée, on a également une forme de contre-pouvoir pour contrer ce genre de choses.

A l’heure actuelle, chaque partie semble campée sur ses positions. Vous êtes en position d’attente du coup ?
Aujourd’hui, tout le monde attend la décision du Ministre (Bernard Laporte, ndlr). On espère sincèrement qu’il fera le bon choix, qu’il prendra ses responsabilités. J’ai discuté avec quelques présidents… Ces derniers ne sont pas eux-mêmes convaincu de la réussite d’une refonte du CA de la Ligue.

S’il y avait aujourd’hui une assemblée extraordinaire, êtes-vous certain qu’il y aurait forcément une modification du pouvoir à la Ligue ?
Mais, si assemblée générale extraordinaire il y a, ne vous inquiétez pas. Il n’y aura pas de souci. Les présidents de clubs, pas forcément unis en dehors, trouveront là des motifs de se rassembler. Dès qu’il s’agit de se mettre d’accord sur le dos des autres, il y a union.

Avez-vous le sentiment que votre message préventif passe auprès des joueurs ?
Les joueurs, on n’a pas besoin de leur en parler pendant des heures. Lorsqu’on leur expose les dangers de laisser le monopole du pouvoir du CA de la Ligue aux présidents de clubs, il leur faut juste dix minutes pour comprendre la situation. Malgré les centaines de milliers d’euros qu’ils gagnent, ils parviennent à se mobiliser, ils parviennent à prendre conscience des dangers d’un tel projet.

Vous n’avez pas peur de rendre, avec cette grève, le football français impopulaire ?
On n’est pas sur des revendications salariales. On est sur des valeurs de solidarité. On veut juste rester sur le modèle de fonctionnement qui est en place depuis plusieurs années. On veut conserver notre mot à dire sur les bonnes comme sur les mauvaises idées des présidents de clubs.

Vous dénoncez, dans votre lettre à Bernard Laporte, un risque de dérive vers le système américain avec une Ligue fermée, sans montée, ni descente… ce qui reviendrait à mettre à mort la Ligue 2.
Il y a déjà eu quelques fuites par rapport au rapport Besson (qui doit être publié dans quelques semaines, ndlr). Les présidents de clubs envisageraient de lisser les résultats sur trois ans concernant le système de montées et de descentes. On est carrément sur cette lancée. Les présidents ont également proposé un projet d’académies de football à la place des centres de formation. Si ce n’est pas imiter le modèle américain ça…

La grève aura vraiment lieu ou est-ce juste un moyen de faire pression pour pouvoir ensuite se mettre autour d’une table et reprendre les négociations ?
On n’a pas défini les modalités de la grève. Mais on ne parle pas à la légère. On la fera, notamment si le Ministre et le président de la Fédération ne prennent pas position pour arrêter ce processus… Le préalable est simple. On veut que les présidents de clubs abandonnent leur projet, qu’on se réunisse autour d’une table et qu’on conserve le système du Conseil d’Administration tel qu’il est aujourd’hui.

La rédaction