L’autre combat d’Orsoni

- - -
« Si je ne suis pas trop fatigué, je descendrai voir mes joueurs. » Alain Orsoni, président d’Ajaccio, espère pouvoir se rendre au stade François-Coty, ce vendredi soir, pour assister au match entre son équipe et l’Olympique de Marseille. Si sa présence est probable, elle n’est pas certaine à 100%. Le patron de l’ACA, 58 ans, est physiquement très affaibli. Ce vendredi, il vivra son 18e jour de grève de la faim. L’homme, qui vit chez sa mère dans le petit village de Vero, sur les hauteurs d’Ajaccio, a entamé un bras de fer contre la justice. Son combat ? La défense de son fils, Guy Orsoni (27 ans), en détention préventive depuis dix mois pour des affaires d’assassinats qu’il nie farouchement. Son fils est lui aussi en grève de la faim depuis le 13 février. Les Orsoni dénoncent l’absence de preuves et les méthodes de la JIRS (Juridiction inter-régionale spécialisée) de Marseille, qui instruit la plupart des dossiers de grand banditisme corse.
« Le pire est à venir mais ma détermination est sans faille »
Jeudi, le dirigeant corse nous a reçus chez lui. Devant cette petite maison en pierres, la voiture noire blindée d’Alain Orsoni et une banderole accrochée près de la porte d’entrée : « Ghjustizia è libertà ». Un peu partout dans le village, d’autres affiches écrites en Corse réclament la liberté pour Guy, son fils. Alain Orsoni, bas de survêtement et gilet noirs, assis dans le fauteuil, près de la cheminée, garde le moral et le sourire. Malgré les 10 kilos qu’il a déjà perdus, il jure qu’il n’abdiquera pas. « J’irai jusqu’au bout, promet-il. C’est fatiguant. Le pire est à venir mais ma détermination est sans faille. » Comment fait-il pour tenir ? « Il s’agit de mon fils. Pour un père, cela me semble être une motivation essentielle », répond-t-il très calmement. L’homme est pourtant fatigué et dort beaucoup. Il boit cinq litres d’eau par jour. Les cafés et les cigarettes rythment aussi ses journées. « Je continue à vivre au ralenti et difficilement, souffle-t-il. Il y a des choses plus importantes que le football dans la vie. » Il n’a plus vu ses joueurs depuis longtemps. L’ACA ne compterait-il plus ? « C’est évident que cela empiète sur son travail. C’est quand même sa troisième grève de la faim. L’organisme est fatigué, ses forces déclinent de jour en jour, mais il ne délaisse pas le football pour autant. Il fait ce qu’il peut avec ce qu’il a. », témoigne Gabriel-Xavier Culioli, écrivain et intellectuel corse, ami d’Alain Orsoni et lui aussi en grève de la faim, par solidarité.
« Ma passion pour mon club ne s’est pas éteinte »
Pendant qu’il mène son combat, le dirigeant ajaccien a délégué la plupart de ses activités à Léon Luciani, fidèle du club, et à Patrick Vernet, le directeur sportif, qui espère « retrouver ce soir son président en bonne santé car le club de l’ACA, qui est une famille, a besoin de lui ». Pour Olivier Pantaloni, l’entraîneur de l’ACA, cette singulière situation est vécue assez simplement, malgré l’absence du grand patron. « Les joueurs tiendront compte de l’effort que fait le Président en venant au stade, dit-il. De temps en temps, je l’appelle pour lui donner des nouvelles du club. » Pour Alain Orsoni qui envisage de quitter définitivement la France s’il récupère son fils, la flamme reste allumée. Les traits du visage tirés, il conclut : « Le combat qui m’occupe est prioritaire mais ma passion pour mon club ne s’est pas éteinte. Et je continue à suivre ce qui se passe à l’ACA avec intérêt. »