La griffe Labrune

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Manteau noir cintré, jean, baskets blanches, un Paris-Turf sous le bras, une petite cigarette au coin du bec. C’est le début de saison. Vincent Labrune marche tranquillement dans les allées de la Commanderie et se fait chambrer par un de ses amis, journaliste à OMTV : « Eh Vincent, tu es président de l’OM, maintenant ! ». Toujours la réponse qui fuse, Labrune sourit. « J’ai 40 ans, je ne vais pas mettre tous les jours un costume. Je m’habille comme je veux ! »
Même lors des repas de veille de Ligue des champions, le boss de l’OM ne porte jamais de cravate. C’est le style Labrune. A l’aise dans le monde des affaires aux côtés de Margarita Louis-Dreyfus, très habile en communication avec les journalistes, Labrune aime désormais se frotter aux joueurs de l’OM. Troisième plus jeune président de Ligue 1 (derrière Loïc Féry et Nasser Al Khelaïfi), Labrune en a fait un atout : « J’ai dix ou quinze ans de plus que mes joueurs, ce n’est pas beaucoup. Et j’ai déjà de l’expérience. Avec Brahim Asloum et des stars de la télé, j’ai su faire face à des jeunes qui gagnent de l’argent. Gérer des problèmes et des ego, c’est mon boulot, c’est en moi. Je suis formaté comme cela. »
Au moment de renégocier les primes en début de saison, Labrune la joue à sa manière : direct et diplomate. « Quand j’annonce à Steve, Ben’ et Alou qu’on va baisser les primes de la Ligue des champions de 40%, je leur fais confiance et je leur explique tout : l’économie du club, les recettes, leurs salaires, etc. Je leur parle cash, et y’a pas de bug de communication entre nous. » Les trois capitaines de l’OM, Mandanda, Cheyrou et Diarra, reviendront le lendemain pour donner leur accord.
C’est la notion du « win-win », gagnant-gagnant, chère à Labrune. La conviction que c’est le sportif qui tire les résultats financiers vers le haut, et pas l’inverse. Le départ de Lucho serait donc l’exception qui confirme la règle. Mais Labrune, une moyenne de 3 nuits par semaine sur Marseille, au point d’adorer l’assiette campagnarde de « La Cantine » mais de pester contre le manque de choix dans la vidéothèque du Sofitel Vieux Port, est persuadé que Didier Deschamps apprécie son investissement au sein du club.
Trois joueurs le tutoient de temps en temps…
Après le match aller contre Lyon (6e journée), l’OM est dernier. Labrune est très ferme face à ses joueurs quand Margarita les réunit au centre RLD. Le président de l’OM multiplie aussi les rendez-vous individuels, dans son bureau. Cheyrou, Amalfitano, Kaboré… Tous mécontents de leur situation, Labrune trouvera les mots pour les remotiver. Il parviendra aussi à regonfler le moral de Valbuena, héros mais boudeur, après son but contre Dortmund…
« Maintenant, je les laisse faire leur vie. Quand ils viennent me voir désormais, c’est pour avoir une augmentation, raconte Labrune. Et ceux qui pensent que je vais dire oui car on s’entend bien, je leur explique quand même que ce n’est pas le moment. Il y a une frontière entre être sympa et être potes. Ce n’est pas parce qu’on gagne que je vais chanter ou faire la fête avec eux. »
Vincent Labrune, qui aime aussi les bars branchés de la capitale, promet d’ailleurs qu’il ne s’est retrouvé qu’une seule fois dans une soirée avec un joueur, sur Paris : Stéphane Mbia. Le Camerounais avait visiblement apprécié : « Le président ? Il a du cœur, il est attachant, il est très professionnel. C’est vrai que c’est un bon communiquant. Mais je pense qu’il est sincère avec nous… »
Marque de respect, tous les joueurs vouvoient leur président. Seuls Valbuena, Diawara et Cheyrou, les plus anciens, se permettent un petit écart de temps en temps, quand le business n’est pas au menu des discussions. Labrune est cool. Mais Labrune est leur patron. Rod Fanni a vu la différence. Il a déjà partagé un verre avec son président quand lui aussi résidait au Sofitel. « Au début, c’était limite un ami. Maintenant, c’est le président. Il sait nous taper sur les doigts. Mais il est juste, et nous a toujours soutenus. Son âge doit jouer. Peut-être qu’il comprend mieux les jeunes…» Précision : Rod Fanni tente en ce moment de négocier une prolongation de contrat et l’augmentation qui va avec…
D’ailleurs, Fanni, le DJ du vestiaire, connait-il les goûts musicaux de son patron ? « Ah non, je ne fais pas des virées dans la voiture de mon président, quand même ! ».
Normal, si Vincent Labrune s’est rapidement mis dans la poche les codes du football, il n’a pas encore le permis de conduire dans son portefeuille.