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Lannoy : « Les arbitres doivent devenir professionnels »

Stéphane Lannoy

Stéphane Lannoy - -

Document RMC Sport - Stéphane Lannoy, seul arbitre français présent à la Coupe du monde 2010, espère que le statut des hommes en noir sera rapidement calqué sur celui des autres acteurs du football professionnel. Le Boulonnais de 41 ans, qui travaille à mi-temps dans un hypermarché, ne cache pas non plus certains états d’âme. Entretien exclusif.

Stéphane, vous militez activement pour la professionnalisation des arbitres. En quoi est-ce si important ?
Le gros problème est d’ordre statutaire. Le discours très démagogique qui dit que l’arbitre fait partie du football, ça fait plaisir à entendre. Mais dans les faits, ce n’est pas le cas. Les joueurs, les encadrements, tout est professionnel. Seuls les arbitres échappent à cette règle. Et ça me parait inacceptable. Un gamin pourrait très bien vouloir épouser une carrière d’arbitre, puisque ce serait un vrai métier. Apprendre comment on travaille, comment on se prépare physiquement. Il y a une vraie professionnalisation dans notre attitude et notre comportement. Mais ça, on ne le met jamais en avant. A croire que ça n’intéresse pas grand-monde…

Estimez-vous que les arbitres soient mal payés ?
On doit toucher 3 000 euros par match de Ligue 1. Sachant qu’on en fait deux ou trois par mois, le calcul est rapide. Honnêtement, ce n’est pas un simple aspect financier. L’objectif n’est pas demain d’être à des revenus qui avoisinent ceux des joueurs. On ne fait pas vibrer les gamins. On n’est pas là pour faire du merchandising autour de notre nom. Ce n’est pas une question de revalorisation salariale. C’est avant tout une question de reconnaissance et de statut. Il me reste quelques saisons à faire d’ici à 2015. Je mettrai beaucoup de mon énergie à me battre pour qu’un jour on obtienne un statut professionnel. On serait alors tous au même niveau. Ça me parait primordial.

« Le plus inacceptable, ce sont les menaces de mort »

Etes-vous pour ou contre l’utilisation de la vidéo ?
A partir du moment où l’utilisation de la vidéo n’a pas été autorisée, ce débat doit s’arrêter. Je ne vois pas l’intérêt de remettre ça sur la table tous les week-ends. Il faut partir sur d’autres solutions. Michel Platini a choisi une solution humaine avec deux arbitres additionnels derrière le but. Ça me parait être une approche intéressante. Il faut lui laisser le temps de vivre et voir si ça peut fonctionner. On peut aussi apporter une petite part de technologie avec des caméras sur la ligne de but pour voir si le ballon est bien entré. Ça peut aider les arbitres. J’aimerais bien qu’on arrête de nous montrer douze ralentis pendant les matches. Parce que parfois on se rend compte d’une erreur au bout du septième ralenti ! Il faut arrêter de taper sur les arbitres. Il peut y avoir des émissions de foot sans systématiquement montrer les erreurs d’arbitrage. Ça éviterait de mettre la panique sur les bancs et ça amènerait un peu de sérénité.

Comprenez-vous l’agacement de certains joueurs ou entraîneurs à l’issue d’un match ?
Quand vous jouez un championnat et que vous êtes là pour gagner, je peux comprendre la frustration. A partir du moment où vous êtes victime d’une erreur d’arbitrage, je peux admettre la déception. Mais je ne peux pas concevoir qu’on s’attaque à l’homme comme c’est parfois le cas. Qu’on vous traite de malhonnête, de voleur… ça dépasse tout entendement. Il y a des semaines difficiles. Quand on entend ce genre de commentaires, on ne peut pas l’accepter. Ça dégage une mauvaise image, même auprès de nos enfants. Ce n’est pas toujours évident. Parfois, les gamins croisent un copain qui leur en parle à l’école. Mais je ne me focalise pas là-dessus. Ce qui me semble le plus inacceptable, ce sont les menaces de mort. Mon collègue Freddy Fautrel avait reçu de telles menaces après un Auxerre-Marseille. Personnellement, ça ne m’est encore jamais arrivé. Mais on n’est pas à l’abri.

Propos recueillis par Pierre-Yves Leroux