Ligue 1 : Comment remplir les stades ? Les solutions que les clubs devraient appliquer

Le constat : la France en retard
L’Euro en France n’aura pas eu l’effet escompté. Au soir de la 9e journée de championnat, les affluences dans les stades de Ligue 1 avaient chuté de 4% par rapport au même moment de la saison précédente. Trois raisons principales peuvent expliquer cette chute. D’abord l’« effet OM ». Les supporters du Vélodrome ont déserté l’enceinte en raison des résultats catastrophiques de la saison 2015-2016 (seulement trois victoires). La désertion du Vélodrome explique ainsi les deux tiers de cette baisse globale. L’état d’urgence et les dynamiques sportives poussives (notamment dans les villes à fort potentiel comme Bordeaux, Lille, Montpellier) sont d’autres raisons.
De quoi pousser les clubs à réfléchir aux solutions pour améliorer les affluences. « Les clubs de Ligue 1 et Ligue 2 doivent modifier radicalement leur credo historique, à savoir que gagner des matches constitue une stratégie commerciale », résume le rapport de G2 Strategic remis aux clubs au premier semestre 2014. Marshall Glickman, président de G2 Strategic, a notamment été président de la franchise NBA des Portland Trailblazers et président directeur général de la franchise MLS des Portland Timbers. Antony Thiodet, son associé, a notamment été président délégué de l’ASVEL (basket) et directeur de la communication et du marketing de la FFBB. Ce sont eux qui ont remporté l’appel d’offres de la Ligue et qui ont fourni un véritable travail de fond.
Un chiffre qui laisse à réfléchir au moment de présenter les préconisations : Arsenal génère des recettes « jour de match » équivalentes à 78 % de l’ensemble des recettes billetterie moyennes de l’intégralité des clubs de Ligue 1. A méditer…
Les cinq recommandations pour booster la fréquentation des stades
Partir à la conquête de nouveaux publics
Pendant des années, les clubs français se sont contentés de capter la « demande naturelle » et d’accueillir les publics qui se présentaient spontanément à leurs guichets. Or, les « supporters assidus » viennent aux matchs quoi qu’il arrive. Il faut donc aller à la conquête de nouveaux publics qui compléteront la demande naturelle. Ceux qui viennent chercher autre chose : se divertir, rencontrer des gens, faire du business. Le rapport G2 Strategic révèle ainsi que « seulement respectivement 14 % et 27 % des spectateurs de rencontres de la NFL et de la NBA, sont des supporters "inconditionnels" ou "assidus" ». La même étude a par ailleurs pointé que « la vaste majorité des supporters "inconditionnels" et "assidus" de la plupart des sports ne se rendent même pas dans les stades pour les rencontres elles-mêmes ». On en déduit que les clubs doivent travailler sur la notion de plaisir.
Séduire les femmes
« Les clients non assidus doivent quitter le stade heureux, satisfaits et avec le sentiment d’en avoir eu pour leur argent : quel que soit le résultat du match, ils doivent se régaler, » ajoute le rapport. Dans ces conditions, la captation d’un public féminin est une piste à explorer. Seulement 11 % des spectateurs qui assistent aux matches de la LFP sont des femmes. Dans les ligues américaines, elles sont près de 50%. Et quand on sait que les femmes sont généralement les personnes d’un foyer qui décident des activités de loisir d’une famille, on se dit que le marché est immense. D’une manière plus générale, les clubs ont du mal à comprendre que la nouvelle génération de clients n’a rien à voir avec l’ancienne génération et que leur demande n’a rien à voir avec celle de leurs parents.
Vendre la fête et la passion
Difficile de vendre son produit et son match de football quand une rencontre se déroule devant des tribunes clairsemées. « Toute l’énergie disponible dans chaque club devrait être utilisée, non pas à augmenter l’affluence moyenne, mais à accroître le nombre de matches joués à guichets fermés. En diminuant la liste des matches disponibles, la demande débordera sur les matches suivants », détaille le rapport remis à la Ligue. Les clubs doivent donc se concentrer sur les matchs à fort potentiel, ceux qui vont engendrer des ambiances positives et feront revenir les spectateurs, surtout les « non assidus ». Car si ces spectateurs constatent des tribunes vides, ils n’auront pas l’envie de revenir. Au contraire, si l’ambiance y est festive et si les clubs font la promotion des rendez-vous suivants, sans doute se laisseront-il tenter.
Revoir la stratégie billetterie
Il y a d’abord la grille tarifaire. Chaque club devrait compter entre 8 et 12 tarifs différents par tranche de 20 000 places et segmenter au maximum son offre. Tout en gardant en mémoire la règle des 70-30 : environ 70 % des revenus billetterie doivent provenir de seulement 30 % de l’ensemble des places. Il faudra également travailler sur les gammes d’options pour les clients potentiels. Chaque produit de billetterie doit être porté par une stratégie marketing dédié et ciblé, que ce soit en direction des groupes, des familles, des jeunes, des adultes, des professionnels, des individuels à fort pouvoir d’achats, des membres de clubs de foot ou des supporters.
« Quand vous couplez des billets à des services et avantages, alors la valeur augmente, explique le rapport. Si un secteur dédié aux familles est situé dans la partie haute du stade mais que les billets y incluent nourritures et boissons pour les enfants, qu’il donne accès à un mini-terrain où ils pourront s’amuser, alors la valeur des billets augmentera. » Un concept difficilement applicable aujourd’hui en France, car on manque d’espace. Les clubs ont du mal à comprendre qu’il leur faut sacrifier des places pour des terrasses et des lieux de services. D’autres préconisations vont contre les idées reçues, comme par exemple l’abandon des invitations pour compenser la faible fréquentation. « L’idée selon laquelle distribuer des invitations vous permettra de recruter de futurs clients est erronée. Vous développez juste le réflexe pour votre public de courir après de nouvelles invitations », prévient le rapport.
Envisager de réduire la capacité des stades
Et si le foot français s’était trompé en pensant que la construction de grands stades modernes résoudrait tous les problèmes ? D’abord parce que la modernité de ces enceintes est toute relative et qu’elles ont été conçues pour répondre à un cahier des charges d’une compétition qui n’a duré qu’un mois et dont les exigences sont différentes de celles de la LFP. « Les nouveaux stades et les stades rénovés ne sont pas la panacée, explique G2 Stratégie. L’effet "lune de miel" d’un nouveau stade génère habituellement une augmentation du chiffre d’affaires qui ne dépasse pas 10 à 15% et l’effet "nouveauté" se dissipe au bout d’un an. En définitive, c’est la qualité de l’expérience qui prime. »
D’autant qu’à l’exception de Lyon, les clubs n’ont jamais été sérieusement associés à la conception de ces stades et ne sont associés à leur exploitation. Certains stades étant trop grands, les clubs devraient envisager de réduire la capacité de leur enceinte pour stimuler une plus grande demande et multiplier les matchs à guichets fermés et ainsi installer une forme de rareté. Comme la plupart des clubs MLS, les clubs doivent accepter de sacrifier des recettes court terme pour rétablir les bases d’un business pérenne. Une idée très difficile à faire accepter aux clubs.
La conclusion : en finir avec la tyrannie du court terme
G2 Strategic a fourni aux clubs un rapport de 150 pages avec une cinquantaine de mesures. Du côté de la société de conseil, on insiste sur la nécessité de mener de front la cinquantaine de mesures pour bénéficier de résultats positifs. Prendre un principe sans réfléchir aux autres n’aurait aucun sens. En France, c’est pourtant la « tyrannie du court terme » qui gouverne avec le « diktat » imposé par les rentrées financières des droits TV. Cela nécessite une véritable prise de conscience des dirigeants, pas toujours enclins à changer leur approche du business. Les perspectives ne sont en effet guère réjouissantes.
A l’image de la Coupe du monde 1998, les stades de l’Euro sont déjà obsolètes car pensés pendant une autre époque. Les dirigeants doivent pourtant se préparer et se positionner et plutôt que de mettre en avant leur argent dans le secteur sportif, ils auraient tout intérêt à réfléchir à construire une réserve pour devenir exploitant de leur stade. G2 Strategic en a terminé avec sa mission avec la LFP et travaille aujourd’hui directement avec certains clubs, sans aucun intermédiaire. Ces derniers n’en tireront des bénéfices que dans plusieurs années. Certains (PSG, Lyon, Nancy, Toulouse et Metz notamment ont compris l’enjeu de ce nouveau challenge. D’autres (Bordeaux, Saint-Etienne) en sont encore loin…
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