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Lyon-Nice: sur les traces de Castello Lukeba, le nouveau "diamant" de l’OL

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Titulaire depuis début décembre avec l’OL et révélation de l’équipe dirigée par Peter Bosz, le parcours de Castello Lukeba rappelle des fondamentaux de la formation parfois oubliés: à la qualité technique, doivent forcément s’ajouter la patience et l’humilité.

Une perle devenue diamant… Quand vous pénétrez dans le club house de l’Olympique St-Genis Laval où Maurice Genetier et Jérôme Guichard viennent de rentrer après avoir encadré, chacun dans sa catégorie, les jeunes licenciés de ce club de l’ouest lyonnais, il suffit de prononcer un prénom et un nom et leurs yeux s’illuminent.

Prénom: "Castello", nom: "Lukeba". D’un coup, cette fin d’après-midi d’hiver enveloppée dans ce brouillard persistant et durablement installé au-dessus de l’agglomération lyonnaise semble lumineuse. Le sourire inonde le visage de Maurice Genetier qui vient d’en terminer avec une séance avec ses "petits" dans le froid humide de janvier. Tout content de raviver ses souvenirs, l’expérimenté éducateur aux cheveux (et la moustache) blancs enlève fiévreusement ses gants et plonge sa main dans sa poche pour sortir son smartphone où il a rangé "la" photo dont il est fier: celle de 2010 où le tout frêle "Gone" pose, collé à lui avec les autres potes U9.

Maurice Genetier aux côtés de Castello Lukeba à l’Olympique St-Genis Laval
Maurice Genetier aux côtés de Castello Lukeba à l’Olympique St-Genis Laval © DR

Et en même temps qu’il la cherche, il interpelle son voisin, directeur technique de son état : "Comment tu dis, Jérôme, j’aime bien ta formule … "Notre perle devenue diamant ?"" Le sourire passe d’un visage à l’autre. Jérôme Guichard acquiesce : "Oui, quand on l’a vu arriver, on a vu une perle, mais restons humbles, c’est l’OL qui l’a vraiment formé et qui en a fait un diamant."

"Vu sa carrure, c’était difficile de prévoir cette éclosion"

Revenons donc au temps de la "simple perle" entre 2009 et 2011 au cœur de cette commune de l’ouest lyonnais, St-Genis Laval, qui a vu passer en son temps Eric Abidal, Anthony Lopes ou Bryan Bergougnoux : "Vu sa carrure, c’était difficile de prévoir cette éclosion, rembobine Maurice Genetier. Il était tout menu, tout frêle … Et d’un coup, en une saison à huit ans, il rattrape un peu de son retard athlétique et progresse à chaque séance."

Maurice Genetier en rajoute : "Quelle gentillesse, savoure-t-il. Jamais un mot de travers, jamais à contredire. Il démontrait à tous ses copains comment faire les exercices sur l’atelier. Il voulait toujours passer le premier pour montrer l’exercice car lui l’avait compris avant les autres. C’était mon petit meneur d’hommes, mais d’un timide hors du terrain!" "Il est posé, techniquement au-dessus. Véritablement, il s’éclate. On voit là où il est heureux", enchérit Jérôme Guichard. Maurice Genetier l’interrompt : "Et petit à petit, on se dit : "il va peut-être falloir voir…"

Espionné en cachette par des recruteurs de l’OL

"Voir" : comprenez "le signaler au recruteur de l’OL pour le secteur." Jérôme Guichard dresse une première fiche : "dans les pieds, il a beaucoup de qualités, mais ce ne sont pas ses pieds qui nous interpellent, détaille l’éducateur. C’est son sourire, sa politesse, son plaisir d’être sur le terrain." A l’hiver 2011, le club fait donc venir en cachette les recruteurs de l’OL après avoir vu et revu quelques scènes "marquantes", détaille Jerôme Guichard : "Il affiche une qualité qu’on a pas spontanément chez ce genre de gamin à cet âge-là : le sens du collectif, cette volonté de faire briller ses copains avant de briller lui-même. Normalement, à cet âge, un gamin, c’est égoïste, il veut briller lui il veut marquer. Il pense autant aux autres qu’à lui-même."

Maurice Genetier convoque un souvenir précis : "Sur un stage vacances, Castello me fait craquer. Il dribble toute l’équipe adverse. Une fois, deux fois pour au final, faire marquer son copain. J’appelle le recruteur de l’OL sur notre secteur, Jacques Marguin et je lui dis : "viens voir… Y a un gamin chez nous. Jette un coup d’œil.""

Castello Lukeba avec l’Olympique St-Genis Laval
Castello Lukeba avec l’Olympique St-Genis Laval © DR

Sa maman a joué un rôle clé

Les avis convergent : "Vous avez une petite perle dans les mains", synthétisent les services de l’Académie. Et sur les critères de choix, Castello Lukeba coche toutes les cases : "Déjà, Il aimait défendre, avec une bonne agressivité et cette volonté de relancer, détaille Jean-François Vulliez, le boss de l’Académie. Ce sont des critères de base intéressants pour rentrer à l’OL. Et on note qu’il a un potentiel d’apprentissage élevé."

Et le processus de recrutement s’engage. Jérôme Guichard encore : "Nous avons pris contact avec la maman, elle a eu un moment de réflexion car elle n’était pas certaine de pouvoir le faire s’entraîner, elle qui est infirmière. Il fallait assurer les déplacements pour les entraînements à Gerland d’abord puis à l’opposé de l’agglomération, à Décines. Au niveau logistique, il fallait assurer."

La maman, le fil rouge aussi de la réussite. Cette infirmière qui veille seule à l’éducation de celui qui, désormais, a fait inscrire sur son maillot son seul prénom avec un "JR", comme junior (un signe à la Memphis qui ne voulait pas du nom du papa avec qui il n’avait plus de lien) : "C’est un garçon qui a toujours eu le sourire avec une maman qui lui donne un cadre éducatif serein et un comportement excellent au foot et à l’école », explique encore le patron de l’Académie Jeff Vulliez. Il a passé les étapes sereinement sans jamais être surclassé. Il faut mettre l’accent sur cet environnement et la maman à qui je disais quand en préformation, il n’avançait pas comme il faut à ses yeux du fait de son gabarit : "dame nature allait faire son œuvre." Il s’est construit patiemment en tant que joueur et en tant qu’homme."

Capitaine et leader

C’est en U16 que le physique est arrivé avec la fin de la croissance et le début de son ascension à la rubrique : "en fin de formation, ils peuvent jouer en pros à Lyon" : "Il y a eu une réflexion en préformation même s’il n’était pas dans le 1er tiers des meilleurs, car on voyait ces bases, explique Jeff Vulliez. Dans cette catégorie, il a pris du leadership et le capitanat. Il a développé. Nous avons pressenti à ce moment-là qu’il pouvait franchir cette étape. Il n’y avait pas de certitudes mais une prédiction."

Ah, la patience … Ce maitre-mot parfois oublié dans certaine trajectoire, mais pas dans le cas de Castello JR : "Il ne possédait pas des facteurs de précocité, se souvient Jeff Vulliez. Or, il voyait des jeunes qui, eux, étaient surclassés. Mais il n’a jamais demandé pourquoi il ne l’était pas. Nous avons donc pu mener ce projet avec des repères sains. Cela lui a laissé le temps, pour qu’il se construise sur le plan physique et psychologique." Pas forcément simple : "il a fallu rassurer la famille en étant positif dans ses qualités techniques et tactiques, mais aussi d’agressivité et tactiques. Nous lui avons toujours dit : "tu as de bonnes bases, la croissance va arriver. Nous allons créer le futur en fonction de ton évolution. Nous avons travaillé sur l’aspect technique et mental en attendant que le physique soit au rendez-vous."

L’aide de Jérôme Boateng

Ses qualités déjà aperçues à St-Genis Laval se détachent encore plus au fil des catégories, jusqu’en professionnel qu’il découvre un peu l’été dernier (deux titularisations en août) puis beaucoup en ce début d’hiver (huit de rang, série en cours) : "Bonne lecture du jeu, défenseur dans l’âme dans le un contre un, énumère Jeff Vulliez. Il est fort dans les duels. Il aime défendre son but. Sa lecture lui permet d’anticiper. Il aime relancer des ballons pour jouer à l’intérieur du jeu, des ballons propres. Avec Boateng à côté de lui, il peut devenir un meilleur défenseur. C’est surtout la gestion des priorités, dans les phases d’attaque de l’adversaire : où je dois me placer. Sur ces prises de décision ultra rapide, c’est là qu’un partenaire comme l’Allemand va l’aider : fixer ou pas, prendre l’espace ou pas, comment couper les lignes…"

Le diamant prend forme sous les yeux fiers de ceux qui ont découvert la perle : "Je suis fier de lui, fier de son travail, dit Maurice Genetier en sortant une photo plus récente quand il était allé le voir à la sortie d’une séance professionnelle. Ce jour-là, je lui ai dit : "Si tu es là, c’est grâce à ton travail personnel que ce soit pour le foot, le bac et le permis de conduire. Tu as réussi à tout faire. Moi, et nous au club, nous avons simplement fait le nécessaire pour te donner cette chance. Ensuite, j’étais au match de Metz où j’ai pu le voir marquer en décembre."

"Il va devenir grand dans le club"

Maurice en verse presque une larme : « Après le match, les SMS étaient… enflammés ! Ce n’est pas souvent qu’on a eu un gamin avec cette trajectoire." Son directeur technique à l’Olympique St-Genis Laval abonde : "Il y a le plaisir, la satisfaction, la fierté de voir son éclosion. Tout se mêle mais on reste très modeste dans notre apport car tout le mérite lui revient. On suit cela avec un œil affectif, mais on reste modeste." Mais dithyrambique aussi pour son avenir : "Il évolue à un poste où il va devenir grand dans le club, pronostiquent en chœur Jérôme et Maurice. Il a des caractéristiques uniques avec en plus, cette humilité et cette simplicité qui vont l’empêcher de se pervertir. L’entourage familial, la maman est un sacré soutien pour un bon équilibre chez lui…"

Sur les traces de Samuel Umtiti ?

L’OL ne forme donc pas que des attaquants. Jeff Vulliez en sourit : "Peut-être est-ce parce qu’il y a de bons attaquants qu’il y a de bons défenseurs car les deux s’affrontent à l’entraînement ! L’un ne va pas sans l’autre."

Et puis des défenseurs, l’OL en a formés quand même : Jérémie Bréchet, François Clerc, Jérémy Berthod, , Malo Gusto, Melvin Bard, Pierre Kalulu … et Samuel Umtiti, dont les passes claquées du pied gauche dessinent quelques ressemblances : "Les deux parcours sont différents car Umtiti était plus précoce et il était attaquant avant de reculer sur le terrain, explique Jeff Vulliez. Castello a une maturité plus tardive. Mais ils sont similaires en terme d’agressivité sur l’adversaire et en qualité de relance sur le pied gauche." Reste à marcher dans les traces de son glorieux ainé. Et pourquoi pas de polir un peu plus ce diamant avec de l’or mondial comme Samuel Umtiti en 2018 en Russie …

Edward Jay à Lyon