RMC Sport
EXCLU RMC SPORT

Maillot arc-en-ciel et "promotion de l’homosexualité": un acteur de la cause LGBT apporte son soutien à la LFP, en pleine polémique

placeholder video
Depuis l’audition du directeur général de la LFP, Arnaud Rouger, devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les défaillances dans les fédérations sportives, la polémique enfle. Alors que l’opération du maillot arc-en-ciel devrait disparaître, comme l’a révélé RMC Sport il y a plusieurs semaines, le dirigeant de la Ligue a donné des explications très commentées mercredi devant les parlementaires, parlant de "promotion de l’homosexualité". Après cette polémique, Yoann Lemaire, président de l’association "Foot Ensemble" (contre la discrimination dans le monde du foot) et partenaire de la LFP, apporte son soutien à l’instance, dans une interview à RMC Sport.

Yoann Lemaire, pourquoi apporter votre soutien au directeur général de la LFP après sa sortie très remarquée?

Pourquoi j’apporte mon soutien? C’est simple. Il y a quelques années en arrière, nous nous sommes battus avec trois associations pour avoir ce maillot spécial arc-en-ciel afin de lutter contre l’homophobie. On se rend compte, trois ans après, et avec nos tournées dans les clubs et auprès des joueurs et des entraîneurs, qu’on n'avait demandé l’avis à personne et que cette décision avait été prise de notre côté, en pensant que c’était une bonne chose. Nous n’avons pas honte, nous sommes très heureux. Même dans le milieu LGBT à l’époque, il y avait des critiques de ce maillot. Et les mêmes sont aujourd’hui outrés.

Entre-temps, la réflexion est née et il n’est pas interdit de réfléchir à la situation. On a vu que des joueurs avaient aussi des arguments, il y a un grand nombre de joueurs qui posent des questions. Ils sont aussi ouverts à la discussion. Il faut les écouter. La LFP a toujours été là. Ce maillot, comme Arnaud Rouger l’a dit à l’Assemblée, était vraiment perçu comme une promotion de l’homosexualité par plusieurs joueurs. Dans les clubs, c’est perçu comme ça par une grande majorité. À l’Assemblée, Arnaud Rouger a dit les mots vrais, les mots justes, les mots que l’on entend sur le terrain. Ce directeur général écoute et a vraiment envie de lutter contre l’homophobie, mais il se retrouve devant une réalité, c’est difficile. Le but, c’est d’emmener tout le monde dans ce mouvement.

"Je peux comprendre que les gens ne soient pas contents d’entendre ça. Mais c’est la réalité du terrain."

Ce changement d’action pour la lutte contre l’homophobie en Ligue 1 et Ligue 2 a vraiment fait parler...

Oui, mais vous imaginez à deux mois des Jeux olympiques, en mai prochain, si 30 ou 40 joueurs disent qu’ils n’ont pas envie de porter ce maillot? Ça serait catastrophique pour l’image du football. Il faut vraiment emmener tout le monde dans cette lutte et trouver la meilleure action possible afin d’éviter la division.

Mais les propos du directeur général devant l’Assemblée nationale, vous pouvez comprendre qu’ils puissent choquer ?

Ça dépend. Je peux comprendre que les gens ne soient pas contents d’entendre ça. Mais c’est la réalité du terrain. Et la LFP est un petit peu seule dans ce combat. Les autres clubs, les autres pays ne font pas ce genre d’action. On ne voit pas ça dans le basket ou au rugby. J’ai lu à la sortie du maillot que c’était seulement de la communication. Il n’y avait pas grand monde pour applaudir cette action.

C’est assez pénible parce que ce sont les mêmes personnes qui ne veulent plus retirer ce maillot aujourd’hui. Ils ont aujourd’hui l’impression que la LFP recule. Mais il faut voir un peu plus loin, il faut vraiment poser une réflexion. Il faut se dire que si nous arrêtons ce maillot, il y a une raison. Modifier le maillot, ce n’est pas un recul, c’est un compromis. Les actions dans les clubs ne s’arrêtent pas, elles seront encore plus nombreuses. Il faut se renseigner. Le but c’est d’aller plus loin.

"Quand je vois la déferlante qu’il se prend dans la tête depuis deux jours… Je ne comprends pas."

Quels sont les arguments des joueurs pour refuser le port du maillot arc-en-ciel ?

Il y a de nombreux arguments. Des joueurs demandent pourquoi ce maillot est imposé. Des joueurs disent: "Nous ne sommes pas homophobes mais…" Il y a souvent ce "mais" dans les réponses des joueurs. Ils se demandent aussi pourquoi on doit se servir des joueurs pour organiser ces actions. La promotion de l'homosexualité, ça revient systématiquement dans les discours. Les couleurs rebutent un peu les joueurs. Autre argument, la culture, la religion, ça revient très souvent. C’est malheureusement très très souvent. Certains vont aussi dire "Moi ça ne me pose aucun problème, je vais le porter mais il faut aussi comprendre que ma famille habite dans un pays qui n’approuve pas ça, et c’est un risque…" Plusieurs joueurs disent ça, et quand ils disent ça, qu’ils expliquent ça avec leurs mots, à un moment il faut les écouter. On ne peut pas balayer tout ça d’un revers de la main. Autre élément mis en avant, vous ne faites rien pour lutter contre le racisme. Cette année, il y aura un tronc commun pour les deux maillots. C’est beaucoup mieux.

Et ça vous agace cette polémique ?

Oui, la LFP essaye de faire avancer l’ensemble des luttes. C’est l’une des seules institutions à faire ça alors qu’en face la Fifa, l’UEFA ou la FFF n’avancent pas. La FFF a réalisé des annonces dernièrement mais nous savons très bien que ça n’ira pas très loin. Arnaud Rouger est un convaincu, il veut lutter contre l’homophobie. Quand je vois la déferlante qu’il se prend dans la tête depuis deux jours… Je ne comprends pas. C’est écœurant, c'est dégueulasse parce que c'est de la malhonnêteté intellectuelle. C’est même de la méchanceté gratuite. Pour faire avancer la cause, on peut lui demander ce qu’on veut il va toujours aller dans le bon sens. Pour vous raconter les coulisses, il y a quinze jours, j’étais dans un club de Ligue 1 pour discuter avec des associations de supporteurs. Des militants LGBT présents sur place trouvaient que ce maillot n’était qu’une connerie. J’ai été vexé par ces commentaires. Finalement, ce maillot imposé a braqué les joueurs.

Propos recueillis par Nicolas Pelletier