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Nantes: pourquoi le fossé se creuse entre Kombouaré et les formateurs

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En déclarant que les jeunes issus du centre de formation sont encore loin d'avoir le niveau pour jouer en équipe première avec le FC Nantes, Antoine Kombouaré a provoqué une onde de choc à la Jonelière. Des propos qui ont refroidi encore un peu plus les relations entre l'entraîneur des Canaris et une grosse partie des formateurs.

Un (gros) pavé dans la mare. Vendredi, en conférence de presse avant la rencontre face à Strasbourg (2-2), Antoine Kombouaré, l’entraîneur nantais, n’a pas fait dans la dentelle au moment de donner son sentiment sur les jeunes issus de la Jonelière. "Ils sont loin du haut niveau. […] On recrute des joueurs qui viennent de l’extérieur et qui sont bons, meilleurs que ceux qui sortent du centre de formation. […] Aujourd’hui on a un groupe de 26 joueurs, et ils font partie de ces 26. Mais il y a un écart terrible." L’équipe réserve, qui évolue en N2, était en déplacement à Angoulême lorsque le "jugement" du Kanak a d’abord fuité sur les réseaux sociaux. Stupeur et incompréhension pour une grande majorité.

"Au moins, c’est clair et franc, estime Pascal Floch, agent de joueurs et représentant du jeune Canari, Robin Voisine (19 ans). Après, la question, les connaît-il vraiment bien ces jeunes ?" Antoine Kombouaré a sous ses yeux chaque jour Quentin Merlin (19 ans), Abdoulaye Sylla (21 ans) et Gor Manvelyan (19 ans) à l’entraînement. Mohamed Achi (19 ans), Yannis M’Bemba (19 ans) et Santiago Eneme Bocari (21 ans) ont fait des apparitions. Mais, cette saison, aucun n’a commencé une rencontre de L1. Dans le onze type des Canaris, et après les départs cet été de Louza et Touré, seul Kolo Muani (qui partira libre l’été prochain) a l’étiquette made in Jonelière.

Des propos qui creusent le fossé avec les formateurs

La saison dernière, le FC Nantes, dont la formation fait partie de l’ADN du club et qui peut s’enorgueillir d’avoir "fabriqué" des dizaines d’internationaux français depuis quarante ans, était bon dernier de L1 pour l’utilisation des moins de 21 ans. La tendance se vérifie encore forcément cette année. Pire encore, une grosse partie de la génération 1999-2000 (Youan, Basila, Louza) s’est volatilisée cet été avec comme symbole, Batista Mendy qui a rejoint Angers SCO pour zéro euro.

Les déclarations de Kombouaré ont créé une onde de choc à la Jonelière. "Il s’est rendu compte de la portée de ses mots ? C’est quoi l’intérêt ?", tonne un salarié. Les mots de l’entraîneur nantais ont creusé un peu plus le fossé avec une grosse partie des formateurs - dont les relations étaient aussi glaciales il y a un an avec Christian Gourcuff - mais ils ne devraient pas changer fondamentalement les relations au quotidien… Et pour cause : Antoine Kombouaré ne parle (quasiment) pas aux formateurs, c’est son adjoint Yves Bertucci qui sert de relais.

Un contexte défavorable à l’émergence des jeunes

"Même s’il en a fait jouer par le passé, cet entraîneur n’a pas la sensibilité jeunes et la réputation de leur faire confiance", estime l’agent Pascal Floch. Un autre représentant de joueurs nantais, qui connaît bien le FCN, donne son interprétation de la sortie de Kombouaré : "Il a voulu mettre un coup de pied dans le système dans lequel le club est englué depuis des années et s’est surtout protégé pour l’avenir. Il sait qu’il va perdre des joueurs en janvier pendant la Coupe d’Afrique des Nations [Traoré, Simon, Castelletto, Coulibaly]. En disant cela, il fait comprendre à sa direction qu’il lui faudra trois ou quatre recrues cet hiver… Lui, il est là pour gagner des matchs et a une vision court-termiste." Un autre agent embraie et élargit le débat : "Mais, Kombouaré, ce n’est pas le problème. Le souci, c’est qu’il n’y a aucune politique claire dans ce club, et depuis des années."

A Nantes, le contexte est en effet extrêmement défavorable à l’émergence des jeunes. L’instabilité chronique sur le banc (Kombouaré est le 19e entraîneur depuis 2007, intérimaires compris) et la situation d’urgence en permanence pour les coachs en place ne contribuent tout d’abord pas à l’émancipation des minots. "Quand un technicien vient pour une opération maintien, ce n’est pas simple pour lui de mettre des jeunes dans son équipe, développe un connaisseur du dossier nantais. C’est ajouter de l’incertitude à l’incertitude." Autre carence : l’absence d’un vrai directeur sportif faisant le lien entre la formation et le secteur pro. "Ma fonction était d’harmoniser les intérêts opposés", expliquait l’ancien DS du FCN, Robert Budzynski. Philippe Mao, coordinateur sportif, - qui n’a pas pu répondre à RMC Sport car en déplacement – ne semble pas tenir ce rôle ou n’en a pas le pouvoir.

L’omniprésence de Mogi Bayat en toile de fond

Il faut enfin ajouter à tout cela une politique de recrutement guidée le plus souvent davantage par des intérêts financiers que des intérêts sportifs avec en toile de fond, l’omniprésence de Mogi Bayat, l’agent belge proche du président Kita et directeur sportif officieux du FCN. Les arrivées à chaque mercato d’éléments plus ou moins au niveau de la Ligue 1 bouchent à intervalles réguliers l’avenir des pousses de la Jonelière. Au bout de la chaîne, c’est la formation qui trinque. Aujourd’hui, quatre joueurs (Affamah, Voisine, Achi et Doucet) doivent signer leur premier contrat professionnel. Certains hésitent.

"Robin [Voisine] se pose des questions, avoue Pascal Floch. Si Nantes lui propose de faire 30 matchs en N2 puis d’en refaire 30 en N2 l’année d’après… J’ai eu le même souci avec Batista Mendy il y a quelques années, le gamin voulait partir et il avait failli rejoindre Brighton. Aujourd’hui, Robin voit qu’il a un entraîneur qui ne fait pas confiance aux jeunes et qu'il a déjà trois ou quatre joueurs à son poste au-dessus." Toujours la même histoire. Un éternel recommencement depuis une grosse décennie.

David Phelippeau