OM : ce que les joueurs n’osent pas dire à Bielsa (2/2)

Marcelo Bielsa en discussion avec son adjoint Pablo Quiroga - AFP
Entrainements : l'effet de surprise est passé
Les entrainements atypiques de Marcelo Bielsa faisaient pourtant l’unanimité lors de la première moitié de saison. Mais cette méthode, très usante et exigeante, s’essouffle. Logique, explique une autre source du vestiaire : « Trop de vidéo ou de pauses sans ballon finissent par nuire. Il n’y a plus d’étonnement. On ressent parfois le besoin de s’amuser, de prendre plus de plaisir, tout simplement. » Résultat ? Des joueurs las. Bielsa ne peut pas l’ignorer.
Une scène, qui s’est déroulée lundi à la Commanderie, aurait d’ailleurs pu interpeller l’Argentin, si besoin. En ce jour de décrassage, de nombreux joueurs s’étaient réunis pour regarder un reportage sur la méthode de « Mourinho, le diabolique » (Enquêtes de foot, Canal +). « Des entrainements chaque jour surprenants, mais qui ne doivent jamais excéder 1h30 », racontent dans ce documentaire les joueurs et l’entraîneur de Chelsea. Quelques rires ironiques ont alors éclaté dans le bâtiment sportif du centre Robert-Louis-Dreyfus. Car c’est sûrement le principal reproche que les joueurs olympiens auraient à formuler à Marcelo Bielsa.
Des entraînements de veilles de match trop longs (jusqu’à 2h15 de séance) « où l’on laisse parfois du jus, c’est certain ». Des séances « hachées, saccadées » car, même en hiver, il faut s'arrêter pour un débrief vidéo ou une démonstration d’exercice par les jeunes, histoire que les professionnels visualisent ce qui leur est demandé. Et des jours de match où, sur le programme, le mot « charla » (« discours » ou « échange » vidéo) est un peu devenu la hantise du groupe. Avant de prendre le bus, les joueurs ont parfois droit jusqu’à cinq séances vidéo, dont ils avouent « sortir un peu abrutis et lessivés mentalement ».
Préparation physique contestée et changements de programme incessants
Heureusement que l'OM ne joue désormais qu'un match par semaine. Car cette usure mentale se ressent sur le terrain, inévitablement. D’autant qu’un autre aspect ressort clairement de l’enquête de RMC Sport. Une cassure s’est rapidement installée entre le groupe et Jan Van Winckel (cf la première partie de notre enquête). Surpris de ne pas avoir fait beaucoup de foncier ni de tests d’efforts lors de l’avant-saison, certains joueurs, comme Florian Thauvin et André-Pierre Gignac, victimes de crampes au bout d’à peine une heure de jeu... lors du premier match de la saison à Bastia, n’avaient pas hésité à demander des explications au nouveau « préparateur physique » de l’OM. Et Van Winckel a vite perdu du crédit auprès des joueurs, qui ne se privent pas aujourd'hui de lui faire savoir leur ras-le-bol. « Son rôle est compliqué et Jan est très exposé, tempère une source du vestiaire marseillais. On ne sait plus quel est son véritable poste. C’est flou. Et du coup Van Winckel perd en autorité. Est-il le préparateur physique ? L’organisateur vidéo ? L’intendant en charge des voyages et des programmes d’entrainement ? »
Les programmes d'entrainement, justement. Affichés sur grand écran dès l'accueil du bâtiment sportif, ils sont un sujet de tensions. Le petit-déjeuner, la sieste, le goûter… Tout est minuté sur le papier, même si les horaires n'arrêtent pas de changer. Et c'est encore Jan Van Winckel, chargé d'envoyer le programme de la semaine et la feuille de route des déplacements, qui doit essuyer la colère des joueurs. « On a quand même une vie », lâchent-ils régulièrement.
Difficile, cette saison, de prévoir sereinement une petite sortie en famille pour s’aérer l’esprit. Une remarque qui fera rigoler les supporters, mais qui pèse sur le mental des joueurs. D’autant que tout est encore une histoire de SMS, souvent envoyés la veille pour modifier l’heure de rendez-vous et que Van Winckel signe parfois d’un gentil « De la part de ton frère, Jan ». La relation entre ce dernier et les joueurs est pourtant loin d’être fraternelle. Même si l'adjoint belge de Bielsa tente également de jouer le rôle de paratonnerre quand Bielsa s’en prend à un joueur et qu’il faut arrondir les angles derrière.
Des adjoints sur la retenue
Marcelo Bielsa a bel et bien « senti qu'une poignée de joueurs faisait moins d'efforts », comme nous l’a confié il y a dix jours un proche du technicien argentin. Mais est-il prêt à ouvrir les yeux ? Pourquoi les adjoints d’El Loco, dont certains ont constaté les mêmes limites physiques et mentales de la méthode Bielsa à Bilbao, ne font pas bouger les choses ? « Parce que l’on est dans une logique où l'on n'osera jamais contredire le maître. Il faudrait pourtant que l’un d’entre eux ait les "cojones" de dire les choses en face à Bielsa ! », lance carrément un intime du vestiaire.
Selon nos informations, les frères Torrente (Diego et Javier, ce dernier surnommé « Lucho ») et Pablo Quiroga sont pourtant très appréciés par le groupe, pour leur sens du football et leur approche humaine. Mais la barrière de la langue ne leur permet pas d’approfondir leurs liens avec les joueurs. Et aucun d’entre eux n’a vraiment le courage d’essayer de convaincre l’Argentin de mettre un peu de souplesse dans son système. Bielsa est leur patron. Ses adjoints argentins ou le Chilien Diego Reyes sont liés contractuellement au « Profesor », qui les paie directement. Selon quelques habitués du centre d’entraînement marseillais, Bielsa est capable de colères mémorables envers ses assistants, parfois pour un décalage de cinquante petits centimètres dans l'alignement des piquets ou des petites cages mobiles.
« Si seulement ce système était compensé par un peu plus de chaleur humaine…, résume-t-on dans le bâtiment sportif. Qu’il y ait véritablement du lien entre les gens. » Un rôle que Franck Passi tente d’exercer de plus en plus. Mais celui qui est devenu l’un des confidents n°1 du groupe marseillais n’a pas forcément les mains libres.
Les joueurs ne lâcheront pas Bielsa
Le tableau dressé par RMC Sport reflète ce que beaucoup de monde craignait à l’OM dès le mois de décembre (« On est premier, mais jusqu’à quand va-t-on tenir ? ») semble être alarmant. Pourtant, à plus écouter le fond de la pensée des joueurs, Marcelo Bielsa serait rassuré. Aucun ne veut le lâcher. Tous ou presque ont compris leur intérêt de rester professionnels jusqu’au bout, conscients qu’ils sont en train de « vivre une saison à part ». Et que c’est en grande partie grâce à l’Argentin.
« Bielsa, on a du mal à lui en vouloir. C’est un gros travailleur. Dans sa méthode, il n’y a pas d’états d’âme, car il veut gagner et ça on peut le comprendre », explique un membre du groupe olympien. « Bielsa a changé notre quotidien et tout le monde a envie que ça fonctionne », rassure une autre source. Avant de conclure sur une note d'espoir : « On est dans le dur psychologiquement et physiquement mais je pense qu’on aura l’orgueil pour s’accrocher. Peut-être que le coach nous réserve une adaptation pour le sprint final, qui nous permettra de retrouver de la confiance et de la fraîcheur mentale ? »
NDLR : Malgré notre demande d'interview, Jan Van Winckel n'a pas souhaité répondre aux questions de RMC Sport. Marcelo Bielsa interdit à ses adjoints toute communication avec les journalistes.