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"On commence tous à en avoir marre de prendre des gifles!", les supporters de Saint-Etienne prônent toujours la patience avec les nouveaux actionnaires, mais en attendent plus au mercato

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Six mois après son arrivée, le nouvel actionnaire de l’ASSE – Kilmer Sports Ventures – ne suscite pas encore de doutes de la part de supporters, qui adressent leur courroux plutôt aux joueurs. Les heures d’après de la dernière et humiliante défaite (5-0) à Rennes résume l’état d’esprit général : la patience reste autant de mise que la fierté des fans est entamée … Les nouveaux patrons seront malgré tout "sous surveillance" en janvier prochain, à l’occasion du mercato 2025, que tous attendent de pied ferme. Tour d’horizon des humeurs de supporters des Verts !

Une image vaut mieux que des mots. Celle de la banderole installée en face de l’entrée du centre d’entraînement Robert Herbin à l’Etrat que les dirigeants et joueurs n’ont pu manquer à leur reprise mardi dernier l’illustre : "Porter ses c…, c’est toute l’année. Dernière fois qu’on vous regarde nous les briser." "Ce n’est pas Kilmer out", ajoute un connaisseur des us et coutumes des supporters des Verts, prompts à sortir – par écrit et dans les chants – les "direction : démission" quand Roland Romeyer/Bernard Caiazzo dirigeaient le club. Un duo qui ne suscite aucune nostalgie : "C'était inéluctable que ça se finisse", coupe Romain, un fan de la première heure, habitant du Forez mais travaillant à Lyon, en guise de mot de la fin de ce chapitre. Laurent de Grenoble affine : "Si nostalgie, il y a, c’est celle des années Galtier, avec notamment la Coupe de la Ligue gagnée en 2013. Nostalgie aussi d’une forme de football qui va disparaître, celle qu’a connue l’ASSE dans les années 1970..."

Confiance en Kilmer

Une fois tournée la page du duo, qui a cristallisé le courroux sur la fin de son règne, une autre s’ouvre : celle de l’explication de cette greffe qui tarde à prendre, entre le projet du milliardaire canadien, Larry Tannenbaum et "l’institution" ASSE : "Moi je fais partie d'une frange, encore majoritaire, des personnes très contentes de l'arrivée de Kilmer, car objectivement, c’est ce qui pouvait nous arriver de mieux, détaille Joss Randall, supporter habitué du stade, mais aussi sur les réseaux sociaux. Il faut juste faire le constat que le démarrage est un peu plus difficile que ce qu'on imaginait. C’est factuel."

La confiance reste un fil rouge assez solide, encore : "Il faut leur faire confiance, explique Romain. Il leur faut du temps. Il n'y a que des bons retours sur ces investisseurs-là, notamment notre ami Jean-Michel Aulas!" Si l’ex-homme fort d’en face le dit... A cela une explication pour Michel, supporter savoyard des Verts depuis les années 70: "Les nouveaux investisseurs sont arrivés sur le tard dans la saison avec une montée qui n'était pas du tout prévue. L’accession en Ligue 1 reste quand même une surprise finalement de fin de saison."

"C'est ce que tout le monde pense, abonde Joss Randall. J'espère qu'on ne sera pas déçu, mais tout le monde chez nous part du principe que comme c'est un actionnaire qui a quand même une surface financière relativement importante, on suppose qu'il voit les mêmes matchs que nous, on suppose qu'il voit les mêmes lacunes que nous et qu'il va renforcer l'équipe au mercato d'hiver."

Car personne n’a la mémoire courte: signée officiellement le lundi 3 juin, la vente au groupe canadien se fait dans les heures suivant le barrage gagné la veille à Metz. La Ligue 1 était-elle vraiment ancrée dans le projet initial ? La question interpelle tout le monde. Et la réponse, tous l’ont à la bouche: "Le problème de l’ASSE, c’est d’abord cette montée laborieuse de Ligue2 !"

Avec une constance, dans les "After" entamés au lieu-dit "Gang des binous", pas loin de Geoffroy-Guichard où se rassemblent des amis de Joss Randall sitôt le match terminé ou dans les voitures qui les ramènent dans les Alpes (Michel en Savoie et Stéphane dans l’Isère) : "Nous sommes tous convaincus qu'on a beaucoup de chance d'avoir cet investisseur-là avec nous; en étant un peu patient, nous allons aller vers des jours meilleurs."

… Qui doit revoir sa copie?

Si ce n’est la nouvelle direction nord-américaine et ses hommes forts au CV de prestige à Arsenal (Ivan Gazidis, Huss Fahmy et Jaeson Rosenfeld) ne sont pas dans le viseur, d’autres acteurs le sont : les joueurs : "Ils ont du mal à passer la marche L2/L1, juge Michel. Autant l’équipe peut être courageuse à Geoffroy-Guichard, autant elle perd tous ses moyens à l’extérieur. Le propriétaire n’y est pas pour grand-chose."

Quoique ...Joss Randall affine: "Les quelques "déçus-nostalgiques" de l'ancien temps rendent Kilmer directement responsable de tout cela, sur la base de leur typologie de recrutement: beaucoup de jeunes peu habitués à la Ligue 1 avec peu d'expérience et venant d’autres cultures et continents." D’où ce léger carton jaune: "Ça vient évidemment des joueurs eux-mêmes, mais nous sommes tous en train de nous dire que le dosage avec quelques joueurs expérimentés aura probablement été plus performant."

Stéphane reste sévère, mais juste : "A date, nous n'avons pas le niveau de la Ligue 1, dit-il. Mais il faut être factuel: dans cette Ligue 1, nous devons en mettre trois derrière nous. Avec une telle défense, ça va être difficile mais en gagnant quelques matchs, même si on a moins 25 ou moins 30 en différence de buts, déficitaire, on peut se maintenir quand même." "Notre championnat, c’est une ligue à 5 équipes, prolonge Joss Randall : Nantes, le Havre, Montpellier, Angers et nous. Il faut terminer sur l’une des deux premières places pour se sauver."

Quid du meneur d’hommes, Olivier Dall’Oglio, qui doit le statu quo à la tête des professionnels par une clause inscrite dans son contrat, quand il remplace en "pompier", Laurent Batlles écarté après 5 défaites de rang en décembre 2023, qu’il allait obtenir une année supplémentaire en cas d’accession à la Ligue1! Michel d’Aix-les-Bains, résume: "Il y a une prise de conscience à faire par l’équipe. Est-ce que cela doit passer par le coach? Il est plutôt bon, mais est-il l’homme de la situation? Pas si sûr que cela."

Le mercato de janvier comme juge de paix

"Je ne suis pas déçu du projet dans sa globalité, je reste juste impatient que les dirigeants corrigent le tir, délimite Stéphane, qui assiste à tous les matches en faisant les deux petites heures de route entre Grenoble et "Sainté". Vu qu'ils ont loupé leur mercato d'été, j’attends deux renforts qualitatifs et avec l'expérience en Ligue 1. Car je pense que nous allons pouvoir investir. Nous avons des fonds disponibles alors que le reste de la Ligue 1 et nos concurrents directs au maintien n'en auront pas eu égard à la situation de la défaillance des droits télé."

Stéphane a son idée sur le mercato idéal: "J’attends deux ou trois renforts qualitatifs avec des joueurs d'un petit peu d'expérience et qui connaissent le haut niveau et la Ligue 1 idéalement."

Joss Randall a quand même une interrogation dans cette confiance, qu’il conserve malgré tout, sur le fait qu'en janvier la donne peut changer dans la feuille de route du mercato "Vont-ils conserver cette logique d'aller chercher là encore des joueurs jeunes, moins de 23 ans à potentiel, ou est-ce qu'ils vont se dire : "on va essayer de sécuriser un peu les résultats en prenant des gens un peu plus aguerris." Même si on a moins de perspectives sur l'avenir avec ces gens-là, pour au moins sécuriser le maintien en Ligue 1."

En attendant, la fierté en prend un coup

Reste une donnée locale et actuelle. Voire factuelle : "On commence tous à en avoir marre de prendre des gifles, cela remonte, amer, un peu à travers de la gorge...", pestent-ils tous en chœur et à leur manière: "C'est juste de la fierté pour nos couleurs, précise Joss Randall. Nous en avons quand même pris beaucoup, des cartons : 4 à Brest, 8 à Nice, 5 à Rennes et même 4 à Angers (4-2 au final). J’ai l'impression d'être un peu le paillasson de la Ligue 1 à certains moments est assez désagréable à vivre. Prendre autant de roustes, ça finit par heurter un peu notre égo."

"Dans des rencontres, on se fait marcher dessus et mentalement, on a zéro réaction comme ce qui vient de se passer à Rennes: il suffit qu'un fait de jeu nous soit défavorable et derrière il n'y a aucune réaction, il n'y a pas d'amour-propre, il n'y a pas de révolte!"

Stéphane amortit ce sentiment : "Ça ne fait jamais plaisir de prendre des roustes, mais le championnat est vraiment très, très faible et je pense qu'avec un complément d'effectif, nous arriverons à nous maintenir assez facilement."

Confiance égale patience, c'est un peu ça aussi l'idée : "j'ai envie de transmettre ces deux valeurs à tous mes camarades de la communauté verte, dit Joss Randall. Il faut se souvenir que Rome ne s'est pas faite en un jour. Même des grands clubs ont mis beaucoup de temps avant de gagner des grands trophées, On ne passe pas, si facilement d'une génération patrimoniale, "Romeyer/Caiazzo à cette nouvelle économie du foot en cinq mois, il faudra plus de temps que ça."

Le mot de la fin sera pour Romain, l’optimisme et un peu chambreur depuis son bureau lyonnais où il travaille tout en résidant à côté de Saint-Etienne : "Moi j'y crois en tout cas, repartir avec un nouveau souffle, un nouveau cycle, je pense que le plus dur c'est de se maintenir cette année et qu'ensuite Saint-Etienne retrouvera la 12e place de Ligue 1. Je pense que voilà, d'ici deux ans, si tout se passe bien, on verra Saint-Etienne devant l'OL!"

Edward Jay