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Riolo : « Thauvin, valeurs et cetera… »

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Retour sur les propos de Florian Thauvin au sujet des « valeurs » du Paris Saint-Germain.

Parmi les éléments de langage du sport pro, celui relatif aux « valeurs » est devenu absolument insupportable. Pire, j’en suis gavé jusqu’à la gerbe. Jusque-là, c’est le rugby qui se gargarisait jusqu’à étouffement de ce mot. « Les valeurs du "rruby". Avé l’accent évidemment. Aujourd’hui, c’est le foot qui initie son bain de pieds de « valeurs ». De quand ça date ? L’arrivée du nouvel investisseur qatari au PSG ? Possible. On y reviendra.

Valeur. C’est quoi ? Certains en ont, d’autres non ? Mais comme tout le monde les revendique, qui en a, qui n’en a pas ? Qui ment ? Qui se ment ? Et surtout, qu’est ce qui se cache derrière ce vocable paré, semble-t-il, de toutes les vertus ? Faisons simple pour commencer l’enquête. Une poignée de synonymes, ça peut aider. Bonté, bravoure, mérite. C’est pas mal. Mais on a aussi : capital, coût, évaluation, rente… Non, non surtout pas, on dérape vers l’oseille et j’ai la sensation que ça commence à puer. Avant, l’argent n’avait pas d’odeur. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, le fric pue !

C’est en tout cas sur ce plan-là que le jeune Thauvin a placé le débat. « Au PSG aujourd’hui, il n’y a plus de valeurs, on ne parle que d’argent »… Et José Anigo, son coach, a repris derrière en affirmant que si son joueur pensait ça, il était en droit de le dire. Je suis d’accord avec Anigo. Et je ne ferai pas le procès à Thauvin du « t’es qui toi pour parler ». C’est absurde. Et si une question est intéressante, peu importe qui la pose, pourvu qu’on en discute. Le problème n’est donc pas là. C’est plutôt la stupidité du propos qui attire mon attention. Et de surcroit l’écho que trouve cette idée chez le supporter de foot décérébré. Encore que, pas que. Malheureusement.

Donc si on entend Thauvin, l’argent dans le foot, c’est récent. C’est QSI, c’est Qatar, c’est sale. Avant l’oseille était belle et pure. C’est le trop-plein qui gêne ? Mais ailleurs, là où l’herbe est toujours plus verte, il sent bon. C’est ça ? La gueule de l’investisseur dérange ? 

Je l’ai souvent dit, mais je le répète, pourquoi on n’irait pas faire un bilan « bruit et odeur » dans l’administration des autres clubs (proprio et actionnaires) ? Histoire de bien être sûr qu’on parle à des gens « biens ». J’ai même dans l’idée que le négoce des matières premières en Afrique du groupe qui gère le club de Thauvin pourrait heurter certains donneurs de leçons…

Mais le but ici n’est vraiment pas de régler ses comptes à Thauvin et encore moins à son club. Revenons donc à notre enquête sur les « valeurs ». D’un point de vu sociologique, les valeurs seraient l’orientation des actions d’individus dans une société. Ces valeurs fixent des buts, des idéaux. Cet ensemble constitue une morale permettant la construction d’une éthique personnelle. Merci Wiki.

C’est tout de même très ambitieux. A la limite de la prétention pour ce qui concerne un club de foot et ses employés-joueurs, non ? Un milieu dans lequel on penche bien plus vers les mots de Boileau : « Les gens connaissent le prix de tout, mais la valeur de rien »…

Mais dans le sport, c’est bien connu, on aime bien poursuivre un idéal. Retenons donc cette définition. Reste toutefois le fond du problème. Qui en a ? Qui n’en a pas ? Quelqu’un peut aujourd’hui affirmer qui parmi les joueurs du PSG, de l’OM, du Bayern, du Real, de Chelsea, des Manchester, du Barça… qui sont ceux qui ont le plus de valeurs ? Où est le tribunal, où sont les juges qui statuent sur cette question ? L’argent est un indice ? Plus il y en a et moins on a de valeurs ? Allez donc faire un tour le dimanche sur un tas de terrains de foot amateur. Le bilan « valeurs » pourrait bien être surprenant.

Je n’en peux donc plus d’entendre ce mot. Tous ces gens qui se renvoient à la tronche leurs valeurs, forcément mieux que celles de l’autre. Thauvin n’est pas un mauvais garçon. On a tous oublié son comportement plein de valeurs qui soudain l’été dernier l’a envahi bien malgré lui. Erreur de jeunesse, évidemment. Il a appris maintenant. Avant il n’avait pas la définition, mais Anigo lui a filé.

Bon, finalement, on n’est pas plus avancé sur le concept de valeurs. Et en attendant que des peines de prison soient prononcées pour usage intempestif du mot, j’explore une dernière piste. Dans la littérature médiévale, la valeur, c’est la vertu guerrière, la bravoure, la combativité. C’est mieux non ? Ça colle un peu plus avec le foot ? Mais j’y pense, dans ce domaine, le manque de valeurs, c’est presque une règle en L1. En tout cas, difficile de faire ce procès-là au PSG.

Décidément, on a du mal à comprendre le jeune Thauvin. Il me semble que récemment, et de façon répétée, les supporters de l’OM ont reproché aux joueurs un manque de tout ça. Un manque des vertus médiévales… 

D’ailleurs, à Marseille, lors d’une réunion récente réunissant joueurs et supporters, le poète contemporain, Christian Cataldo, éminent membre de l’association « Dodgers » s’était agacé et avait donné aux joueurs présents sa définition des valeurs du club. Et visiblement, elles se situent juste sous la ceinture : « L’OM, c’est un club qui en a »…

Pas sûr qu’on soit réellement plus avancé… Alors je pense à nouveau à Thauvin et à tous ceux qui ont savouré ses mots. Et ça me ramène encore à Boileau qui disait aussi (il a dit beaucoup de choses) : « Un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire ».

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Daniel Riolo