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"S'il doit aussi faire la police dans les tribunes", la lassitude des arbitres après l'affaire du chant anti-Daesh à Nice

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Ce samedi, lors de la rencontre entre l’OGC Nice et l’Olympique Lyonnais en Ligue 1, des chants anti-Daesh ont amené l’arbitre à interrompre la rencontre. Interrogés par RMC, les officiels du championnat reconnaissent une erreur de Jérôme Brisard mais mettent surtout en avant qu’ils font face à une pression de leur hiérarchie sur ce sujet hautement sensible.

86e minute de la rencontre entre Nice et Lyon ce samedi soir. Les flashs des téléphones de l’Allianz Riviera s’allument et, comme à chaque match dans l'enceinte azuréenne, un chant anti-Daesh résonne dans le stade venu de la tribune Populaire Sud ("Daesh, Daesh, on t'enc...") en souvenir des 86 victimes de l'attentat de Nice, le 14 juillet 2016.

Mais cette fois, l’arbitre Jérôme Brisard va demander au speaker, un historique du club, de faire passer un message pour faire cesser le chant. Pendant deux minutes, c’est une incompréhension assez forte qui saisit les personnes présentes au bord de la pelouse. Un vrai moment de flottement où personne n’a l’air de comprendre ce que l’autre dit.

Dans ce moment de flou, Franck Haise va expliquer l'origine du chant à l’officiel de la rencontre. Le coach applaudira ensuite la Populaire Sud, tout comme Jonathan Clauss qui encourage la tribune à continuer ses chants. Après avoir pris connaissance de son erreur, Jérôme Brisard présentera ses excuses à la direction du club dès la fin du match.

"Aux limites du process"

Au-delà de ce simple quiproquo, cette scène démontre surtout une limite des consignes données par la hiérarchie depuis plusieurs saisons et la complexité pour le corps arbitral de faire appliquer ces consignes dans la réalité des matchs de football. Sans remettre en cause la réalité de l’erreur de Jérôme Brisard, plusieurs officiels de Ligue 1, avec qui RMC a pu échanger ce lundi, remontent surtout l’idée d’une pression très forte de la hiérarchie sur ce sujet des propos venus des tribunes.

Un arbitre central de Ligue 1 estime ainsi que l’on arrive "aux limites du process" actuellement en vigueur. Un arbitre assistant de Ligue 1 ajoute: "Vous n’entendez rien sur une pelouse du championnat lorsque vous êtes au centre, vous entendez par petits bouts. Je suis certain que Jérôme n'a entendu que la fin de la phrase". Ce que le patron de la DTA Antony Gautier confirmera aux médias juste après la rencontre. C'est à ce moment-là que l'importance du délégué d'une rencontre doit se faire sentir, afin de faire le filtre entre les événements en tribunes et l'arbitre central.

Autre point mis en avant par certains arbitres: la nécessité d’améliorer les préparations des rencontres. Depuis plusieurs saisons, les fans niçois entonnent ce chant à la même minute. "C’est très bien de savoir l’agenda autour de la rencontre, de savoir le nombre de spectateurs, mais c’est aussi bien de connaître les spécialités du public", admet un arbitre central de Ligue 1.

"Personne n'applique la même règle"

Jérôme Brisard avait pourtant déjà arbitré des rencontres à l’Allianz Riviera, sans pour autant arrêter le match à la 86e minute. "Dans ce dossier des propos discriminatoires en tribunes, ce sont des rappels permanents de la DTA, affirme un arbitre du championnat de France. Et si les consignes ne sont pas suivies vous connaissez la suite...". Fin septembre, un match de l'OGCN avait déjà été arrêté pour des chants homophobes à la 85e minute de jeu. Le club avait finalement été sanctionné par la commission de discipline de la LFP d’une fermeture pour un match avec sursis de la tribune Populaire Sud.

"L’arbitre a une responsabilité, le délégué aussi, mais la FFF porte aussi une responsabilité dans cette histoire, commente un bon connaisseur de ce genre de dossier au sein de la FFF. Derrière, il y a une récupération politique assez forte, alors qu’un simple communiqué de la FFF le soir du match aurait pu mettre fin à l’histoire. Il faut se rendre compte de la pression hors normes subie par les arbitres de Ligue 1 sur toutes les rencontres pour l’aspect sportif. Alors s’il doit aussi faire la police dans les tribunes, ça devient impossible". Un officiel de Ligue 1 termine: "Et surtout, personne n'applique la même règle chez les arbitres. Nous n'avons aucune cohérence entre les matchs". Aucun listing concernant les propos grossiers ou homophobes n'est donné aux arbitres pour avoir une base de travail. Contactées, ni la DTA ni la FFF n’ont répondu à nos sollicitations.

Nicolas Pelletier