Saint-Etienne: des "oubliettes" à cadre de la défense, la belle trajectoire de Mickaël Nadé

"Quevilly voulait me garder mais moi, j’avais dans un coin de ma tête l’envie de m’imposer à Saint-Etienne, donc je suis revenu ici !" La réponse, directe, tranchante, ne fait pas dans la nuance. Comme ses interventions sur le terrain, le tout pour illustrer une idée fixe depuis son arrivée au centre de formation de l’ASSE en 2014 : porter le maillot vert à Geoffroy-Guichard. "Oui, cette idée, je l’ai depuis le début, explique à RMC Sport Mickaël Nadé (23 ans), aligné à 20 reprises cette saison en Ligue 1. Je n’ai jamais baissé les bras et je suis toujours resté moi-même."
Car s’il fait ses premiers pas en championnat le 20 mai 2017 sous les ordres de Christophe Galtier, ce n’est pas cette date qu’il coche pour souligner son début de carrière, à l’époque prometteur (il a 18 ans) juste avant de parapher son premier contrat professionnel le 5 juillet 2017 : "Je n’ai même plus de souvenir de mes premiers pas…", s’excuse le jeune défenseur central français, là aussi sans fioriture. Non, le déclic est plus récent : saison 2020-21, à QRM, Quevilly Rouen Métropole, en National Il y est prêté en juillet 2020, sans option d’achat : "Là, ce sont les difficultés, se souvient-il. Il faut le dire, j’étais aux oubliettes, connu de personne et je pars là-bas. Le déclic, je l’ai depuis l’an passé à Quevilly. On m’a convaincu d’y aller, notamment Razik Nedder, l’entraîneur de la réserve des Verts, qui m’a dit que ce serait bien pour moi de quitter mon confort, de voir autre chose."
Un prêt salvateur à QRM
Mickaël Nadé confirmera dans ce jeu de mot, souvent usité dans le monde professionnel du foot : "Le bonheur est dans le prêt." Car à cet instant de sa carrière, il se situe entre deux eaux : trop à l’aise en N3 avec la réserve de l’ASSE où il est titulaire, mais pas encore au niveau, estime le manager Claude Puel, pour être appelé régulièrement en professionnel. Il stagne. Et oublie quelques fondamentaux. En Normandie, le Parisien de naissance s’impose avec son entraîneur, Bruno Irles, et participe grandement à la montée en Ligue 2 du club. Il avait rejoint QRM avec un état d’esprit de guerrier : "Je me suis dit que je suis là pour m’aguerrir, je dois m’imposer, explique-t-il. Je suis prêté mais je vais faire le maximum pour me faire voir. La montée avec Quevilly, m’a apporté, même en National, j’ai appris quelques fondamentaux. J’ai enchaîné à un niveau plus haut que la réserve de l’ASSE. J’avais aussi une forme de confiance à faire regonfler même si elle a toujours été là."
QRM souhaite le garder. Mais lui ne veut pas. Il veut se remettre dans "son" projet initial, devenir un cadre de l’ASSE. D’entrée, cela fonctionne bien : "Quand je reviens, mon état d’esprit est le suivant : je me suis fait petit, sur la pointe des pieds. J’ai écouté le coach Puel et son adjoint Jacky Bonnevay. Je me souviens de mon premier match face à Lorient, cela s’est bien passé, j’ai vraiment compris que je pouvais faire une bonne saison, rembobine-t-il. J’ai vu comment c’était la Ligue 1. J’ai su que je pouvais m’imposer en Ligue 1." Claude Puel lui prolonge même son contrat jusqu’en 2024 : "Mon but, c’était vraiment de gagner ma place", souligne-t-il à plusieurs reprises dans l’entretien, preuve d’une réelle volonté de passer des mots forts à la réalisation, sans fausse note. Il devient même buteur de la dernière chance face à Angers, le 22 octobre 2021, alors qu’il était rentré à la mi-temps.
"J’apprends tous les jours"
Ce 2-2 décroché dans une soirée difficile avec des débordements de supporters qui ont conduit à un retard d’une heure du coup d’envoi l’a marqué : "C’est facile de dire qu’on croit plus au maintien, en ce moment ; mais je peux vous dire qu’en novembre et décembre, nous n’avons jamais lâché, témoigne-t-il. Il y a ce match d’Angers, mais regardez aussi celui de Clermont : nous sommes menés 0-2 et nous avons gagné 3-2. Nous sommes tous des compétiteurs dans le vestiaire. Nous nous mettons « chiffon » pour le collègue." Le changement d’entraîneur en décembre – Pascal Dupraz remplace Claude Puel, licencié – ne change pas ses lignes de statistiques, où il continue de figurer à la case "titulaire" (neuf titularisations de rang, série en cours) : "Techniquement, forcément, j’apprends tous les jours à l’entraînement, dit-il. Il y a la donnée physique, j’avais du mal à enchaîner, à finir les matchs. Comme je jouais un match sur deux, avec mon gabarit, c’est toujours dur de revenir. J’étais souvent à l’agonie au bout de 60 minutes quand je n’enchaînais pas."
Travailler et rester concentré, ses deux mantras désormais qu’il répète comme pour faire oublier un passage à vide qu’il confiait au Progrès dans une interview récente : "Peut-être qu’à l’époque, je n’étais pas prêt, que ce n’était pas le bon moment. Quand j’ai signé mon premier contrat pro (en juillet 2017), j’avais 18 ans et je ne me rendais pas compte des exigences du monde professionnel. Cela fait partie de l’apprentissage. Si aujourd’hui j’en suis là, c’est qu’auparavant, j’ai fait des erreurs. Je n’étais pas sérieux quand j’ai signé mon premier contrat. J’avais le “statut” pro mais je ne savais pas tous les sacrifices qu’il fallait consentir. Je n’ai pas fait ce qu’il fallait, il y a eu un relâchement. Dieu merci, j’ai été bien encadré et des personnes m’ont remis dans le droit chemin." Résultat ? "Je suis très content aujourd’hui", résume ce joueur au grand gabarit mais au verbe rare et aux phrases timidement énoncées. Content aussi car les Verts ont rattrapé le "peloton des cancres" comme le dit Pascal Dupraz.
"Nous pouvons battre tout le monde"
"Nous n’avons plus le bonnet d’âne, dit-il aussi dans le vestiaire, ajoute le défenseur central. Et je peux vous dire que cela apaise les esprits. Nous restons concentrés avec un objectif à atteindre. Franchement, le groupe a plus de sourires, nous savons que nous ne méritons pas la place que nous avions à l’automne." La recette actuelle ? "Le coach nous dit de ne pas trop regarder le calendrier. Nous sommes plus légers, maintenant cela dépend que de nous." Pascal Dupraz, qui a amené sa "patte", poursuit : "Il est très proche de nous, qui sait nous motiver au bon moment. Il est arrivé avec ses idées et nous avons adhéré à son projet. Il a discuté avec tout le monde, pour lui, personne n’était à la cave. Cela mis du baume au cœur de tout le monde."
Et le public adhère à l’image des 35.706 personnes présentes pour le match face à Metz (1-0), dimanche dernier à 13h au cœur d’une série de six matchs avec une seule défaite à Paris pour quatre succès (Angers, Montpellier, Clermont et Metz) et un nul (Strasbourg) : "Les supporters n’étaient pas très contents au début, nous les comprenons. Désormais, il y a une vague, nous avons encore plus envie de leur montrer qu’on veut se maintenir et qu’on va se maintenir. Il y a beaucoup plus de gens qui y croient. Mais nous, nous n’avons jamais lâché. Franchement, il y a une dynamique lancée : nous avons gagné des matchs, nous n’avons pas fait le plus dur mais nous avons déjà rattrapé le groupe qui est devant."
Mickaël Nadé prévient et ne veut pas verser dans une euphorie béate : "Il reste beaucoup de matchs encore, mais cela ne dépend que de nous. Nous pouvons battre tout le monde. Il n’y a pas de calcul à faire. On y croit fort au maintien. Et on va le faire. Car nous sommes des gagneurs et des compétiteurs. Nous savons où nous voulons aller et nous allons tout faire pour y arriver." Actuel 17e au classement, Saint-Etienne a rendez-vous ce vendredi à Lille (21h) en ouverture de la 28e journée de Ligue 1.