Samba, Beye, la retraite... Les vérités de Steve Mandanda à quelques jours de ses 40 ans

Steve Mandanda, votre parole est assez rare, on ne vous a pas entendu depuis de longues semaines. Première question assez simple, comment allez-vous depuis début janvier?
Bien. Je dirais mieux, même. Je n'ai pas pris la parole parce que c'est vrai qu'il y a eu pas mal d'événements, pas mal de choses qui se sont passées que ce soit sur un plan perso ou même surtout pour le club. Le plus important et la priorité pour moi, c'était le club et donc ça n'était pas forcément le moment de parler.
Votre dernière apparition sur le terrain date du 3 janvier. Vous étiez alors titulaire et capitaine du Stade rennais à Nice, où vous avez vécu un match difficile d'ailleurs. Vous êtes depuis sur le banc en tant que numéro 2. Comment vivez-vous cette situation, ce déclassement?
On ne vit jamais très bien ce genre de situation. Mais après, je connais aussi le foot. Aujourd'hui, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même, je n'ai pas été performant et à partir du moment où on n'est pas performant, c'est quelque chose qui peut arriver. Donc c'est sûr que ce n'était pas simple, mais en même temps le plus important c'était pour le club de retrouver de la performance, de retrouver des résultats et c'est ce qui se passe aujourd'hui. Ma situation personnelle est celle qu'elle est, mais le plus important c'est qu'aujourd'hui la situation du club soit meilleure et qu'on continue à être sur la bonne voie, comme on l'est actuellement.
Voir arriver Brice Samba au tout début du mercato, ça n'a pas été dur à encaisser? Vous dites "je ne peux m'en prendre chez moi-même"...
Oui, parce que si j'avais été performant, il n'y aurait pas eu de débat, il n'y aurait pas eu besoin de réfléchir sur le poste de gardien de but. À partir du moment où j'ai une première partie de saison qui est plus que moyenne, où je coûte pas mal de buts et de points à l'équipe, c'est logique que cette réflexion existe au sein du club. C'est Brice qui est arrivé, mais ça aurait pu être un autre aussi. C'est pour ça que je le dis et je le répète: je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.
Que vous dit le Stade rennais quand il vous annonce que Brice Samba va arriver? Ils parlent d'une opportunité qu'on ne pouvait pas refuser...
C'est ce qu'ils ont dit, oui. Et encore une fois, je l'entends et je peux le comprendre aussi parce que c'est une opportunité à court terme et à long terme également par rapport à ma situation contractuelle. Donc forcément, le club a sauté sur l'occasion et en tant que dirigeant ou coach, je peux comprendre cette décision.
Le poste de gardien, ça n'était pourtant pas la priorité de Jorge Sampaoli à l'époque où il était encore là. Ça n'a pas généré une incompréhension de votre part?
Un peu oui. Forcément, entre le discours que le coach pouvait me tenir et ce qui s'est passé après, on était sur deux choses totalement différentes. Mais encore une fois, quand c'est une décision de la direction, c'est une décision à l'instant T mais aussi pour l'avenir. On n'a rien d'autre à dire. Et puis, je le répète et je le dis aujourd'hui, si j'avais été performant, il n'y aurait pas eu toutes ces discussions, il n'y aurait pas eu ce problème-là. Donc, c'est compliqué pour moi. C'est vraiment une situation qui a été dure, pas simple à vivre, mais une situation qu'avec du recul, je peux entendre et comprendre.
Avez-vous quand même posé des questions sur votre avenir à très court terme?
Oui. On se pose plusieurs questions et c'est pour ça que c'était important pour moi de ne pas forcément parler à chaud. Parce qu'à chaud, avec la déception, la colère, la frustration, toutes les émotions qu'on peut avoir à ce moment-là, j'aurais peut-être pu dire des choses que j'aurais regrettées après. Je me suis posé énormément de questions, j'ai eu aussi l'opportunité de continuer à jouer.
En quittant le Stade rennais?
Oui. Mais je pars du principe que quand on est présent, qu'on a mis l'équipe dans cette difficulté, on doit se battre tous ensemble et jusqu'au bout pour sortir justement l'équipe de cette situation. Et puis, même si ça ne fait pas longtemps que je suis ici, j'ai un profond attachement avec le Stade rennais. C'est un club où je me sens bien, un club qui m'a accueilli dans un moment délicat de ma carrière, qui m'a permis de pouvoir participer à la Coupe du monde 2022. J'y ai vécu des moments forts aussi. Donc j'ai beaucoup, beaucoup d'amour pour le club et je ne me sentais pas forcément de partir comme ça et à ce moment-là de la saison.
J'imagine que vous avez quand même été touché dans votre motivation au quotidien. Est-ce que ça met du temps à revenir?
Dire que je n'ai pas été touché, ce serait mentir. Bien sûr qu'on reste humain, ce n'est pas simple. Mais en même temps, j'aime le foot et je prends du plaisir dans ce que je fais au quotidien. Encore plus avec l'arrivée du coach Habib Beye parce que dans ce qu'il demande, dans ce que l'on fait au quotidien à l'entraînement, on est beaucoup sollicité et on prend énormément de plaisir. Et puis il y a aussi les résultats donc forcément quand les résultats sont présents, l'atmosphère est meilleure, l'humeur au quotidien est meilleure et on se retrouve à vivre des moments plus joyeux. Aujourd'hui, je prends du plaisir à l'entraînement, je prends du plaisir au quotidien avec les mecs. Donc c'est une meilleure période.
On voit que vous avez le sourire désormais...
Oui. Après forcément, vu la première partie de saison qu'on fait, où on perdait assez souvent, c'est normal qu'après les matchs je n'aie pas le sourire. Mais on est quand même privilégiés, aujourd'hui il ne faut pas l'oublier. Pouvoir venir jouer au foot, s'entraîner, être avec les collègues au quotidien, c'est sûr que c'est une bonne chose.
Comment se passe le travail, la collaboration avec Brice Samba et le staff à ses côtés
Ça se passe très bien. Déjà Brice, je le connais depuis quelques années, on était ensemble à Marseille. Avec Hervé Sekli, l'entraîneur des gardiens qui travaille en binôme avec Olivier Sorin et qui est arrivé avec Brice, on apprend à se connaître, on échange, on discute, on regarde. Il y a des méthodologies qui sont différentes aussi mais petit à petit, on voit qu'on arrive à tous cohabiter et à s'entraîner ensemble. En tout cas la cohabitation se passe bien, dans le respect. Honnêtement, il n'y a aucun souci, on est loin de tout ce qui pouvait être écrit ou dit avant son arrivée.
On a pu parler parfois d'une relation fraîche entre Brice Samba et vous depuis votre époque marseillaise. Est-ce que vous voulez rétablir les choses?
Il n'y a rien à rétablir, je n'ai jamais eu de problème particulier avec Brice et je pense que lui non plus. C'est sûr que lui étant plus jeune, arrivant à Marseille, il avait cette volonté de pouvoir jouer. Moi, étant joueur à Marseille, j'avais envie aussi de garder cette place. Mais cette volonté de vouloir jouer ne doit pas enlever le respect ou le plaisir qu'on a de travailler ou de côtoyer l'autre. On aime mettre des rivalités parce que c'est logique, c'est un poste où il n'y a qu'un seul mec qui peut jouer. Forcément, médiatiquement, on va chercher à créer une rivalité. Mais à partir du moment où ça reste sain, où chacun veut travailler et où surtout chacun veut donner le meilleur pour le collectif, pour le reste il n'y a pas de problème, il n'y a pas de rivalité à avoir.
Cette rivalité, elle est donc un peu fantasmée?
C'est mon avis, parce que je n'ai jamais eu de soucis, de conflits ou de problèmes directs avec Brice. Et aujourd'hui, on le voit au quotidien: ça se passe très bien. A partir du moment où on sait aussi quels sont les rôles de chacun et que chacun respecte ça, il n'y a pas de problème.
Vous l'avez déjà reconnu: vos performances individuelles cette saison ont été difficiles. Et collectivement aussi, l'équipe était évidemment en difficulté, la défense aussi devant vous l'était particulièrement. Quel est votre regard aujourd'hui sur votre niveau, votre état de forme, votre ressenti alors que vous allez jouer face à Reims?
Je m'entraîne tous les jours, je m'entraîne bien, je me sens bien. Après, encore une fois, on va parler de performance et de compétition. Et la réalité, pour ce qui est de mon cas parce qu'avant de juger ou de critiquer l'équipe ou les autres, il faut avant tout se regarder soi-même, c'est que je n'ai pas été au niveau et c'est ce qui a créé cette situation. Donc aujourd'hui, Brice est suspendu, je vais me retrouver à jouer ce vendredi, ce n'est pas mon premier match donc il n'y a pas de problème là-dessus mais pour moi, le plus important, c'est qu'à la fin de ce match on gagne et qu'on puisse continuer notre marche en avant après la défaite face à Lille.
Il y a l'envie de rebondir évidemment. Vous prenez ce match avec un peu plus de pression malgré tout? Vous allez être regardé...
Non, je ne le prends pas avec plus de pression parce que ça ne va pas changer grand chose à ma situation. Je dois être performant pour aider l'équipe et surtout pour gagner. Mais sur un plan individuel, ça ne changera pas grand chose parce que tout le monde connaît la situation, moi le premier. J'ai assez d'expérience pour savoir que ce n'est pas un match qui va faire basculer la hiérarchie.
Que vous a dit Habib Beye à son arrivée sur votre utilisation, sur votre situation?
On a parlé. J'ai eu la chance de le côtoyer très peu de temps à l'OM pendant la préparation entre ma signature et son départ et on n'a pas énormément d'écart d'âge donc c'est aussi plus facile. Son discours est clair et simple, il est là pour sortir le club d'une situation délicate et moi je suis là pour l'aider différemment de ce que je pouvais faire avant sur le terrain, plus dans la vie de tous les jours. Et puis quand on fait appel à moi, j'essaie d'être le plus performant possible pour garder cette dynamique qui va basculer malgré ce résultat négatif qu'on a eu face à Lille.
Vous restez malgré tout un cadre du groupe, vous êtes dans le fameux conseil des Sages ces quelques joueurs référents pour prendre le pouls du groupe. Habib Beye vous a laissé dans ce rôle là évidemment...
Je pense que c'était plus avec lui qu'il fallait en parler. Je ne joue plus mais je reste l'ancien du vestiaire. Je pense quand même être assez assez écouté et respecté donc je ne pose même pas la question, et je pense qu'il ne s'est pas posé la question non plus.
L'équipe semble retrouver des couleurs, peut-être pas assez pour être au niveau de Lille le week-end dernier, mais les attitudes semblent changer, on voit le retour des sourires également. Quel est votre regard sur ces 15 premiers jours d'Habib Beye?
Avec son staff, ils sont arrivés avec énormément de fraîcheur, beaucoup de détermination, ils nous ont apporté de la confiance. Les méthodologies d'entraînement ont changé avec beaucoup plus d'intensité, beaucoup plus de rythme. Il a aussi une relation plus proche avec les joueurs, c'est quelqu'un de franc, qui dit les choses directement. Et surtout, il a de très bonnes idées et je pense qu'aujourd'hui le groupe a totalement adhéré à tout ça, à cette fraîcheur, cette volonté, cette croyance très positive. Et puis il connaît très très bien le foot, il connaît très bien la Ligue 1 donc ça permet aussi au groupe d'être mieux. Les deux résultats positifs face à Strasbourg et Saint-Étienne aident aussi à la bonne humeur et à une atmosphère un peu plus tranquille. Aujourd'hui, depuis son arrivée, je ne vois que du positif. Il a un staff qui bosse énormément, qui arrive très tôt le matin et qui repart très tard le soir. Aujourd'hui, il montre qu'il a les qualités pour être un grand entraîneur.
Votre championnat malgré tout, c'est le maintien. On a vu que Lille, c'était trop haut, là il y a Reims et Montpellier qui arrivent. C'est clair pour tout le monde ou est-ce que vous avez pris un petit coup derrière la tête de vous dire "oui, on est loin du haut"?
On connaît la situation, on connaît le classement. La priorité, c'est sûr, c'est de s'éloigner de ces places dangereuses. Mais le coach et le staff n'ont jamais parlé de maintien ou d'Europe, ils ont parlé de gagner les matchs, de s'imposer pendant les matchs, d'imposer notre jeu. Et puis peu importe l'adversaire, de garder toujours la même ligne directrice. C'est ce qu'il essaie de nous inculquer, c'est ce qu'il nous dit au quotidien. Donc on est conscient de la situation, mais on sait qu'il nous reste 12 matchs et sur ces matchs-là, il va falloir aller jouer à fond et essayer de s'imposer. Après on verra, mais c'est sûr que la priorité c'est de vite s'éloigner de ces places de relégables.
On vous parle beaucoup de votre âge, vous aurez 40 ans le 28 mars prochain. C'est une date importante 40 ans, c'est pas rien, encore plus pour un footballeur...
J'ai pas trop de problème avec mes anniversaires ou avec mon âge, d'ailleurs j'ai rien de prévu pour l'instant. Mais oui, c'est une réalité...
Vous allez jouer ce vendredi contre Reims votre 831e match en pro. Ça place un peu votre carrière... Vous êtes en fin de contrat en juin, vous allez avoir 40 ans, quelle est la suite? Est-ce que vous le savez?
Non, justement. La suite, il y a énormément d'interrogations. Aujourd'hui, je ne peux pas en parler parce que moi-même je ne sais pas exactement ce que je vais faire, ce que je veux faire. Donc dire quelque chose aujourd'hui, ça serait peut-être dire une connerie. La priorité, c'est de finir cette saison du mieux possible en prenant le maximum de plaisir et puis on verra bien ce qui va se passer. Je n'ai jamais été quelqu'un qui se projetait loin dans l'avenir et aujourd'hui ça se confirme parce que quand je réfléchis à ce que je vais faire ou ce que je dois faire, je n'ai pas la réponse. J'ai beaucoup de questions mais je n'ai pas de réponse. Donc on verra bien ce que l'avenir me réserve.
Dans votre tête, vous n'avez pas de date établie pour une fin de carrière?
Non, c'était aussi le cas quand j'ai discuté avec le coach Didier Deschamps pour la fin de ma carrière internationale. J'étais arrivé au moment où c'était naturel, ça s'est fait en un mois parce que c'était le moment mais je n'ai jamais pensé avant à arrêter à telle date, à faire telle ou telle chose l'année prochaine ou dans deux mois. Je n'arrive pas à me projeter. Peut-être que dans un mois, j'aurai la réponse, j'aurai avancé sur ça et je pourrai le dire à ce moment-là mais aujourd'hui, dire ce que je ferai la saison prochaine, je ne peux pas.
A Rennes, le club ne semble pas envisager une prolongation...
En tout cas, je n'ai discuté et échangé avec personne. Et puis encore une fois, moi-même je ne sais pas si j'ai cette force et cette volonté de continuer.
Et la force de rebondir ailleurs, oui, potentiellement?
Franchement je ne sais pas. C'est pareil, il y a des opportunités qu'on n'attend peut-être pas. Il s'est passé en janvier des choses que je n'imaginais pas aussi. Quand je prolonge la saison dernière, je ne pensais pas que ça allait se passer comme ça cette saison. Donc je peux difficilement me projeter, je peux difficilement décider. Il y a des opportunités qui se présentent à vous, à ce moment-là peut-être que ça va m'aider et m'orienter plus facilement. Mais aujourd'hui je peux rien annoncer, désolé (rires).