Une ancienne salariée de l’AS Monaco dénonce des faits de harcèlement moral et sexuel, le club réagit

Une photo du siège de l'AS Monaco, en janvier 2022 - Icon Sport
L’AS Monaco est dans le viseur d’une ancienne employée. Dans un témoignage publié sur la chaîne Youtube d’Aaron, Julie (le prénom a été modifié) est revenue sur "la pire expérience" de sa carrière professionnelle lorsqu’elle travaillait pour le club de la Principauté, où tout a mal tourné - selon ses dires - dès le commencement.
"Dès mon premier jour dans l’entreprise, l’un des collaborateurs a dit que j’étais habillée comme une pute. À partir de là, j'ai vécu un harcèlement moral et sexuel continu. Un jour, mon manager m'a demandé si j'avais mis du rouge à lèvres pour sucer un joueur. Un photographe du club m'a forcé à me changer parce que j'avais mis un perfecto et que selon lui c'était beaucoup trop féminin, ça n'allait pas du tout. Il m'a donné un vieux sweat à lui et m'a forcé à me couvrir avec. Ce même photographe a fini par me dire que j'étais beaucoup trop blonde, que j'allais créer des problèmes dans l'équipe”, a-t-elle raconté. "Il m'a dit que les joueurs étaient tous des animaux et 'les filles comme toi on les connaît. On a vu ce que ça a donné avec Benjamin Mendy'."
Dans son témoignage, la jeune femme s’est confiée sur les remarques déplacées que lui aurait fait son patron et l’ambiance pesante qui régnait sur son lieu de travail. "Il n’a pas arrêté de me dire que je sentais bon, il voulait absolument savoir si j'étais fiancée ou si j'étais mariée. Il voulait aussi absolument savoir si j'avais couché avec des joueurs de foot dans ma vie. (...) Dans l'open space d'une manière générale, les blagues graveleuses, c'est le quotidien. C'est-à-dire qu'ils comparent la taille des seins des femmes, ils disent qu'une femme qui a une promotion, c'est que sa plus grande compétence, ça doit être de tailler de très bonnes pipes. Ils prennent en photo les femmes à leur insu quand elles sont penchées en avant sur un bureau, par exemple. Le photographe prend même des photos des stagiaires à leur insu quand elles sont en short et ils zooment sur leurs cuisses pour qu’ils se foutent de leur gueule si jamais elles ont la cellulite. Quand une collègue dit à la cantine qu'elle ne mange pas de chair animale, on lui répond: 'Ah, la chair de bite, ça par contre tu manges?'”
Sanctionnée pour avoir dénoncé du sexisme
Face à une situation de plus en plus lourde, Julie assure avoir voulu expliquer la situation au DRH. "En larmes" dans son bureau, l’ancienne employée dit s'être alors pris une autre claque. "On m'a traitée de menteuse. Quelques mois plus tard, je n'ai pas reçu la prime annuelle qui m'était due. Mon manager m'a confié que j'avais été sanctionnée pour avoir dénoncé du sexisme", poursuit-elle, preuve audio à l’appui pour se justifier.
Devenue "la fille à problèmes" au sein de l’AS Monaco, Julie s’est retrouvée esseulée et les galères ne se sont pas arrêtées là. "Un de mes chefs est venu me trouver dans un bar un jour pour me menacer de me virer si je continuais à poser problème. Un autre me convoquait pour me mettre des coups de pression à base de: 'il y a intérêt que tout ce que je te dis ça reste bien entre nous'. J'ai reçu un avertissement parce que je suis arrivée en retard au travail alors que j'étais venue en covoiturage avec des collègues. Aucun de ces collègues n'a reçu d'avertissement. J'avais aussi dénoncé un collègue qui m'appelait jour et nuit des dizaines de fois sous prétexte que je lui plaisais. Je l'ai croisé dans la rue un peu après, il m'a agressée, il m'a insultée", raconte l’ancienne employée, qui a connu une période d’arrêt maladie pour burn-out. "Pendant mon arrêt maladie, le DRH a appelé mon médecin pour lui dire: 'elle se fait harceler peut-être, mais il faut voir comment elle s'habille aussi'."
Une enquête interne classée sans suite
Julie a alors décidé de chercher des solutions, sauf qu’il n'y avait pas de commissaire d'entreprise ni de délégué du personnel à l'AS Monaco pour échanger. Il y a en revanche un référent harcèlement. “Pas de chance, c’est le DRH. Donc un des auteurs du harcèlement à mon encontre. Donc j'ai voulu appeler l'inspection du travail, et un collègue me l'a vivement déconseillé parce qu'il l'avait lui-même fait", poursuit-elle. "La dame au téléphone avait dit: ‘Mais on connaît très bien votre DRH, vous pouvez abandonner, il a trop d'amis chez nous’."
L’ancienne salariée aurait pu saisir le conseil de prud’hommes, une solution coûteuse et difficile puisqu’il faut être défendu par un avocat monégasque. "On n'est jamais sûrs de gagner face à une entreprise qui appartient pour 30% au gouvernement. En fait, il y a une grande sensation d'injustice. Ils ne m'ont pas payé des centaines d'heures, ils m'ont fait travailler sans contrat, ils m'ont forcé à bosser pendant des arrêts maladie, ils ont ruiné ma santé physique et mentale. Il y a aussi beaucoup de racisme. Un manager qui traite son stagiaire de sale arabe... Ils menacent tous les témoins de ruiner leur carrière s'ils parlent. Le DRH est au courant de tout mais il s'en fout." Les efforts de Julie ont été vaincs, puisque l’enquête interne a été classée sans suite, même avec l’envoi de preuves photos et audios. Traumatisée par cette expérience, cette dernière a quitté l’AS Monaco et demeure aujourd’hui sans emploi.
Le club se dit attentif, mais dénonce des propos diffamatoires
Contactée par RMC Sport, l'AS Monaco a tenu à réagir à ce témoignage et ces accusations. "L’AS Monaco a pris connaissance de contenus diffusés sur les réseaux sociaux rapportant des faits prétendument commis par des employés du club, s’agissant d’un témoignage anonyme alléguant des faits de racisme et d’allégations de harcèlement au travail", indique l'ASM. "Concernant les allégations de racisme, à ce jour aucun signalement ou plainte avec des faits établis n’a été effectué auprès du club. Si tel devait être le cas, le club prendrait évidemment le soin d’étudier tous les éléments et de mener une enquête approfondie et ce, conformément à ses obligations légales en Principauté."
Et de poursuivre sur le cas précis de l'ancienne employée: "En ce qui concerne les allégations de harcèlement, une enquête a été menée selon les lois en vigueur en Principauté de Monaco. Elle n’a pas permis de confirmer les faits et a conclu à l’absence du bien-fondé des éléments rapportés. En l’absence de preuve ou d’éléments pouvant attester de tels faits, le club émet toutes réserves sur la teneur de ces contenus et les propos parfaitement diffamants qu’ils relayent. Le club se réserve le droit d’entreprendre les démarches nécessaires afin de demander leur retrait et d’agir envers l’ensemble de leurs auteurs par voie de justice. L’AS Monaco rappelle son soutien à la lutte contre toute forme de discrimination, ainsi que son attachement aux valeurs de bien-être au travail et demeure à l’écoute de ses salariés. Il ne saurait tolérer aucun comportement inapproprié ou contraire à la loi."