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"La montée en Ligue 1? Ce serait le meilleur moment de ma carrière, peut-être de ma vie": les confidences d'Ilan Kebbal, meneur de jeu du Paris FC

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La montée en Ligue 1 se rapproche pour le Paris FC, deuxième de Ligue 2 et qui peut faire un nouveau pas vers la promotion en cas de victoire contre Rodez ce week-end. Le meneur de jeu franco-algérien du club parisien Ilan Kebbal a accordé un entretien à RMC Sport. Il y parle de ses émotions avec le PFC, du changement de dimension du club et des ambitions collectives.

Le Paris FC se déplace à Rodez ce samedi pour la 32e journée de Ligue 2. Deuxièmes du championnat avec 3 points d’avance sur Metz, les Parisiens ont une grosse opportunité de se rapprocher de la montée en Ligue 1 en cas de victoire. Ilan Kebbal en rêve. C’est sa troisième saison dans la capitale et le meneur de jeu franco-algérien enchaîne enfin les saisons de haut-niveau.

Avec 5 buts et 6 passes décisives en L2, Kebbal est un leader assumé du vestiaire. Il est blessé en ce moment, touché au muscle fémoral gauche depuis une quinzaine de jours. Mais Il espère revenir dès ce week-end à Rodez. "S’il faut serrer les dents, même s’il faut jouer blessé, je le ferai." Ilan Kebbal est bavard, et pour RMC Sport, est longuement revenu sur ses ambitions avec le Paris FC, son envie de prouver en L1, son amour de l’OM et aussi son rapport à l’équipe d’Algérie, qu’il n’a plus fréquentée depuis 2021.

Avec cette petite déchirure au muscle fémoral gauche, vous avez dû vivre les deux dernières victoires (à Grenoble et contre Bastia) loin du terrain… pas trop difficile?

IK : Dire que c’est bien, ce serait faux (rires). J’ai énormément de pression en regardant les matches. Sur le terrain, c’est différent. De l’extérieur, j’étais fou devant la télé pour le match à Grenoble. L’équipe fait le taf, on est tellement près du but. On espère y arriver !

Le prochain match, c’est à Rodez. Si vous êtes apte, ce sera votre 100ème match avec le Paris FC. C’est le club de votre vie?

Jusqu’ici, c’est clair, c’est le club de ma vie. Je n’ai jamais été aussi bien dans un club, avec le président, le coach, le staff. Tous sont des gens carrés et c’est rare dans le foot. On a très envie d’offrir la montée au président Pierre Ferracci. Ce serait le meilleur moment de ma carrière et peut-être de ma vie.

Pourtant, à l’été 2022, au moment de signer au Paris FC, ce n’était pas du tout une évidence pour toi?

Ce serait mentir de dire que c’était mon premier choix. A la base, ce n’était pas prévu de quitter Reims. Au début de l’été, on me dit qu’on compte sur moi donc il n’y a pas de mercato dans ma tête. Avec mes agents, on n’avait rien préparé. Puis le coach Oscar Garcia me met de côté au début du championnat. On sait qu’après le 15 août, c’est compliqué de trouver un club où toutes les planètes sont alignées. A la fin, les choix étaient surtout en Ligue 2. J’avais refusé dans un premier temps. Puis je voulais tellement jouer au foot… La Ligue 2 c’était bien mieux que le banc en Ligue 1.

Et en 2022, ce n’était pas le Paris FC d’aujourd’hui avec les moyens de la famille Arnault…

C’est sûr mais en vérité c’était déjà un club qui jouait la montée en Ligue 1. Rien n’a changé en vérité. Pour le monde extérieur, les médias, oui, ça fait du bruit autour du club. Mais entre nous, c’est la même chose depuis trois ans. On joue la montée. L’année dernière, on a joué les play-offs. La différence aussi, c’est qu’aujourd’hui on est vraiment bien placé.

"Peu importe comment on gagne, on s’en fout!"

Il n’y a pas plus de pression sur vos épaules malgré tout?

Non, pas pour les joueurs. A chaque début de saison, le président Ferracci vient et nous dit : ‘les gars, cette année, on vise la montée’. Au moment du rachat, Antoine Arnault n’est pas venu nous voir pour dire on joue pour aller en Ligue 1. On le savait déjà.

A trois journées de la fin, le Paris FC est deuxième avec 3 points d’avance sur le FC Metz. Avec 7 points pris, vous serez assurés de monter… cela vous offre un joker avant d’aller à Rodez.

Il ne faut pas penser à ça. En pensant à ce joker, on peut se faire surprendre. On va jouer tous les matches pour gagner. En soi, rien n’a changé. Si Metz gagne et qu’on perd samedi, on est derrière eux. On veut gagner à Rodez, et ce ne sera pas simple car c’est une très bonne équipe.

Quel est le niveau de confiance de l’équipe dans ces conditions? Est-ce qu’une rechute comme à Laval (défaite 0-3) vous fait peur?

Laval, ça nous a fait du bien je crois. C’était un mal pour un bien. On n’avait pas joué comme d’habitude. On n’avait pas la dalle. Si techniquement, tu es en dessous, il faut au moins se donner à fond. De notre côté, on avait l’impression d’avoir fait un match amical. On ne courait pas tant que ça, pas assez d’effort. Alors que face à Bastia, on a galéré mais on s’est arraché. C’est la différence. Il faut continuer pendant les trois derniers matches. Peu importe comment on gagne, on s’en fout !

Rodez a explosé Dunkerque 5-1 il y a quelques semaines. J’imagine que vous êtes prévenus?

Ah oui, oui… même lors du match aller, on avait fait nul à la maison 3-3. Rodez, c’est une équipe en 5-3-2 mais avec des pistons très offensifs. J’aime beaucoup leur manière de jouer. Même pas très bien au classement, ils étaient venus pour nous embêter quand d’autres mettent le bus.

Le Paris FC en Ligue 1, ce n’est pas encore fait. Mais cela représenterait quoi pour vous?

Je fais partie des plus anciens… et ça représenterait tout pour moi ! J’ai connu la L1 dans ma carrière mais le faire ici, dans ce club… la sensation et les émotions procurées en jouant la montée, c’est déjà incroyable. J’espère que ça va durer encore et qu’on sera récompensés car on a été dans les deux ou trois premiers depuis le début. On a travaillé et aujourd’hui, personne ne veut entendre parler de play-offs. Cela va être difficile, déjà à Rodez samedi... même Martigues, Ajaccio… ce sont de très gros tests, footballistiquement, mentalement.

"Il faut que je montre en Ligue 1 que j’ai le niveau"

Personnellement Ilan, est-ce que ce serait une revanche de regoûter à la Ligue 1 à 26 ans, après l’épisode de Reims?

Non, pas du tout…  mais les contextes sont différents. A Reims, je venais de Ligue 2 donc j’étais le petit, je devais être content même si je ne jouais pas. Mon statut était différent. Je sais que j’ai le niveau Ligue 1, beaucoup de joueurs ici l’ont ! L’adversité augmentera, on le sait aussi mais il faudra faire plus. Avoir le niveau Ligue 1, c’est déjà battre Rodez. Des matches comme ça, avec ces émotions, le mental qu’on devra montrer, c’est là qu’on verra si on mérite d’aller en Ligue 1.

Ilan Kebbal et les joueurs du Paris FC fêtent leur but, 25 janvier 2025
Ilan Kebbal et les joueurs du Paris FC fêtent leur but, 25 janvier 2025 © ICON Sport

Votre êtes engagé au Paris FC jusqu’en 2028, c’est le plus long contrat du club. C’est important pour vous?

Pour être honnête, l’été dernier, je voulais partir. Rater la montée m’avait fait mal… je ne voulais pas quitter le club, cela m’aurait déchiré le cœur de partir. Mais c’était une question d’ambition, aussi pour la sélection algérienne. Je voulais aussi aller dans le club qui me voulait le plus, j’avais des propositions en Ligue 1. Mais pendant l’été, je me suis rendu compte que le club qui me désirait le plus, c’était le Paris FC. Au final, dès la fin juillet, j’ai décidé de rester et j’ai prolongé. Je ne regrette pas, je suis au meilleur moment de ma carrière. Je voulais partir en pensant à l’équipe nationale mais j’ai vu que limite en Algérie, ils ne me connaissaient pas, ils s’en foutent… donc j’ai privilégié mon bien-être. Je ne voulais pas jouer en Ligue 1 coûte que coûte mais je ne voulais pas être catalogué joueur de Ligue 2 toute ma carrière. J’aime ce championnat mais je suis quelqu’un d’ambitieux et il faut que je montre en Ligue 1 que j’ai le niveau. Sinon, les gens vont douter de moi.

"Je devais signer à l’Atlético de Madrid. […] Mais je suis objectif avec moi-même. Où est-ce que j’avais le plus de chance de réussir?"

L’Algérie, on y reviendra à la fin de cette interview. Parlons de votre parcours d’abord, Ilan. Vous n’avez pas fait de centre de formation, toujours recalé à cause de votre physique (il mesure 1m68 aujourd’hui). Mais on a connu avant vous par exemple Mathieu Valbuena… cela vous a aidé à vous accrocher au rêve de devenir pro?

J’ai fini par avoir de la chance et signer à Bordeaux à l’âge de 18 ans… donc l’histoire de Valbuena résonne. Et c’est un ancien pro qui m’a fait signer, Patrick Battiston. Lui ne m’a pas parlé de taille mais de football après un entraînement. Et j’étais fan de Messi surtout ! Je me disais ok, ça va les petits peuvent jouer. Et moi j’avais l’habitude, j’ai toujours joué contre des plus costauds. Et ma qualité première, ce sont mes petits appuis et c’est grâce à ma taille. Mais je suis quelqu’un qui sait encaisser les coups et les duels aussi.

Et ça ne vous rendait pas fou qu’on vous reproche votre petit gabarit à une époque où Xavi et Iniesta dominait le monde?

Mais l’Espagne, ce n’est pas la France ! Avant de signer à Bordeaux, je devais signer à l’Atlético de Madrid après un essai… l’Espagne, la formation, c’est technique, technique, technique… en France, c’est différent et il faut accepter. En L1 ou L2, c’est super dur. L’aspect physique est primordial et c’est dur. C’est parfois moins agréable à voir jouer. Alors oui en Espagne, il y a plus de petits, Iniesta, Xavi ok, mais aussi Antoine Griezmann qui a dû partir là-bas.

Et pourquoi ne pas avoir signer à l’Atlético dans ce cas?

Je suis objectif avec moi-même. Alors oui, aller voir ses potes en disant je joue à l’Atlético, c’est bien. Mais c’était l’Atlético qui jouait la finale de la Ligue des Champions. Où est-ce que j’avais le plus de chance de réussir ? A Bordeaux, bien sûr. Et à 18 ans, je n’étais jamais parti de Marseille tout seul… Bordeaux, je n’ai pas hésité. Dès que le coach Battiston m’avait demandé de signer, j’ai promis. J’ai beaucoup progressé et je ne regrette pas même si ça n’a pas débouché sur un contrat pro.

Vous devez repartir en N3 à Côte Bleue près de Marseille….

Je fais une super saison et on joue contre Lyon-Duchère en Coupe de France pendant le mercato de janvier. Le lendemain du match, le coach m’appelle et veut me faire signer. Au début, j’hésite car ça veut dire contrat, vivre du foot, mais je refuse. Je me dis que si je continue sur cette lancée, je peux viser plus haut car je sais que des clubs qui me suivent. Plus tard, un recruteur de Reims est venu me voir et me demande de faire un essai. Au final, très vite, le directeur général Mathieu Lacour me propose un contrat pro. Moi je croyais qu’il s’était trompé en me disant pro (rires)… j’ai accepté évidemment ! Je démarre en Pro 2 mais je prolonge deux mois après et je suis prêté à La Duchère puis à Dunkerque.

"Maxime Lopez? Je suis allé le chercher à l’aéroport moi-même"

Ne pas vous être imposé à Reims dans la durée, c’est un regret?

Je me suis imposé ! Je kiffais Reims, j’étais bien mais j’étais vu comme le petit alors que j’avais 23 ans. Si je ne jouais pas 6 matches d’affilée, je devais me taire. Mais ici aussi, si je ne joue pas je ne suis pas content ! Je ne fous pas le bordel mais un joueur qui ne rentre pas, j’espère qu’il n’est pas content. C’est ce que je dis aux mecs, il faut avoir de l’ambition ! A Reims, je fais quand même 23 matches titulaire en Ligue 1. Je misais tout sur la deuxième saison, je voulais tout péter. Puis le coach Oscar Garcia ne comptait plus sur moi, mais sans me le dire en face… c’est de la malhonnêteté mais je ne lui en veux pas, il vivait des heures difficiles en famille. Après, les choix de coachs, j’accepte. Si un joueur meilleur que toi arrive, il joue et moi je m’arrache encore plus. Mais je dois avoir la possibilité de prouver.

En parlant de concurrence, vous avez vu arriver au Paris FC, Maxime Lopez. Avec lequel vous partagez beaucoup de choses, le gabarit et les racines marseillaises évidemment…

On a joué ensemble carrément quand on était petits ! 

Et vous prouvez aujourd’hui que vous pouvez jouer ensemble en Ligue 2. Deux petits gabarits au cœur du milieu de terrain…

Au final, on a la meilleure possession de Ligue 2. Quand les équipes nous affrontent, je pense qu’ils sont fatigués à la fin du match car on fait beaucoup courir le ballon. Si on met deux grands au milieu, oui tu peux gagner évidemment mais avec deux petits plus techniques aussi. On court et on défend bien malgré tout. Les statistiques sont là !

Et est-ce que c’est facile de vous partager le ballon? Qui mène le jeu réellement?

C’est facile de jouer avec lui. Pas besoin de parler, tu veux la balle à gauche, il la met à gauche… à droite c’est pareil. Tout est facile. Il n’y a pas d’égo mal placé ! Et d’ailleurs, dans cette équipe, c’est ce que je kiffe. Aucun joueur ni membre du staff va dire, ‘moi je suis le meilleur’. Pas même Maxime ! C’est un phénomène le mec, en soi, il n’a rien à faire ici. Il jouait l’Europa League quoi. Je le kiffe, je suis allé le chercher à l’aéroport moi-même. On est chanceux de l’avoir avec nous. Jean-Philippe Krasso, c’est pareil ! Il n’y a pas d’ego car tout le monde a compris que si on monte, tout le monde sera gagnant. Ce n’est pas meilleur buteur, meilleur milieu, meilleur machin… c’est le club de ma vie ici avec un vestiaire incroyable. On va manger dehors ensemble, en vrai on est une famille. Ce club est à part de ce que j’ai connu dans ma carrière.

L’Algérie: Ne pas être dans la liste élargie de 60 joueurs, je ne comprends pas"

Et ça parle Olympique de Marseille alors entre les Lopez et Ilan Kebbal?

Ah oui, oui… bon, il ne faut pas trop le dire (rires)… mais ça va, le PFC n’a pas de problème avec l’OM. Mais au fond, on est supporters marseillais, on suit les matches tous les weekends. Quand l’OM ne gagne pas, on n’est pas content. J’ai déjà joué au Vélodrome avec Reims et si je peux le refaire avec le PFC…ouahhh… c’est chez moi Marseille, ma famille, mes amis… je veux le revivre évidemment. C’était incroyable. Et Marseille, c’est le meilleur stade. Mais la Ligue 1, c’est ouf. On en parle entre nous. Je leur dis, vous allez voir les ambiances ce ne sont pas les mêmes !

Pour finir cette interview, comme promis, on va parler de l’équipe nationale d’Algérie. Vous avez fait un rassemblement en A en 2021 sans entrer sur le terrain. Quels souvenirs vous en gardez?

J’étais en U21 d’abord. J’ai fait le choix de l’Algérie avant d’être en pro. La sélection en A, franchement, c’est un souvenir incroyable. C’est passé vite et je ne m’en rendais pas compte sur le moment. Avec le recul, je dis que c’est incroyable. Quand je suis arrivé, je remplaçais Adam Ounas. On avait gagné deux fois. J’ai vu un peu le contexte, j’ai parlé avec les joueurs. C’était déjà bien.

Mais vous pensiez être au début d’une belle histoire…

Que je ne sois pas rappelé au début, je comprenais car j’étais moins bon en Ligue 1. Mais c’est plus l’année dernière et cette saison que je ne comprenais pas. J’ai du mal à comprendre. Ne pas être dans la liste des 24, ok, il y a des gros joueurs. Mais dans une liste élargie de 60 joueurs, je pense que je pouvais y être…

Et vous n’avez aucune explication de la part de la Fédération algérienne?

Je n’en veux pas… je ne fonctionne pas comme ça. C’est que je ne dois pas avoir le profil… et c’est donc pour ça que cet été, je voulais retrouver la Ligue 1 pour la sélection.

Vous pensez à la CAN 2025 à la fin de l’année?

Non pas du tout… ce serait mentir car la saison dernière, je suis meilleur passeur de Ligue 2, parmi les meilleurs joueurs du championnat. J’ai été constant tout du long. Encore une fois, ne pas être dans les 24, c’est normal, il y a des très gros joueurs. Mais quand je ne suis pas dans la pré-liste… surtout que d’autres joueurs de Ligue 2 font partie de cette pré-liste. Donc le problème, ce n’est pas le championnat. Je vais travailler pour revenir mais au bout d’un moment…

Aurélien Tiercin