Arsenal-PSG: pourquoi Paris doit craindre les coups de pied arrêtés, l'arme fatale des Gunners

Un test de personnalité. Contre Arsenal ce mardi, le Paris Saint-Germain va devoir se montrer à la hauteur du défi de costaud qui l'attend à l'Emirates Stadium pour cette deuxième journée de Ligue des champions. Les joueurs de Mikel Arteta l’ont démontré lors d’une féroce bataille à l’Etihad, face à Manchester City, ces baby Gunners n’ont plus rien de naïfs.
Les années d’expérience commune sous l’égide du technicien basque les ont transformés en vieux briscards. L’équipe est toujours aussi séduisante lorsqu’elle se montre capable de produire des séquences offensives magnifiques, de changer le rythme de la rencontre à sa guise ou d’étouffer son adversaire avec un pressing constant.
Mais plus rusée, aussi. Elle peut ainsi se présenter sous les aspects les plus divers en s’adaptant à une problématique que lui imposeraient les circonstances, comme un caméléon changerait de couleur pour se fondre dans un nouvel environnement. Une philosophie que les joueurs de Mikel Arteta ont assumé pour défendre le but assiégé de Raya comme si leur vie en dépendait, face à City.
Arsenal peut surtout compter sur un atout considérable, les phases arrêtées, pour concrétiser ses temps forts et produire du danger, à la suite d'un coup-franc ou d'un corner, son arme fatale.
Nicolas Jover, le game changer
Depuis son arrivée sur le banc, Mikel Arteta a investi dans ce domaine de compétence en recrutant le Français Nicolas Jover, devenu très influent à ses côtés. Chaque corner ou coup franc est l'occasion pour le "set-piece coach" de s'installer en première ligne pour délivrer ses ultimes consignes.
Le "gourou des coups de pied arrêtés", comme l’a baptisé Gary Neville, a obtenu l’adhésion des joueurs au prix d’un long travail de sensibilisation à l’importance de travailler sur des gains marginaux qui s’avèrent essentiels quand la maîtrise d’un sujet aussi complexe est à ce point perfectionnée par le travail minutieux d’une référence mondiale dans son domaine.
"Le plus difficile, sur les coups de pied arrêtés, c’est quand on va demander une tâche ingrate à un joueur, qu’il nous fasse un bloc ou qu’il crée une fausse piste pour ouvrir une brèche. Quand on regarde les coups de pieds arrêtés d'Arsenal, je pense franchement qu’il n’y a pas un joueur qui ne se trouve pas dans la zone où Nicolas lui a demandé d’être", souligne Lilian Nalis, en charge des coups de pied arrêtés offensifs pour l'OGC Nice.
"Tout le monde veut tirer profit de tout, il n'y a pas de raisons de se priver d'une arme comme les coups de pied arrêtés pour gagner", résumait lui-même Nicolas Jover auprès du quotidien L'Équipe cet été. Et cet Arsenal-là ne s’en prive pas, au contraire. Il se gave.

Statistiquement, les Gunners se sont installés en l'espace de deux saisons comme la meilleure équipe d’Angleterre sur les coups de pied arrêtés offensifs: 32 buts dont 16 sur corner la saison dernière, un record depuis 20 ans qu'Opta collecte des données. Un spectaculaire bond en avant s'achant qu'avant l'arrivée de Nicolas Jover, Arsenal n'avait marqué que cinq buts sur coups de pied arrêtés, soit le troisième plus faible total du championnat.
Fulgurante, la progression l'est d’autant plus qu’elle a été obtenue dans un championnat aussi relevé que la Premier League où un soin particulier est porté à la progression dans ce secteur de jeu, avec le recrutement par les clubs d’entraîneurs spécifiques (Carlos Vicens à Manchester City, Austin MacPhee à Aston Villa, Bernardo Cueva à Brentford…).
"C'est assez ahurissant"
"Si l’on se réfère à ce qu’on voit en Premier League, les équipes s’observent toutes et néanmoins, Arsenal continue d’être performant", admire Christophe Lollichon, l'ancien entraîneur des gardiens de Chelsea.
Le capital confiance des Gunners est tel, dans cet exercice, que les joueurs de Mikel Arteta n’hésitent pas à reproduire une combinaison de mouvements identique plusieurs fois dans un même match. Contre Manchester City, Arsenal a pris l’avantage sur un corner préparé par Nicolas Jover et parfaitement exécuté par ses joueurs. Une structure qui avait bien failli fonctionner quelques instants plus tôt.
"C’est assez ahurissant parce c’est exactement la même chose sur le même match en l’espace de quinze minutes, vous avez quasiment le même", sourit Christophe Lollichon.
La même action qui avait déjà permis à Gabriel, rouage essentiel de l'ingénierie des Gunners sur coups de pied arrêtés, d’inscrire le but de la victoire face à Tottenham (1-0), sur un corner de Bukayo Saka. Avec une cellule de cinq joueurs qui part du deuxième poteau pour faire écran et libérer le joueur qui se projette.
"Je trouve la façon de faire d’Arsenal remarquable", apprécie Christophe Lollichon.
"On voit leur application dans le déroulé de l’action. Il y a une véritable application, chacun a son rôle, c’est parfaitement maîtrisé."
Quand Gabriel a battu la défense de Manchester City après s’être débarrassé du joueur qui le marquait dans la surface, en l'occurrence Kyle Walker, le Brésilien n’a trouvé personne pour contrarier sa projection vers le but, ses partenaires s’étant appliqués à semer le chaos pour lui libérer un espace.
Tous les joueurs impliqués sur ces phases de jeu sont ainsi mis à contribution pour perturber la réactivité de la défense et empêcher le gardien d’interférer, notamment en utilisant des écrans, comme au basket, toujours à la limite mais sans (presque) jamais faire de faute. Depuis le début de la saison, le même profil de corner - et ses variantes - s’est souvent reproduit, avec Ben White ou William Saliba qui viennent au dernier moment bloquer le gardien.
"C’est un combat, les coups de pied arrêtés. Surtout avec lui (Nicolas Jover)", constate Lilian Nalis.
"C'est une grosse attaque des 5,50m. Il y a 10-12 personnes dans 5,50m par 11-12m de large. L’arbitre ne peut pas tout voir", explique celui qui a déménagé avec Franck Haise sur la Côte d'Azur l'été dernier. "C’est fait avec une grande intelligence. Le joueur se retourne comme s'il s’occupait du ballon mais il sait très bien qu’il va dans la zone du gardien et l’empêche d’agir. C’est la preuve que c’est réfléchi."
Les carences du PSG
Si les coups de pied arrêtés constituent une arme de prédilection pour Arsenal, il est très loin d'en être de même pour son adversaire du jour, le Paris Saint-Germain. Le club de la capitale affiche à l’inverse de vraies carences dans ce secteur de jeu depuis plusieurs saisons. Selon le statisticien Opta, Paris est l'équipe de Ligue 1 qui encaisse le plus de buts sur coups de pied arrêtés (corner, coup-franc direct, indirect...) depuis la saison 2020-2021. Un point noir clairement identifié par les adversaires du club de la capitale.
Conscient de cette faille, le Paris Saint-Germain n’est pourtant jamais parvenu à la combler. Que ce soit avec Unaï Emery ou plus tard avec Christophe Galtier et encore aujourd’hui, depuis que l’équipe est entraînée par Luis Enrique, le PSG demeure désespérément friable. Les Parisiens ont souvent tendance à subir les coups de pied arrêtés défensifs, par manque de concentration ou d’investissement notamment.
"Malheureusement, entre les alignements défensifs du PSG et leur gardien, parfois, il y a un gap qui est monstrueux dans lequel pourrait s’engouffrer Arsenal", anticipe Christophe Lollichon.
"Toutes les équipes ont des points à améliorer. C'est vrai que nous ne sommes pas très performants sur les coups de pied arrêtés", admettait Luis Enrique au soir de l’élimination face au Borussia Dortmund en demi-finale de la Ligue des champions 2023-2024. "Chacun joue avec ses armes", a encore assumé en août le coach asturien, un dogmatique de la possession qui privilégie le contrôle absolu du jeu.
"Luis Enrique pense peut-être que c’est essentiellement par le jeu qu’il va dominer son adversaire et qu’il a peut-être tendance comme certains le pensent pour les penalties que c’est la fameuse loterie", imagine Christophe Lollichon. Auquel cas, le PSG s’avance vers de sérieux problèmes, croit celui qui a accompagné l’évolution de Petr Cech, des premiers pas du gardien tchèque.
Safonov plutôt que Donnarumma?
"Les coups de pied arrêtés, ça s’observe, ça se prépare. J’ose espérer que c’est disséqué, qu’ils ne vont pas simplement regarder les derniers corners mais d’autres mis en place par Nicolas Jover", poursuit le spécialiste des gardiens, qui a rejoint le staff de l'USLD la saison dernière.
Gianluigi Donnarumma aura constaté qu’il ne pourra se permettre de rester statique sur sa ligne, sous peine de subir et de fragiliser son équipe, peu pourvue en spécialistes. L’Italien n’est pas le plus téméraire des gardiens de buts malgré un gabarit qui pourrait apparaître dissuasif pour les joueurs tentés de venir se frotter à lui. Et les joueurs d’Arsenal n’hésiteront pas à le faire.
"Non seulement Paris a l’air de subir les coups de pied arrêtés, mais le club parisien a en plus un gardien qui ne sent pas les choses. Il n’est pas proactif du tout", explique Christophe Lollichon.
Touché à la cuisse droite il y a quinze jours, Gianluigi Donnarumma a cédé sa place au Russe Matvey Safonov pour les deux derniers matchs de Ligue 1, contre Reims (1-1) et le Stade Rennais (3-1). Dans ce contexte, l’ancien portier de Krasnodar doit-il enchaîner malgré la présence dans le groupe du titulaire?
"Je pense qu’il est plus interventionniste sur les coups de pied arrêtés. Pour l’avoir observé à l’époque où il était à Krasnodar il est beaucoup plus interventionniste que Gianluigi Donnarumma. Il a une très bonne appréciation de trajectoire et il va très vite dès lors qu’il a pris la décision", constate Lollichon, qui note "un gros gain de vitesse" en comparaison. "Ça peut être intéressant."