OM 93 - Bernard Tapie : « On était sûr de gagner »

Bernard Tapie - -
Bernard Tapie, Basile Boli doit sortir et marque finalement le seul but de la finale face au Milan AC parce que vous parvenez à le convaincre. Racontez-nous…
Je ne le convaincs pas. L’histoire est plus belle. Il se roule de douleur. On est à 7 ou 8 minutes de la mi-temps. On se dit qu’on va attendre. Je vois Goethals qui s’agite, je prends alors le talkie et je dis à Bernès : « il n’est pas question qu’il sorte ». Et là, il y a Völler qui va vers Goethals et lui hurle de changer. Goethals ne sait pas que le talkie est ouvert et gueule : « mais c’est l’autre con qui ne veut pas ». (Rires) L’autre con, c’était moi. Trois minutes plus tard, il met la tête. A la mi-temps, je lui demande s’il sort et il me répond : « ça va mieux, ça va mieux… »
Cette finale, ce sont également les larmes de Basile Boli…
Sa douleur, c’est sa défaite de Bari (en finale en 1991, ndlr). En début de match, on est dominé. Il pense revivre une deuxième fois Bari et je pense qu’il a mal intérieurement. Il somatise. C’est son âme qui lui dit : « sort avant que cela soit trop tard ».
La semaine est fantastique puisque le week-end suivant, vous battez le PSG avec un but incroyable de ce même Boli…
L’action part de lui. Ça fait Durand, Pelé, Boli et la balle ne touche pas terre. Il s’en va à l’horizontal et bam ! On avait fait tellement la fête les trois jours avant qu’on y va dans le brouillard. On en prend un et derrière, c’est parti. C’est le rouleau compresseur. Mais c’était ça, cette équipe. La meilleure équipe est celle qui a gagné. Sur le papier, la plus belle, c’est celle de Benfica (en demi-finale de la Coupe d’Europe des clubs champions en 1990, ndlr), mais on gagne en 1993 !
Quel enseignement de 1991 avez-vous tiré ?
On n’avait aucune expérience à l’époque. Si on ne l’a pas vécu, on tâtonne. Je fais une connerie en 1991. On était supérieur à l’Etoile rouge et je ferme pratiquement l’hôtel. Je ne veux pas être emmerdé. On vit dans un bunker. Au lieu de ça, je mets les mecs dans le rouge. Ils sont à 140%. En 1993, je fais venir les femmes dans les chambres, on fait un tennis ballon… Les joueurs voient ce que les dirigeants ressentent. Ils te regardent et voient ce que tu ressens. C’est la part de responsabilité d’un taulier qui se trompe par manque d’expérience.
Tomber sur l’OM n’était-il pas le pire pour l’AC Milan ?
On était absolument sûr de gagner. Aucun de nous n’avait de doute. Il n’y a pas eu de panique malgré les premières actions. J’avais mis Abedi Pelé au marquage de Maldini. Tout le monde m’avait pris pour un cinglé. Mais c’était le plus grand danger à mon sens. Tout comme Baresi. Du coup, tout le début du match, c’est un coup Boksic, un coup Völler qui y va. Des démarrages de 30 mètres. Si on regarde les images, il avale le sifflet à la 50e minute. Baresi n’a pas pu monter une fois. Il n’avait plus de gaz.
Est-ce votre plus belle semaine dans le football ?
De loin. Mais j’ai eu des moments de sport que je mets presque à égalité. Le premier titre avec Marseille était sublimissime (1989, ndlr). On venait d’arriver. L’élimination du match aller-retour contre le Milan AC alors qu’on est mené au bout de 6 minutes (en 1991, ndlr) également… C’était dément. Mais celle-là, c’est le lendemain. On se pose à Marignane. Tout le long de la route, il y avait des gens. Ça se chiffre en centaine de milliers. Je ne parle même pas de l’arrivée au Vélodrome. Quand on voit qu’on a fait plaisir à tous ces gens-là, on sait qu’on reste dans la mémoire.
A l’issue du match à Munich en 1993, vous qui êtes si fort, vous avez craqué…
Tu ne peux pas. C’est impossible de résister.
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