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Salzbourg-Brest: "Énerver et émerveiller en même temps", Miossec se délecte du parcours brestois en Ligue des champions

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Après avoir annulé sa tournée de concerts pour raison de santé en 2024, Christophe Miossec espère retrouver la scène en 2025. Auteur de 12 albums studios, celui qui fêtera ses 60 ans en décembre avait, dès son premier opus Boire en 1995, intégré un morceau intitulé Évoluer en 3e division. Presque trente ans plus tard, le chanteur voit avec plaisir son équipe favorite, le Stade Brestois, évoluer en Ligue des Champions.

Avez-vous réussi à suivre ce premier match de Brest et cette première victoire face à Sturm Graz?

Non, je ne l'ai pas vu. Ça tombait pile poil quand il ne fallait pas. Tout le monde est quand même plutôt emballé par ce match, non? On s'est tellement fait peur en début de saison. C'était terrible, la douche froide. On s'est dit, c'est l'enfer qui commence avec le match contre Marseille (1-5). J'ai l'impression qu'avec le calendrier et les recrues qu'on a, fin novembre, on peut être bien classé en championnat.

Vous n’allez pas souvent au stade?

C'est un truc individuel, un truc de foule, et puis d'être un petit chanteur local... Ça peut être très simple pour certaines personnes, pour moi ça l'est moins. Les coqs de village, je n'aime pas ça, l'impression de se pavaner... Mais normalement je dois aller à Guingamp pour le match contre Leverkusen.

Dans le Kop vous passeriez plus discrètement?

Ça va faire marrer des gens, ce qui est cool, mais non... Aller faire l'intéressant, ce n’est pas l'idée que je me fais de la vie.

Vous n’étiez pas très emballé à l'idée de voir Brest jouer à Roudourou. Est-ce que la pilule est digérée?

Oui, il faut s'y faire, même si c'est... Ça fait quand même tout bizarre. Mais on ne va pas faire les bégueules arrivés à ce niveau. Et puis vu qu'on sera au Stade de France dans pas longtemps! (Denis Le Saint, président du Stade Brestois a annoncé avoir rêvé de jouer le barrage au Stade de France si le club se qualifiait, NDLR) C'est assez dingo, ça serait fabuleux. C'est vrai que Paris, c'est la deuxième ville bretonne et la communauté brestoise y est très importante.

Depuis quand suivez-vous le Stade Brestois?

C'est depuis que je suis tout gamin, adolescent, et même avant. Suivre le Stade Brestois allait de soi. Même quand je n'étais pas en France, je suis toujours resté connecté au club.

Vous avez joué au foot?

Oui, en corpo. C'était assez drôle. J’avais 20-21 balais. C'était le Club Loisirs Action Jeunesse, le club d'éducateurs sportifs à Brest dans le quartier Bellevue. Du coup, c'était un assemblage hétéroclite. Enfin, il y avait vraiment tout. Il y avait l'éducateur social, il y avait du voyou, il y avait du punk et du baba cool, évidemment. C'était très drôle, physiquement, de voir cette équipe. Et puis, j'ai joué au foot à La Réunion. Là, tout d'un coup, c'était un autre jeu.

Vous jouiez à quel poste? Plutôt à gauche j’imagine pour une cohérence politique?

Ah non, j'étais arrière droit, justement, pour déjouer les pronostics (rires). Arrière-droit parce que je ne suis pas un très bon footballeur, mais j'avais du physique et de la vitesse. Donc je compensais beaucoup.

Vous avez le sentiment que musique et foot sont les seuls langages universels?

Oui, voilà. Là, je suis arrivé à l'âge où je fais de la musique. Mais oui, c'est vrai que c'est fabuleux. J'ai joué au foot un peu partout dans le monde. Si j'y repense bien, au cours de voyages ou de pérégrinations, donc c'est fabuleux. C'est vrai qu'il y a des personnages, c'est un jeu de rôle. C'est un grand théâtre, en fait, avec plein de personnages mythiques, des vivants, des morts. Il y a de tout.

En 2018 vous disiez "j'aime bien voir Brest se battre avec les meilleurs de la Ligue 2", la Ligue 1 n’était pas un rêve et voilà votre équipe en Ligue des champions. Comment vivez-vous cette évolution folle?

Et le pire, c'est que c'est un parcours mérité. On n'est pas en Ligue des champions par hasard, comme ça, ou soudainement, parce que le championnat de France serait devenu si mauvais qu'on puisse se qualifier. Non, les matchs de Brest, c'était vraiment remarquable l'année dernière. C'était du très beau foot.

Et sans star…

Pas avec des stars, mais avec un directeur sportif, Gregory Lorenzi, qui est vraiment pour moi celui qui a fabriqué tout ça. Il est là depuis huit ans sur Brest. Sa façon de recruter est assez exceptionnelle. Il recrute énormément en pensant au vestiaire, au collectif. Et puis on est à Brest, enfin. On est tout au bout. Moi, ça me fait rire, parce l'image de marque qu'on se trimballe, ça évite d'avoir trop de touristes. Et puis vu l'été pourri qu'on a eu, ça ne risque pas de s'améliorer, On est au bout du bout, quoi. Et puis Lorenzi est Corse, il a bien pigé le côté insulaire de Brest. C'est une petite île au bout de la Bretagne

Quel regard portez-vous sur le travail du coach Éric Roy?

C'est comme avec Lorenzi. Ça tient vraiment de la psychologie d'ensemble. Enfin, c'est un terme qu’emploie assez souvent Éric Roy. C'est un sport collectif le foot, c'est quand même ça qui est le plus important. Et c'est vrai qu'Éric Roy se coule à merveille dans ce cadre-là. Et puis c'est Lorenzi qui est allé choisir Éric Roy. Il fallait le faire. Personne n'aurait cru que ça pourrait donner ça. Quand il a failli quitter le Stade Brestois au mois d'août, j'ai dit, merde, c'est la fin de l'aventure, parce que c'est quand même lui qui l'a construit.

Grégory Lorenzi c'est la clé de voûte?

Oui, c'est lui qui fait en sorte que tout puisse se passer comme ça. Le mercato était encore dingue cette année avec cinq recrues la dernière journée. Et vu ce que donnent les recrues pour l'instant, c'est bien senti.

Le passage de la Ligue 2 à la Ligue des champions en quelques années, un projet de nouveau stade... Brest s'embourgeoise?

Brest ne peut pas s'embourgeoiser. Comme le dit Denis Le Saint, le propriétaire et principal actionnaire, ce n'est pas un outil financier. À Brest, il y a plusieurs centaines de sponsors. Et puis Brest n'est pas une ville bourgeoise. Il n’y a jamais eu de bourgeoisie à Brest. C'est l'Arsenal, la Marine nationale, mais on n’a jamais eu de grandes industries. On n'a jamais fait de traite de l'esclavage non plus. Donc, on n'est pas comme Nantes, Rennes ou Bordeaux... On est une ville ouvrière.

Le dossier du nouveau stade fait quelques remous avec ceux qui souhaiteraient rester à Le Blé. Vous seriez partisan de quel projet?

Moi, je suis sur la veine écolo. C'est évident. C'est surtout au niveau de l'esthétique et de l'esprit. Le stade dans la ville, c'est tellement plus beau qu'une grosse créature comme ça... Vu l’architecture, non, je n'aime pas. Le stade dans la ville c'est fabuleux, voir les gens qui arrivent à pied...

Le Stade Brestois perdrait un peu son âme en quittant Le Blé? Comme quand le FC Nantes par exemple a mis du temps à faire son deuil du stade Marcel Saupin en rejoignant La Beaujoire?

Il n’y avait plus Marcel, quoi. Et là, il n’y aura plus Francis. L'âme brestoise... Je ne sais pas trop. C'est vrai que le danger d'embourgeoisement à l'anglaise, ça peut être un peu effrayant. Mais ça ne risque pas d'arriver ici. Enfin je ne pense pas, en tout cas.

Au-delà du collectif, est-ce qu'il y a dans cette équipe des joueurs pour lesquels vous avez une affection particulière par leur jeu, leur caractère, ce qu'ils dégagent?

Brendan Chardonnet, c'est un peu l'image de cette équipe. C'est le local de l'étape. Il y a son maillot dans le bistrot à côté de chez moi. Il reflète bien, dans son jeu, l'état d'esprit du coin. Et puis il y a Pierre Lees-Melou qui est vraiment "le joueur". C’est lui qui a permis un peu toute cette aventure et qui est toujours blessé. Enfin, je touche du bois, mais j'espère qu'il va revenir. En début de saison, on voit qu'il y a un manque terrible du fait qu'il ne soit pas là.

Et le joueur mythique dans l'histoire du club?

Ah, c'est Bruno Grougi! Parce qu'il y est toujours... Déjà, quand il était joueur les Brestois sont tombés sous le charme et lui pareil. Il est resté ici. Il a demandé à sa famille. Ils sont Martiniquais, c'est chouette de demander à sa famille de savoir si on bouge ou pas.

Imaginer Brest aller gagner à Salzbourg et avec deux victoires consécutives être en tête du classement de la Ligue des champions, ça serait quand même un sacré pied de nez à l'Europe et aux grosses cylindrées?

Au niveau de la morale, ça serait dingue. Si on gagnait ce deuxième match-là, c'est vrai que ça serait comme l’année dernière, une capacité d'énerver et d'émerveiller en même temps. Moi, j'y crois, il n'y a aucun souci.

Pierre-Yves Leroux