Zagreb-Lyon : l’Ajax relance la polémique

La victoire de Gomis et des Lyonnais n'a pas fini de faire des vagues - -
On pensait l’affaire close, mais l’Ajax Amsterdam en a décidé autrement. Le club néerlandais a annoncé jeudi dans la soirée son intention de saisir l’UEFA pour des « soupçons de corruption » au lendemain de la victoire fleuve de Lyon à Zagreb (7-1), qui, conjuguée à la défaite de l’Ajax face au Real Madrid (3-0), éliminait l’équipe de Frank De Boer des 8e de finale de la Ligue des champions. « Cela ne donnera peut-être rien mais on veut que l’UEFA réagisse, nous voulons des éclaircissements », a expliqué la direction du club au journal De Telegraaf.
Un coup de théâtre alors que la polémique semblait avoir fait pschitt moins de 24 heures après ce qui est entré dans les annales de l’UEFA comme la deuxième plus large victoire à l’extérieur de l’histoire de la Ligue des champions. A Nyon, l’UEFA avait pondu un peu plus tôt un communiqué qui avait valeur de classement de l’affaire. « Pour le moment, (notre système de surveillance) n'a montré aucun mouvement de pari illégal justifiant une enquête », affirmait dans un communiqué l’instance européenne, par ailleurs organisatrice de l’événement. Même son de cloche du côté de l’autorité de régulation des jeux en ligne en France, l’ARJEL. « Il n’y a pas d’anomalie significative sur le marché français autour du match Zagreb-Lyon. Ni en montants de paris, ni en objets de paris, ni en volume global », confiait son président, Jean-François Vilotte, à RMC Sport.
Gomis revient sur le clin d’œil de Vida
Un double blanc-seing en direction de l’OL qui ne pouvait que réjouir son président. « Sur le terrain, on a vu un vrai combat, a expliqué Jean-Michel Aulas à RMC Sport. Il ne s’est passé qu’un exploit sportif. » L’attaquant Bafetimbi Gomis est revenu sur le clin d’œil du défenseur croate Domagoj Vida après le but de 5-1. Une image largement commentée par les médias espagnols, supposée illustrer la complicité entre les deux équipes sur l’issue du match. « On s’est rencontré deux fois cette année (…), les joueurs de l’Est ont un peu le vice de prendre le ballon. Je veux lui arracher et il me fait un petit clin d’œil pour me dire : ‘tu viens de marquer, laisse-nous un peu récupérer’. Mais de là à dire que le match a été acheté par notre président… » Assez pour éteindre l’incendie allumé par le quotidien madrilène As notamment ? « La réaction des Espagnols n’est rien d’autre qu’une réponse du berger à la bergère après les propos de Yannick Noah (sur la généralisation du dopage en Espagne) », a déclaré Aulas.
Tout le monde était prêt à croire « JMA ». Y compris le Dinamo Zagreb, qui dans un communiqué offusqué, estimait dans la soirée « scandaleux et malveillants » les soupçons de corruption. « Une meilleure équipe avec un joueur en plus (le Dinamo a joué à 10 les deux-tiers du match après l’expulsion de Leko, ndlr) a gagné et s’est qualifiée », poursuit le texte avant de conclure : « Nous demandons aux médias d’arrêter de spéculer sur un sujet humiliant pour la réputation de notre club. Dans le cas contraire, le Dinamo se réserve le droit de poursuivre en justice ceux qui ne respecteront pas ses droits. » Pas suffisant convaincant pour l’Ajax, qui souhaite visiblement en savoir plus.
L'Ajax énerve Aulas
Le club néerlandais pourrait toutefois se heurter aux délais de l'UEFA. L'Ajax a jusqu'à 24 heures après la fin du match pour porter réclamation, sauf cas exceptionnel. La demande du club néerlandais peut aussi arriver à l'UEFA sans que celle-ci ne décide d'ouvrir une enquête. Une enquête peut également être ouverte si le rapport des arbitres, transmis sous 48 heures après le match, fait état de « quelque chose de suspect. » En début de soirée, ce jeudi, l'UEFA n'avait encore rien reçu.
Ce jeudi soir, c’est l’Olympique Lyonnais qui a répondu au camp néerlandais. Face à l’insistance des dirigeants bataves, l’OL a réagi avec une certaine irritation. Et menacé d’attaquer le club pour diffamation ou atteinte à l’image. « Blessé par sa défaite et son élimination, le club d'Amsterdam tente d'en trouver l'explication chez les autres - en témoignent les désolantes déclarations de ses dirigeants rapportées par une dépêche d'agence - en vertu de la théorie du complot, ou pire du trucage voire de la corruption, a déclaré l'OL dans un communiqué. Ceci est injurieux et inacceptable pour l'OL, ses joueurs, ses supporters et le public en général. Libre à l'Ajax de solliciter toutes les vérifications du monde, mais le club néerlandais doit savoir que l'Olympique Lyonnais défendra par tous les moyens de droit, jusqu'à la réparation adéquate du préjudice qui lui serait causé, toute insinuation à caractère diffamatoire comme toute atteinte à son honneur et à l'intégrité de son équipe sportive, de son staff et de ses dirigeants. » La température autour de ce dossier est encore montée d’un cran.
Le titre de l'encadré ici
Pas de paris suspects… en France |||
« En France, on n’a pas vu de mouvement de paris sportifs suspects. En revanche, à l’étranger, on peut y penser, en particulier sur les bourses de parieurs. » L’analyse est de Benoit Sauzeau, responsable des paris sportifs chez Ludwin, consultant auprès d’opérateurs et interlocuteur régulier du gendarme français des paris en ligne, l’ARJEL. Zagreb-Lyon et son score historique en faveur de l’OL (1-7) a très tôt été retiré par les opérateurs classiques, mais a fait le bonheur de sociétés comme Betfair en Angleterre, avant d’être à son tour fermé. Outre-Manche, les parieurs ont joué des scores et à un certain moment de la soirée les cotes ont atteint plusieurs dizaines, voire centaines contre un. « Ces paris sont très populaires en Angleterre (mais interdits en France, NDLR) y compris dans le cadre de matches suspects », poursuit Sauzeau, interrogé par RMC Sport. En dehors du champ radar de l’ARJEL, ces mouvements sont en revanche du ressort de l’UEFA et de ses services de surveillance. C’est la raison pour laquelle l’ARJEL a transmis ses informations à l’instance du football européen. Impossible en revanche d’avoir quelque information que ce soit pour l’instant sur d’éventuels paris suspects sur d’autres continents « sensibles », comme l’Asie. L.C.