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Neal Maupay raconte sa renaissance en Angleterre: "Ici, il ne suffit pas de tomber pour avoir une faute"

Neal Maupay

Neal Maupay - AFP

Lancé par l’OGC Nice chez les pros à tout juste 16 ans, Neal Maupay a ensuite connu des hauts et des bas en France. Transféré à Saint-Etienne en 2015, prêté à Brest un an plus tard, l’attaquant a décidé en 2017 de faire ses valises et de tenter sa chance en Championship, libéré de son étiquette de surdoué, de sa réputation. Après une première saison d’apprentissage, le voilà qui cartonne avec Brentford. Interview.

Les cheveux ont été coupés, les épaules ont gonflé, et une fine barbe recouvre désormais le visage juvénile que la France du football avait découvert un jour de septembre 2012. Neal Maupay n’a que 22 ans, mais il ne reste plus grand chose du gamin niçois, celui qui avait fait ses grands débuts chez les pros à seulement 16 ans. Après plusieurs saisons en dents de scie dans l’Hexagone, et un transfert compliqué à Saint-Etienne, l’ancienne pépite du centre de formation des Aiglons a décidé de traverser la Manche à l’été 2017, pour s’engager avec Brentford, discrète formation de Championship. Un nouveau pays, un nouveau championnat et un nouveau Maupay: pour sa deuxième saison dans l’antichambre de la Premier League, le Franco-Argentin affole les compteurs, et squatte, avec 17 réalisations, le classement des meilleurs buteurs. De quoi susciter l’intérêt de clubs un peu plus huppés…

Il est assez rare de voir des Français en haut du classement des meilleurs buteurs en Championship. Comment vous expliquez cette folle saison?

NEAL MAUPAY. C’est ma deuxième saison ici. L’année dernière, j’ai eu le temps de m’adapter à ce championnat, à un autre football, un autre club, un autre environnement. Je suis dans la continuité de ce que j’ai fait l’an passé. J’ai la confiance de mes coéquipiers, du staff… Et puis je pense que physiquement, je me suis adapté aux exigences de ce championnat. Ça me permet de pleinement m’épanouir cette saison.

Quand vous parlez d’adaptation physique, vous voulez dire que vous vous êtes étoffé?

Oui, tout à fait, j’ai dû m’étoffer physiquement parce que c’est un championnat très physique. Même s’il y a de la qualité technique, de très bons joueurs, on sait que les gars ici n’hésitent pas à mettre de l’impact. Les arbitres laissent beaucoup jouer aussi, ce qui permet d’avoir des matchs très rythmés. Et puis à côté de ça, il faut apprendre à encaisser le nombre de matchs: le Championship, c’est 24 équipes, donc 46 matchs de championnat (sans compter les playoffs, ndlr), plus les coupes… Donc en fait, on joue tous les trois jours, même à Noël avec le Boxing Day. On n’a pas de période de repos et c’est ce qui est compliqué la première année.

Le Championship a la réputation d’une division très rugueuse. C’est justifié?

C’est un peu le cas, oui. Les défenseurs n’hésitent pas à mettre le pied, à s’engager pleinement (il rit). Mais attention, quand ils vont au duel, ils veulent jouer le ballon, il n’y a pas d’intention de faire mal. Et comme je le disais, les arbitres laissent jouer, eux aussi aiment cette intensité. C’est ce que je trouve attrayant dans ce championnat, parfois ça joue 3 ou 4 minutes sans s’arrêter. Il ne suffit pas de tomber pour avoir une faute.

Est-ce que vous avez ressenti une appréhension en signant à Brentford?

Je ne dirais pas que c’était de l’appréhension, mais je ne savais pas du tout où je mettais les pieds. Je ne connaissais pas la ligue, le club, tout était nouveau. Je sortais d’une saison à Brest où j’avais énormément joué (11 buts en L2 en 2016-17, ndlr). Et j’étais en quête d’un club qui me ferait à nouveau confiance et me donnerait du temps de jeu. J’avais 20 ans en débarquant ici, et je voulais jouer, tout simplement. Les dirigeants de Brentford m’ont fait comprendre qu’ils me voulaient réellement. Je savais que j’allais être sur le terrain.

Il n’y avait pas d’autres challenges à relever en France?

J’avais des pistes en France, si, mais c’était toujours le même discours, c’est-à-dire qu’on allait me prendre mais qu’on verrait si je serais suffisamment bon pour jouer… C’était toujours pour être numéro 2 ou numéro 3, à devoir me battre pour gratter des bouts de matchs. C’est ce que je faisais depuis que j’avais découvert la Ligue 1 et je n’avais pas envie de revivre ça une année de plus. Je n’étais pas épanoui. A Saint-Etienne, le nouveau coach, Oscar Garcia, m’avait dit qu’il m’aimait bien, mais quand je lui ai expliqué que je voulais enchaîner les matchs, il a compris que mon intérêt était de partir.

Et Brentford, c’est quel genre de club?

Brentford, c’est juste à l’ouest de Londres, à un quart d’heure du centre touristique. C’est un petit club en Championship, ce n’est pas une grosse machine avec d’énormes moyens comme Middlesbrough, Aston Villa ou Leeds. C’est un club qui veut faire les choses proprement. Il y a cinq ans, ils étaient en League One (3e division), ils ont progressé saison après saison. Et le projet de jeu est séduisant: les coachs passés à Brentford ont toujours prôné le beau jeu. Si vous regardez notre équipe par rapport aux autres, on n’a pas de grands gabarits, on essaye de jouer au ballon. On est aussi l’une des équipes les plus jeunes de la division.

Et l’ambiance?

On a un vrai stade à l’anglaise, qui n’a pas une grande capacité – 13.000 ou 14.000 places, je crois – mais qui est tout le temps plein, en semaine comme le week-end. Franchement, on sent la ferveur, on sent que les supporters aiment le club. Et à l’extérieur, on joue parfois devant 30.000 personnes. Même en France, ce n’est pas quelque chose que vous vivez si souvent.

Vous estimez avoir beaucoup évolué en une saison et demie?

Enormément, oui. Je sens que je progresse de match en match, que je suis beaucoup plus complet qu’avant. Quand vous commencez dans le monde pro, il vous faut du temps pour comprendre comment apporter à une équipe. Je me suis remis en question, j’ai travaillé sur mes qualités, et aussi sur mes faiblesses.

Qu’est-ce qui vous a manqué pour vous imposer en France?

Comme j’ai commencé très tôt, je pense que la plupart des clubs me voyaient comme une star potentielle. Ça m’a un peu desservi, parce que je ne connaissais pas bien le foot, j’étais tout jeune, pas tout à fait prêt. Peut-être qu’on m’en a trop demandé, on attendait trop de moi, et on ne m’a pas laissé le temps. Mais je reste fier de mon parcours.

Le fait d’être lancé aussi jeune dans le grand bain n’a donc pas été une bonne chose?

Peut-être que ça ne m’a pas aidé, en effet. Après, j’en reste super fier comme je le disais, j’ai réussi à jouer en Ligue 1 à 16 ans, à être performant dès ma première saison (il est le 2e buteur le plus jeune de l’histoire du championnat de France, derrière Laurent Roussey). Ça restera gravé. Mais peut-être que si j’avais eu plus de temps pour me développer, j’aurais fait certaines choses différemment… Mais bon, on ne peut jamais savoir. Ça s’est passé comme ça, et j’ai réussi à rebondir ensuite.

Et vous avez déjà sept saisons pro au compteur à 22 ans…

Voilà. Je suis dans le monde pro depuis mes 16 ans, et cette expérience acquise, même si j’étais sur le banc parfois, elle reste en moi. Je n’ai que 22 ans, mais je comprends les choses parce que ça fait quelques années que je suis dans le foot.

Votre statut a changé en Angleterre?

Vous savez, les Anglais adorent leurs championnats. Ils regardent énormément le Championship, et même la League One, ils connaissent bien les joueurs. Alors quand vous êtes performant dans ces divisions-là, les clubs vous observent… Je sens que je suis plus respecté maintenant. Les clubs me connaissent, les défenseurs adverses me connaissent, et essayent même de s’adapter à mon style. Ça fait plaisir.

Quels sont vos objectifs à court terme? Jouer la montée avec Brentford? Taper à la porte de la Premier League?

Quand je suis arrivé à Brentford, c’était un club en pleine ascension, qui visait la montée. La saison dernière, on a fini à 6 points des playoffs, et là on était deuxième derrière Leeds jusqu’au mois d'octobre et le départ de notre coach pour Aston Villa. On a eu une grosse période de creux ensuite qui nous a fait descendre au classement, mais à l’heure actuelle on remonte. Mon objectif premier, c’est donc d’emmener Brentford en playoffs et de jouer la montée. Après, si je continue de marquer, je ne me mets aucune barrière. Il y a eu des rumeurs cet hiver, mais je voulais finir la saison ici. On verra cet été pour la suite. Pourquoi ne pas jouer dans une équipe de Premier League?

Clément Chaillou