Progression des joueurs, calendrier, génétique... Un médecin explique "l'épidémie" de ruptures des ligaments croisés chez les joueurs pros

Alidu Seidu victime d'une rupture du ligament croisé du genou gauche lors du match de Ligue 1 entre Rennes et Lille - le 24/11/2024 - Philippe Lecoeur/FEP/Icon Sport
Pas un mois (une semaine?) ne se passe sans qu'un footballeur d'un grand championnat européen ne soit victime d'une rupture des ligaments croisés, qui l'éloigne des compétitions plusieurs mois, à l'image de Lucas Hernandez de retour mardi soir avec le PSG après six mois d'absence. Les derniers en date en Europe: le Rennais Alidu Seidu ou encore le Ballon d'or Rodri (Manchester City), qui s'est gravement blessé fin septembre, après avoir publiquement dénoncé l'accroissement du nombre de matches par saison.
Mais l'augmentation du nombre de ruptures des ligaments croisés dans le foot s'explique-t-elle par la surcharge du calendrier ? Pour en savoir plus, le média espagnol AS est allé interroger le médecin, Kevin R. Stone, un des spécialistes renommés du genou dans le monde. Pour lui, "il y a plein de raisons qui expliquent leur augmentation et le calendrier peut être l'une d'elles, mais ce n'est pas la raison principale".
"Les attaquants changent de plus en plus vite de direction"
Selon lui, le niveau des footballeurs actuels de plus en plus élevé est l'une des autres explications: "Nous, qui étudions la question, passons beaucoup de temps à chercher les explications et surtout, une manière de les prévenir. Mais la nature même du football, ce qui fait sa beauté, fait que c'est impossible: les footballeurs sont meilleurs et de plus en plus puissants. Les attaquants changent de plus en plus vite de direction sur le terrain, avec plus de talent. Ils vont beaucoup plus loin que ceux que nous, les mortels, pouvons faire."
Le médecin interrogé par AS l'explique simplement par le fait que "plus vite le footballeur change de direction sur un dribble, plus le ligament qui relie le fémur et le tibia est exposé à cette force". "Nous, les médecins, savons qu'au fur et à mesure que les joueurs deviennent de plus en plus forts et rapides, leurs mouvements sont 'moins naturels'. Et le ligament, qui n'est pas habitué à cela, soufre. Souvent la rotule aussi", ajoute-t-il.
Une prévention "génétique"
Malheureusement pour les sportifs, il n'y aurait pas de prévention particulière, estime Kevin R. Stone. "On dit que si les muscles autour, par exemple ceux de la cuisse, sont plus puissants, il y aura moins de blessures et de lésions. Mais ce n'est pas mathématique, évidemment. Pourquoi les skieurs, qui ont ces muscles plus développés que personne, continuent de souffrir de ruptures du ligament croisé? Il y a une prévention qu'on peut qualifier de 'génétique'."
Il ajoute qu'un changement des règles du jeu a permis de réduire les ruptures des ligaments croisés dans le football américain (sur les plaquages) mais cette règle pourrait-elle voir le jour en Europe? Impossible, selon lui. "La beauté du football réside dans la rapidité et le génie balle aux pieds", souligne-t-il, ajoutant que l'on n'est pas en mesure d'affirmer qu'une pelouse synthétique serait mieux ou moins bien qu'un gazon naturel pour les genoux.
Des ligaments d'animaux comme solution ?
Alors que faire une fois que la blessure est là et qu'une prévention n'est plus possible ? "C'est une tragédie de devoir enlever une partie du genou à un sportif pour le reconstruire. Aujourd'hui, lorsque le ligament croisé antérieur se déchire, il faut extraire une partie du tendon rotulien, de son quadriceps et parfois de ses muscles ischio-jambiers pour le reconstruire. On préférerait toujours le faire avec le tissu d'un donneur mais le nombre de tissus de donneurs jeunes et sains est très variable et difficile en Europe."
Kevin R. Stone développe un projet, "actuellement en stand-by", qui consisterait en l'utilisation de ligaments d'animaux, et notamment de porc, pour réparer les ruptures des ligaments croisés. "Les porcs sont des animaux sains mais le problème, c'est qu'ils ont, comme tous les animaux, un antigène spécifique que les humains n'ont pas et il y a une forme de rejet lorsqu'on les transplante. C'est pour cela qu'on est en train de créer une technique pour supprimer cet antigène et en quelque sorte 'humaniser' les tissus animaux."