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"Projets Mbappé" dans le foot amateur: "Utiliser son enfant pour gagner de l’argent m’attriste", le monde pro alerté par les dérives

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DOSSIER RMC SPORT - Alors que les éducateurs des clubs amateurs ont tiré le signal d’alarme pour dénoncer les comportements agressifs de parents qui veulent faire de leur enfant le futur crack du football mondial, le monde professionnel s’est emparé du sujet et réagit pour RMC Sport.

"Moi j’ai eu la chance que mon papa soit toujours resté dans son coin et tant mieux pour moi." Samuel Gigot, le capitaine de l’Olympique de Marseille, est apparu marqué par le sujet quand on lui a posé la question des parents agressifs sur les bords des terrains.

"Les enfants doivent prendre du plaisir, poursuit le défenseur central. Ils doivent s’amuser sur le terrain, c’est ça le plus important. Il ne faut pas trop leurs monter la tête et leurs faire croire que ce seront les futurs Mbappé. Il faut les laisser grandir à leur rythme, qu’ils profitent. Il y a un coach, il est là pour décider. C’est dommage et regrettable d’avoir ce genre d’attitude en tant que parents."

Les joueurs professionnels sont passés par là. L’enjeu d’un contrat et les sommes associées à une telle signature peuvent rendre fou. Difficile de garder les pieds sur terre quand l’avenir d’une famille peut être assurée par son enfant. "Utiliser son enfant pour gagner de l’argent m’attriste, souffle l’entraineur de Lyon et ancien éducateur dans les catégories jeunes Pierre Sage. Le foot est un jeu et il ne faut pas oublier ça quand on devient adulte."

"Un papa m’a envoyé un message pour son fils de 5 ans"

La réussite de son enfant devient une obsession pour certains parents. Les agents de joueurs sont démarchés de plus en plus tôt, souvent harcelés pour s’intéresser à un enfant. "On reçoit énormément de messages, de mails voire de vidéos de parents pour leurs enfants de plus en plus jeunes", confie l’agent Jennifer Mendelewitsch. Ils nous sollicitent pour qu’on aille voir leurs enfants jouer."

"J’ai eu le cas d’un papa qui m’a envoyé un message pour son fils de 5 ans en me disant qu’il suivait des entraînements spécifiques en plus de ceux de son club, que c’était un joueur à surveiller", poursuit-elle. Certains vivent leur rêve et leur passion à travers leurs enfants, d’autres sont persuadés qu’il faut arriver de plus en plus tôt au haut niveau parce que les jeunes jouent désormais rapidement en équipe première.

"Mais ça fait des années que c'est le cas, analyse le manager de Lens Franck Haise. Ça s'accentue peut-être un peu plus parce que tout le monde est de plus en plus vindicatif. Ce qui compte dans la réussite d'un club et d'un jeune joueur, c'est quand les gens sont alignés. Dans ce cas, il y a des chances que ça fonctionne bien." Les professionnels du monde du foot sont désormais régulièrement démarchés par les parents.  

"J’espère que les parents prendront conscience"

Le "Projet Mbappé" revient dans toutes les discussions. Être capable d’encadrer au mieux son enfant pour qu’il accède au très haut-niveau. Certains n’hésitent pas : séances spécifiques, entrainements physiques, structure médicale avec médecin ou osthéo. Tout est fait pour que les jeunes joueurs soient performants au détriment du ressenti des enfants.

"Quand on est au bord des terrains avec les parents, ils sont fous, lâche Mendelewitsch. Ils sont en concurrence avec les autres parents, il faut voir ce qu'on entend sur des matchs de jeunes… Il faut arrêter d'être dans ce défi permanent, de mettre la pression à son fils. Derrière le joueur pense décevoir sa famille et finit très mal dans sa peau." Depuis 3 ans ces comportements s’accentuent.

"J’espère que les parents prendront conscience de tout ça, termine Gigot. C’est à eux de gérer." Surtout que les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2021, seulement 1361 joueurs étaient recensés comme professionnels en France. Si on pousse les calculs, chaque enfant a 0,055% de chance de signer pro. Et même la signature d’un contrat ne garantit pas la réussite, cinq joueurs signés sur six étant libérés avant l’âge de 21 ans. "Il faut une prise de conscience mais on ne tend pas vers ça, conclut Jen Mendelewitsch. Chaque année c’est de pire en pire."

Nicolas Paolorsi