TOUT COMPRENDRE - Pourquoi la Juventus a pris 15 points de pénalité en Italie... pour des fausses plus-values

Avant sa lourde défaite en Serie A face à Naples (5-1) le 13 janvier dernier, la Juventus restait sur une série de huit victoires en championnat, mais une bonne partie des points du club turinois s'est envolée ce vendredi. La Cour d'appel fédérale a prononcé de l'autre côté des Alpes une sanction exceptionnelle de 15 points au classement, applicable avec effet immédiat, dans l'obscure affaire des transferts douteux de la "Vieille Dame". Par ailleurs, plusieurs dirigeants ou ex-dirigeants ont écopé de plusieurs mois de suspension d'activité.
• De quoi la Juventus est-elle accusée?
C'est un stratagème financier qui coûte cher: accusée de réaliser des plus-values artificielles sur les transferts, la Juventus a été condamnée ce vendredi lors d'un second procès en appel. Au printemps dernier, les dirigeants turinois avaient obtenu un double acquittement, en première et seconde instances. Dix autres clubs (Sampdoria, Parme, Empoli...) et tous les dirigeants cités connaissaient alors le même sort.
La justice s'est penchée sur une trentaine de transferts dont le plus marquant est "l'échange" entre Arthur et Miralem Pjanic en 2020 avec le FC Barcelone. Le Brésilien était arrivé pour un montant de 72 millions d'euros (bien plus que sa valeur estimée), signant jusqu'en 2025. Mais lors d'une arrivée, le prix d'achat est étalé sur chaque année de contrat: autrement dit, il ne coûtait sur l'exercice 2020 qu'une grosse dizaine de millions d'euros à la Juve. En revanche, le Bosnien était lui parti pour 60 millions d'euros (bien plus que sa valeur estimée également), soit une plus-value immédiate de 43 millions d'euros inscrite dans les comptes du club. Derrière ce transfert médiatique, d'autres recrutements ont posé aussi question, concernant notamment plusieurs jeunes joueurs.
• Pourquoi la justice ordinaire s'en est mêlée?
Après cette première décision de la justice sportive en faveur de la Juve, la justice ordinaire a mené aussi son enquête. Plusieurs écoutes téléphoniques et perquisitions ont été effectuées, permettant de récolter divers éléments et documents. Sur les bases des nouvelles informations, un nouveau procès s'est ainsi tenu. La justice est même allée au-delà des réquisitions du procureur qui avait préconisé un retrait de neuf points lors de l'audience.
Fin novembre dernier, sous la pression, l'intégralité du conseil d'administration de la Juventus avait démissionné. Plusieurs dirigeants, dont l'ancien président Andrea Agnelli (deux ans de suspension) et son vice-président Pavel Nedved (8 mois), ont écopé aussi d'une sanction. Ancien directeur sportif de la Juventus, parti à Tottenham en juin 2021, Fabio Paratici n'est lui plus en droit d'exercer ses fonctions pendant deux ans et six mois. Il en est de même pour son ancien adjoint, devenu depuis numéro un, Federico Cherubini, qui prend seize mois.
Les enquêteurs ont d'ailleurs trouvé des preuves où Federico Cherubini parlait clairement des arrangements réalisés par Paratici. "C'est beaucoup trop", notait l'ancien adjoint face à une méthode pratiquement institutionnalisée. Deux jours après la démission des dirigeants, ceux-ci étaient inculpés par le parquet de Turin.
• Quel(s) recours pour la Juventus et les dirigeants sanctionnés?
La Juventus a déjà annoncé son intention de faire appel auprès du Comité national olympique italien (CONI), ultime recours. En attente des motivations du jugement, qui doivent arriver sous dix jours, elle a désormais 30 jours pour faire l'appel mais le CONI ne pourra pas réduire la sanction prononcée. Deux options existent: soit la peine sera validée, soit annulée. La situation est identique pour les dirigeants concernés.
En attendant, la Juventus recule très clairement au classement en Serie A, passant de la troisième à la dixième place, avec désormais 22 points, soit à 12 unités de la Lazio Rome, quatrième au classement. Avec la suspension de son directeur sportif, la Juventus va avoir aussi besoin d'un nouveau dirigeant pour ses prochains mercatos si les sanctions se confirment.
• Pourquoi la Juventus risque d'autres sanctions?
D'autres sanctions pourraient encore être prononcées à l'encontre de la Juventus, cette fois en raison de la gestion des salaires pendant la période du Covid en 2020. A l'époque, le club alors dirigé par Agnelli avait choisi de reporter une partie des sommes prévues pour les joueurs. Rien n'avait été clairement écrit en ce sens, laissant plutôt croire que les membres de l'effectif renonceraient à plusieurs mois de salaire.
La justice ordinaire a récupéré des éléments dont une conversation Whatsapp du vestiaire, où le défenseur Giorgio Chiellini demandait à ses coéquipiers de ne pas communiquer sur le sujet car le club était coté en bourse. Les fraudes comptables présumées auraient permis de limiter artificiellement les pertes dans les bilans présentés aux investisseurs entre 2018 et 2021. De son côté, l'UEFA surveille aussi la situation avec son fair-play financier.
Le parquet de Turin a demandé début décembre le renvoi en procès d'Andrea Agnelli et de onze autres ex-dirigeants. Cette demande doit être examinée fin mars. En attendant, la nouvelle direction doit redresser la situation financière inquiétante du club, qui a enregistré des pertes supérieures à 200 millions d'euros ces deux dernières saisons et est aussi surveillé par l'UEFA en raison de ses finances fragiles. En 2006, une autre affaire, celle du "calciopoli" (influence sur les arbitres), avait envoyé la Juventus en deuxième division à la suite d'une relégation administrative, provoquant aussi la perte sur tapis vert des titres de 2005 et 2006.