
Comment les clubs anglais sont en train de plomber le mercato des clubs français
C’est sans aucun doute le plus grand cauchemar d’un président ou directeur sportif: voir un club anglais débarquer dans des négociations. En plein cœur du mercato hivernal, les dirigeants s’activent pour renforcer leur effectif et, dans cette course à l’armement, devoir faire face à de la concurrence fait partie du jeu. Sauf que les dés sont parfois pipés.
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Très récemment, Pablo Longoria et Florian Maurice, respectivement président de l’Olympique de Marseille et directeur sportif du Stade Rennais, en ont fait l’amère expérience. Le premier s’est fait doubler par Arsenal dans le dossier de Leandro Trossard (Brighton). Le deuxième est sur le point de connaître le même sort dans celui d’Arnaut Danjuma (Villarreal), avec cette fois Everton comme bourreau. À chaque fois, la raison est la même: il est impossible de rivaliser avec la puissance financière des clubs anglais.
À titre d’exemple, Arsenal pourrait débourser entre 20 et 25 millions de livres (entre 22,7 et 28,5 millions d’euros) pour s’attacher les services de Trossard. Des montants inatteignables pour l’OM, qui n’a dépensé une telle somme qu’à deux reprises au cours de son histoire: pour Dimitri Payet en 2017 (29 millions d’euros) et Kevin Strootman en 2018 (25 millions). Une toute autre époque, avant que Longoria et son modèle de recrutement basé sur les "bons coups" ne débarquent sur la Canebière.
L'Angleterre a réalisé neuf des dix achats les plus chers depuis le 1er janvier
Les mésaventures de l’OM et de Rennes durant ce mercato hivernal sont deux exemples qui traduisent une réalité: celle d’une Premier League qui ne laisse que des miettes aux autres championnats. Depuis l’ouverture de cette fenêtre des transferts, le 1er janvier dernier, l’Angleterre a réalisé neuf des dix achats les plus onéreux. Entre Mykhailo Mudryk et Benoît Badiashile à Chelsea (70 et 38 millions d’euros), Cody Gakpo à Liverpool (42 millions), Georginio Rutter à Leeds (28 millions) ou encore Dango Ouattara à Bournemouth (27,5 millions d’euros), les dirigeants des clubs anglais ont sorti le chéquier et cannibalisent ce mercato.
Voir des clubs comme Nottingham Forest (13e de Premier League), Bournemouth (17e) ou Everton (19e) capables de lâcher plus de 20 millions d’euros sur des joueurs, des montants extrêmement élevés même pour les meilleurs clubs français (hors PSG) témoigne également du fossé entre le championnat anglais et notre Ligue 1.
Selon nos calculs, basés sur les chiffres compilés par le site spécialisé Transfermarkt, la Premier League a dépensé environ de 335 millions d’euros depuis le 1er janvier. C’est 4,5 fois plus que les autres grands championnats européens cumulés (Ligue 1, Liga, Serie A, Bundesliga), qui ont dépensé à eux quatre un peu moins de 80 millions d’euros. Cette différence abyssale s’explique notamment par le fait que les très gros clubs allemands (Bayern Munich), espagnols (Real Madrid, FC Barcelone), italiens (Juventus, AC Milan, Inter Milan) ou français (PSG) sont pour l’instant restés bien calmes.
Le cumul des montants dépensés depuis le 1er janvier par championnat
• Ligue 1: 14 millions d'euros
• Liga: 26 millions d'euros
• Serie A: 6 millions d'euros
• Bundesliga: 30 millions d'euros
• Premier League: 335 millions d'euros
La tendance n'est pas nouvelle... et ne devrait pas s'inverser
Mais la tendance n’est pas nouvelle. L’été dernier, les 20 clubs de Premier League avaient établi un nouveau record en dépensant 2,24 milliards d’euros, soit trois fois plus que la Serie A, le deuxième championnat le plus actif lors de l'intersaison. Huit des dix plus gros achats étaient alors à mettre au crédit des clubs anglais. Antony, qui a signé à Manchester United pour 95 millions d’euros, tenait la tête, devant Wesley Fofana (Chelsea, 80 millions), Darwin Nuñez (Liverpool, 75 millions), Casemiro (Manchester United, 70 millions), Alexander Isak (Newcastle, 70 millions), Marc Cucurella (Chelsea, 65 millions), Erling Haaland (Manchester City, 60 millions) et Richarlison (Tottenham, 58 millions).
Comment expliquer un tel écart entre la Premier League et ses concurrents ? La principale raison de ce déséquilibre est le montant des droits TV. Avec 3,5 milliards d’euros touchés la saison dernière pour la retransmission de ses matchs, le championnat anglais devance largement la Liga (2 milliards). Viennent ensuite la Bundesliga (1,4 milliard), la Serie A (1,1 milliard), la Ligue 1 (687 millions) et l'Eredivisie (Pays-Bas, 94 millions). Surtout, comme le soulignait l’Observatoire du Sport Business en juin dernier, la Premier League est le seul grand championnat à ne pas avoir dû revoir ses droits TV à la baisse à cause du Covid-19. Les dirigeants des clubs français n’ont pas fini de se faire des cheveux blancs lors des périodes de mercato.