Yade : « Si nécessaire, Paris jouera devant des tribunes vides »

La Secrétaire d'Etat aux Sports apprécie les mesures annoncées par le PSG pour lutter contre les supporteurs violents. - -
Vous allez prochainement rencontrer les dirigeants du PSG. Qu’allez-vous leur dire ?
D’abord que j’approuve leur discours de fermeté nouveau. Il est important d’en finir avec la complaisance. On est chez les barbares. Ce qui s’est passé dimanche soir, ce n’est plus du football. Rouer de coups un homme jusqu’au coma et le laisser pour mort sur le pavé, c’est de la sauvagerie à l’état pur. Il faut stopper net cette violence, parce qu’elle n’a plus de bornes et qu’un jour elle risque de tuer. Les gens sont exaspérés du Parc des Princes. Le public familial déserte de plus en plus le stade. Chacun doit prendre ses responsabilités. Il est important que le club ait annoncé un certain nombre de mesures qui vont dans le bon sens.
Le PSG a déclaré vouloir se montrer intransigeant mais pour cela il a besoin du soutien des pouvoirs publics, car les violences ont largement dépassé le cadre du football…
Effectivement, le monstre a fini par s’échapper. Les forces de police sont mobilisées sur les matches à haute tension. L’Etat est engagé. Le président Sarkozy lui-même a tenu un discours très ferme lors du conseil des ministres ce matin (mercredi ndlr). Pour se débarrasser de ce cancer de la violence, il faut éloigner définitivement les hooligans. Les pouvoirs publics peuvent les interdire de stade. Il n’y en a que quelques centaines en France. Il faut les multiplier. En Angleterre, il y en a plus de 3000 ! Il faut des sanctions individuelles d’une sévérité implacable. Et puis un système de pointage massif et effectif pour ceux qui ont été éloignés des stades. La proposition de loi sur la violence des groupes a été promulguée aujourd’hui. Elle prévoit un renforcement des interdictions administratives de stade, qui vont passer de trois mois à six mois dès le premier fait grave. Et de six mois à un an en cas de récidive. Des amendes et des peines d’emprisonnement sont également prévues si ces interdictions ne sont pas respectées. Maintenant, il faut aussi que les préfets et les juges n’hésitent pas à prononcer plus massivement ces interdictions de stade. Et que les clubs se mettent à porter plainte contre les fauteurs de trouble. Certains le font déjà. Mais ce n’est pas le cas de tous.
Pourquoi selon vous ?
J’entends dire que certains présidents de clubs n’oseraient pas porter plainte contre des supporteurs violents. Mais il ne s’agit plus de supporteurs. Il s’agit de hooliganisme. Et avec ceux là, le dialogue n’est plus possible. On ne peut plus s’accommoder de tabou. Si nécessaire, Paris jouera devant des tribunes vides.
« La violence fait du tord à la compétitivité du football français »
Est-ce une solution que vous envisager ?
Si ces personnes ne se rangent pas aux mesures de fermeté, on va arriver à un point de non retour. Mais les pouvoirs publics ne reculeront pas. On est en face d’une guérilla urbaine. Quand certaines familles franciliennes n’osent plus aller au Parc des Princes, ce n’est pas normal. Les vrais supporteurs savent que la violence fait du tord à la compétitivité du football français. Parce que si notre football est entaché d’actes de violence, on sera moins enclin à accueillir des grandes compétitions internationales. Dans le dossier technique, ça va peser.
Le Ministère de l’Intérieur avait annoncé fin septembre la création d’une police anti-hooligan. Où en est-elle?
Le dispositif est en train de se mettre en place avec une vocation opérationnelle. Lors du match Lens-PSG ce week-end, un dispositif de sécurité très renforcé sera d’ailleurs déployé. L’effort de l’Etat est réel.
La police anti-hooligan était-elle présente dimanche soir au moment des incidents ?
C’est le Ministère de l’Intérieur qui a mis ce dispositif en place. Donc Brice Hortefeux aura l’occasion de vous donner tous les détails. J’ai rencontré le patron opérationnel de ce système au moment de sa mise en place. Il avait déjà recruté les personnes qui allaient diriger ce dispositif.
Malgré un déploiement policier sans précédent, les incidents ont éclaté au pied du Parc des Princes dimanche, au cœur du dispositif de sécurité. Comment l’expliquez-vous ?
La solution est simple, il faut éloigner ces gens là des stades. Au besoin, il n’y aura plus personne dans les tribunes. S’il faut en arriver là, on le fera.
Mais dimanche le dispositif a clairement montré ses limites…
De toute façon, on continuera dans le dispositif de répression. Après, je suis Ministre des Sports donc je ne connais pas tous les détails opérationnels. Seul le Ministère de l’Intérieur détient ses réponses.
« On désespérait d’entendre ce discours de la part du PSG »
Ressentez-vous une forme d’impuissance face à ces phénomènes de violence qui perdurent depuis de plusieurs années ?
Non. Quand je suis arrivée au Ministère des Sports, je me suis posé la question. Pourquoi est-ce que ça dure depuis des années ? Parce qu’à chaque fois qu’un gouvernement arrive, il annonce un plan contre la violence dans les stades. Mais ça ne sert à rien si on ne fait pas une expertise de ce qui existe déjà. Alors c’est ce que j’ai fait. J’ai mis en place un comité de pilotage avec à sa tête Nicolas Hourcade, lui-même ancien ultra et aujourd’hui sociologue. Il travaille sur le fond pour exfiltrer les dispositifs qui ne fonctionnent plus. Afin de se concentrer sur ceux qui fonctionnent. C’est un changement de stratégie radical. Nous serons dans la prévention, pour les supporteurs normaux. Et dans la répression, pour ceux qui n’entendent que ce langage. C’est pour ça que j’ai demandé au PSG de prendre des mesures concrètes. Parce que ça n’a pas toujours été le cas. C’est assez inédit. C’est un discours de fermeté qu’on désespérait d’entendre de la part du PSG. On avait l’impression que ce club avait enfanté d’un monstre qui lui avait échappé. Les mesures annoncées renversent la logique et dénotent une volonté de ne plus se laisser intimider. Le gouvernement accompagnera le PSG dans cette démarche. Il faut qu’on travaille main dans la main.
Etes-vous inquiète pour les prochains matches du PSG ?
Je ne veux pas céder à des sentiments de ce genre. Je veux juste agir.
Lors des prochaines rencontres au Parc des Princes, qu’est ce qui va changer par rapport au dispositif mis en place dimanche?
Il faut que nous en parlions avec Robin Leproux et Sébastien Bazin. Ce que nous allons faire sous peu. Mais s’il y a un moindre risque, j’appellerai à ce que les tribunes soient vidées. Toutes les hypothèses sont sur la table. Il ne faut se poser aucune limite républicaine. La main tendue, on l’a déjà fait. Avec ces gens là, on ne peut plus discuter.
La finale de la Coupe de la Ligue opposera Marseille à Bordeaux au Stade de France le 27 mars. Vu le contexte et les incidents survenus en marge du report d’OM-PSG en novembre, la préfecture des Bouches-du-Rhône a émis l’idée d’une délocalisation. Quelle votre sentiment ?
Là-dessus encore, il faut rester ferme. Pas question de donner l’impression de reculer face aux hooligans du PSG. Il faut rester au Stade de France. Cette décision a été prise en concertation avec le Ministère de l’Intérieur. Tout sera fait pour garantir la sécurité du stade et de ses abords. De toute façon, les supporteurs qui cherchent à en découdre n’hésiteraient pas à se déplacer si le match été délocalisé. Et puis le Stade de France est le seul stade français conforme aux exigences de l’UEFA pour une finale de Coupe de la Ligue. Aujourd’hui, on reste sur un match au Stade de France.