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Mondial de handball: comment les Bleus abordent leur premier match couperet depuis les Jeux olympiques

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Quart de finale. Trois petits mots mais des souvenirs douloureux d’un été pas si lointain. Un temps mort à six secondes du terme et une perte de balle entraînant une prolongation fatale. Les souvenirs sont encore en tête et l’idée n’est pas de prendre une revanche mais de montrer face à l'Egypte que l’équipe de France est passée à autre chose, prête à décrocher une septième étoile… sans trembler dans les derniers instants.

Les dernières secondes du match face à l’Allemagne à Lille (29-30 a.p.), Dika Mem les a revues des dizaines et dizaines de fois. "Les images de ma perte de balle, j’ai déjà arrêté de les regarder depuis longtemps", promet le numéro 10 des Bleus. "On m’en parle depuis les Jeux mais elles n’apparaissent plus sur mes réseaux et je ne fais rien pour aller les chercher." Le sourire en coin mais la séquence en tête, à quelques heures de disputer contre l'Egypte, en quart de finale du Mondial (mardi, 21h), un nouveau match à élimination directe. "Je vais peut-être y penser juste avant le match oui, mais on n’est pas là pour effacer les Jeux, ce qu’il s’est passé est passé, on est là pour mettre une septième étoile sur le maillot bleu."

Un préparateur mental est arrivé

Et pour les y aider, l’équipe de France s’est attachée pour la première fois de son histoire les services d’un préparateur mental au sein même de son staff en la personne de Pierre Arthapignet. "Je partais de principe que cette préparation mentale était de ma responsabilité ou celle de mon staff", assume Guillaume Gille. "Les garçons n’attendent pas d’être en équipe de France pour travailler dessus, c’est pourquoi je ne voulais pas associer quelqu’un qui, peut-être, ne se serait pas entendu avec tout le monde ou serait venu en doublon avec les habitudes de certains joueurs."

Mais l’approche des Jeux olympiques a fait changer les choses. Sur la préparation d’abord, où Pierre Arthapignet a découvert le groupe lors d’un stage en Corse. "J’ai tenu une présentation de quatre heures sans me faire lyncher, c’était déjà une prouesse", rigole l’intéressé qui a ensuite été invité sur un second stage à Tignes puis en juillet avant les Jeux. "A ce moment, si on a évoqué la gestion émotionnelle d’une telle compétition? Non. Est-ce qu’il aurait fallu agir bien en amont? Oui." Et personne ne sait si cela aurait changé l’issue de la compétition pour ces Bleus-là. Néanmoins, c’est après cet échec que sa présence au sein du staff est devenue officielle.

"Il y a un microtraumatisme qui n’est pas évoqué explicitement"

Et cela ne s’est pas fait si facilement. Son intégration au staff bouscule les habitudes de la Fédération, du staff en place, il faut aussi libérer un budget. C’est donc seulement en septembre que Pierre Arthapignet retrouve des joueurs marqués par l’élimination en quart de finale des JO, et par la manière dont elle s’est produite. "Ça a été un microtraumatisme au sein de l’équipe", avoue-t-il. "Il y avait un nettoyage complet à faire de cette expérience. Sur le plan émotionnel, elle avait laissé des traces importantes et sur la projection, il était impossible de construire un nouveau projet de championnat du monde avec en ligne de mire un passé qui viendrait se substituer au futur."

Arthapignet active alors tous les leviers possibles: se baser sur la fenêtre de Johari, un outil de connaissance de soi pour faciliter la cohésion et met en place des exercices collectifs, des escape games, l’utilisation des métaphores pour passer des messages. "Un travail de team building", résume le préparateur mental. L’objectif? "Mobiliser d’autres ressources comme l’enthousiasme, l’engagement, la cohésion, le plaisir de jouer ensemble ou encore la loyauté vis-à-vis de l’équipe." Le défenseur Karl Konan illustre: "On a fait pas mal d’exercices pour travailler la confiance qu’on peut se faire les uns envers les autres."

Comment mieux gérer une fin de match tendu? Les Bleus face à la vérité du terrain

À l’heure de se retrouver en position de disputer un match éliminatoire, les Bleus gardent en tête la désillusion d’il y a six mois. "On peut penser que dans les souvenirs de tous, il y a un quart de final loupé et que chacun a à cœur de ne pas renouveler l’expérience", assure Pierre Arthapignet. "Ce que je remarque, c’est qu’ils ne sont pas dans l’état d’esprit d’être revanchards et c’est bien, ça aurait été une erreur."

Après deux semaines de compétition, Rémi Desbonnet n’a pas l’impression que les Jeux olympiques occupent ses pensées ou celles de ses partenaires. "On a préparé tous les matchs de la même façon et avec le même sérieux. Du match d’ouverture à celui contre le Koweït en passant par celui pour se qualifier contre les Pays-Bas. Je ne crois pas qu’il y a quelque chose à exorciser", assure le gardien. "Ça fera toujours partie de nous mais je n’en fais pas des cauchemars la nuit non plus."

Reste à voir comment les Bleus réagiront dans une fin de match tendue face à des adversaires plus coriaces que ceux rencontrés jusqu’alors (six matchs, six victoires, plus de 11 buts d’écart en moyenne). Dika Mem disait, il y a quelques jours, avoir retenu la leçon: "J’ai appris de ces Jeux, dans ma manière de m’exprimer, d’être plus calme dans les moments chauds." Gérer la surchauffe, garder la tête froide, apaiser les esprits lorsque la tension est à son paroxysme, difficile à travailler selon Guillaume Gille. "Reproduire à l’entraînement le niveau d’enjeu d’une fin de match en jouant tous les deux jours c’est impossible", regrette le sélectionneur. "C’est l’expérience, ce premier match décisif, qui nous dira où nous en sommes dans la gestion de ce stress lié à un match potentiellement serré et qui se joue sur quelques possessions." Pierre Arthapignet a une certitude: "Les gars veulent tout faire pour ne pas être sanctionnés."

Clément Brossard