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Mondial de handball: Reine des neige, passé sous les radars... qui est Thibaud Briet, le vent de fraîcheur des Bleus?

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A 25 ans, l'arrière gauche du HBC Nantes, Thibaud Briet, dispute sa troisième compétition internationale en équipe de France mais la première avec autant de responsabilités. Meilleur réalisateur français lors du Tour préliminaire du Mondial (18 buts), le géant rouennais s'épanouit en bleu et égaie le groupe France de par sa personnalité plus que joviale. Portrait.

Un tir surpuissant puis Thibaud Briet se replace, en se marrant. L'image s'est répétée plusieurs fois depuis le début de ce championnat du monde de hanball et résume bien la personnalité du numéro 39 de l'équipe de France, un garçon sûr de ses qualités et complètement décomplexé. Heureux de pouvoir enfin "croquer à pleines dents" dans une grande compétition avec les Bleus.

Sélectionné pour la première fois le 9 janvier 2022, Briet a connu un premier Euro perturbé par le Covid puis s'est blessé au doigt lors du Mondial 2023, limitant son aventure à deux matchs joués. L'année suivante, il n'est pas sélectionné pour l'Euro 2024 et prend un coup à son égo. "Il a pris une grosse claque car il ne l'a pas vu venir", affirme Alexandre, son père. "On a pris du temps pour qu'il puisse évacuer, il a beaucoup discuté, avec différentes personnes, pour chercher des éléments de compréhension, des clés pour faire mieux ensuite."

Car la situation d'échec ne dure jamais très longtemps chez Thibaud Briet, absent aux Jeux olympiques de Paris. "Je me souviens de son premier match en séniors", replace John Komar, son entraîneur d'alors à Rouen. "Il a 17 ans, joue pour la première fois avec les adultes, c'est un match de N3 (5e division) et on ne le voit pas vraiment, il ne fait pas grand-chose. Quatre ou cinq matchs plus tard c'était bon, il avait compris, tout était réglé."

Un talent précoce passé sous les radars

Si certains débutent le handball à six ans, Thibaud Briet va y arriver sur le tard. Après un passage au judo, au tennis puis deux entraînements de football, il découvre le handball à 10 ans dans le club de Déville, dans la banlieue de Rouen. "Il était déjà assez grand et un peu pato, loin d'être au-dessus du lot", se rappelle Alexandre, désormais en charge de la partie développement du club de Rouen. "Et puis il est arrivé dans une équipe où ils se connaissaient tous, il a fallu se faire sa place."

C'est à 17 ans, alors à Rouen, qu'il trouve un véritable équilibre, plus en maîtrise avec son corps. Sans jamais avoir intégré un Pôle espoir ou un centre de formation, il se distingue en région puis en championnat de France U18. "Le fait de ne pas avoir été dans une filière fédérale fait peut-être qu'il est passé sous les radars", explique John Komar, aujourd'hui maître de conférence en Staps et basé à Singapour. "Quand certains sont repérés à 14 ans, lui s'est développé sur le tard. Mais à 17 ans, il faisait partie des meilleurs buteurs de France. Il est arrivé un peu gauche car il faisait déjà pas loin d'1,90m et n'avait pas sa musculature d'alors, mais il s'est rapidement montré plus intelligent, plus malin, plus joueur que les autres. Il avait un vrai sens du jeu et faisait les bons choix au bon moment."

Il est alors repéré et contacté par certains clubs mais ne donne pas suite aux premières sollicitations. Depuis sa classe de seconde, Thibaud a une priorité: devenir handballeur professionnel. En l'absence de structure comme peut en offrir le Pôle Espoirs, il se tient à son propre programme. Les dimanches après-midi, l'adolescent s'avale des sorties de dix kilomètres au parcours dénivelé. En soirée, il rentre plus tôt que ses amis. Un sérieux récompensé par une signature au HBC Nantes en 2019.

Reine des neiges, vol de shampoings et jeux de société en pagaille

Là-bas, sa personnalité joviale est rapidement remarquée. "Une des chansons qu'il adore, c'est la Reine des Neiges", se marre sa petite-sœur, Margot, étudiante en sciences politiques. "C'est ce qu'il a chanté pour son bizutage à Nantes. Mais c'est un plaisir pour lui de le faire, c'est premier degré, il veut vraiment performer dessus."

Le chant, la danse "sur de l'afro, du rap ou quand il essaie de faire la danse du robot"... Thibaud a toujours aimé amuser la galerie, très régulièrement à l'initiative de petites bêtises. "Une année, on part en vacances dans le sud avec des amis", se souvient son père. "Il y avait une terrasse un peu humide, il a voulu se jeter sur le ventre en pensant que ça allait glisser mais il s'est bien crashé et ç'a bien frotté. Derrière, les autres se sont défilés."

Désormais, ses vacances, il les passe régulièrement avec son frère cadet de trois ans, Baptiste, lui aussi handballeur à Pontault-Combault (D2). "Quand on part avec des potes, c'est le premier qui va voler les affaires, cacher les shampoings, te verser un verre d'eau froide pendant ta douche... Il lance toujours les conneries sans avoir peur de se mettre du monde à dos. Mais ce côté leader, il l'a aussi pour choisir la destination de voyages. Quand il aime quelque chose, il a envie d'y entraîner tout le monde. Tiens, 'One Piece' par exemple. Lui adore mais moi je n'ai pas trop suivi. Eh bien il m'a acheté trois mangas et m'a pris un abonnement parce qu'il a envie que je m'y mette."

Autre passion de Thibaud Briet: les jeux de société. En équipe de France comme à Nantes, c'est souvent lui qui ramène. "Il est très taquin et un peu mauvais joueur", balance Théo Avelange Demouge, l'ailier droit nantais. "Sur les jeux coopératifs, il coopère mais veut quand même faire le truc à sa sauce même si on ne gagne pas tous. Par exemple, on joue souvent à un jeu qui s'appelle Subterra, le but est de sortir d'un souterrain, par équipes. C'est une bonne stratégie de rester groupés parfois mais lui c'est le premier à partir devant tout seul et il se retrouve bloqué et trop loin pour qu'on vienne le chercher. Il est zinzin."

"Un team player en plus d'être un super gars"

En Croatie, la personnalité de Thibaut Briet au sein d'un groupe très chambreur est appréciée. "Il s'est super bien intégré", témoigne son frère Baptiste. "Pour ce qui est du jeu, je n'avais aucune crainte, mais le cadre équipe de France, c'est différent d'un cadre de club".

L'arrière gauche peut s'appuyer sur ses coéquipiers du HBC Nantes, le club le plus représenté au sein des Bleus sur ce Mondial avec Aymeric Minne, Nicolas Tournat, Julien Bos voire Romain Lagarde (qui reviendra à Nantes la saison prochaine). "Ce que j'aime, c'est qu'il a toujours son âme d'enfant, quel que soit le contexte", reconnaît sa sœur Margot, qui a déjà pris ses places pour Oslo avec ses parents dans l'optique d'une finale ou d'un match pour la 3e place.

"Ah il est nature peinture", rigole Mathieu Grébille. "Il y a toujours des moments drôles avec lui. Quand vous regardez les matchs, il rigole après ses buts, quel que soit l'adversaire. Pour lui, peu importe qui on joue, il se régale." "Le chambreur en chef reste Dylan Nahi", assure Nedim Remili. "Mais Thibaud est pas mal, qu'est-ce qu'ils me font rire avec Julien (Bos)".

Evoquer sa personnalité fait lâcher un sourire en coin à son sélectionneur, Guillaume Gille. "Thibaud, c'est une forme de légèreté sans être de l'insouciance. Une forme de tranquillité dont il a besoin pour entrer dans sa bulle de performance. Il exprime tout ce qui lui passe par la tête et cela donne parfois des situations un peu cocasses. Mais c'est un team player ce garçon, il a une personnalité à part sans être un électron libre, bien intégré au groupe. C'est un super gars."

18 buts lors du tour préliminaire

Et un gars qui prend de la place dans l'effectif, longtemps dans l'ombre de Niko Karabatic. "Avant d'arriver en équipe de France, il regardait Niko avec inspiration parce que c'est le plus grand joueur de tous les temps", avoue son petit frère. "Mais quand il est arrivé en sélection, tout en le respectant, il n'avait pas peur de prendre sa place quand il en avait l'occasion. Qui que ce soit en face ou dans la concurrence, il va avoir ce côté décomplexé. Il essaiera toujours de prendre sa chance."

La sienne est d'avoir notamment profité de la blessure d'Elohim Prandi en novembre dernier. "Il arrive à un poste où il y a de place", expliquait Guillaume Gille après la victoire inaugurale contre le Qatar la semaine dernière. "Son début de compétition est intéressant, dans la lignée de ce qu'on voit ces derniers mois."

A son compteur lors du tour préliminaire: 18 buts, un titre "honorifique" de MVP lors du premier match face au Qatar, un coup de coude sur l'arcade de Luka Karabatic face au Koweït lors du second match - commenté d'un "Ah ouai, merde, je suis désolé pour Loulou" - et une blessure maladroite d'un adversaire face à l'Autriche sur la troisième rencontre. Mais aussi la reconnaissance des adversaires. "La France est une équipe taillée pour le titre", avance Tobias Wagner, pivot autrichien. "Dika Mem, Remili, Fabregas, c'est trop fort. Et Briet, il est vraiment bon."

Contre la Hongrie, mardi, le Nantais a ajouté trois buts de plus à son compteur en ouvrant notamment le score d'un missile à 10 mètres. Vice-champion du Monde en 2023, "Thibro", comme il est parfois surnommé à Nantes, a son prochain objectif bien ancré en tête. "Toute ta vie tu attends d'avoir ta chance dans cette équipe alors c'est plaisant de pouvoir y faire des perfs. On est là pour décrocher l'or." Avant de conclure "C'est bon, plus besoin de moi ? Allez bonne soirée" et de partir dans la nuit croate, en riant.

Clément Brossard, à Varaždin (Croatie)