Handball: après la polémique du temps mort aux JO, le management participatif de Guillaume Gille persiste

Premier match face au Qatar (37-19), mardi soir au Mondial, huit secondes avant la mi-temps. Guillaume Gille prend un temps mort et donne ses premières consignes. "C'est toi qui reviens", affirme-t-il en pointant du doigt Aymeric Minne avant d'annoncer le plan de cette dernière offensive "On joue à gauche pour Romain (Lagarde)". La voix de Dika Mem s'élève alors pour interpeller Nicolas Tournat et l'anticipation d'un repli défensif, un conseil validé par Guillaume Gille "Exactement". Fin du temps mort. Remise en jeu, la France joue sur la gauche pour Romain Lagarde qui arme son bras droit à 9 mètres et vient porter le score à 18-10. Coaching gagnant.
Dika Mem a retenu la leçon
Il y a cinq mois, le même scénario s'écrivait à Lille, à huit secondes de la fin du quart de finale des JO de Paris 2024 contre l'Allemagne (35-34), à l'issue différente. Le sélectionneur demandait d'abord de se "rendre disponible pour le porteur de balle" avant que Dika Mem, dans un grand soir, s'emballe. "Écoute-moi, écoute-moi! Calme-toi!" lance-t-il à un partenaire. "On engage, toi tu me donnes la balle, toi tu cours à l'aile." Résultat: perte de balle en sortie de temps mort et scénario catastrophe.
"Les temps morts, ce sont des questions de situation dans le jeu", explique aujourd'hui Guillaume Gille. "Cette dernière situation se serait passée positivement, ça n'aurait rien changé au contenu du temps mort et on n'en parlerait pas. En fonction des conséquences, on va venir poser un jugement." Dika Mem, lui, a pris du recul même si la "cicatrice" de Paris 2024 restera gravée en lui. "Gino (le surnom de Guillaume Gille) nous fait confiance, il a sa parole mais tout le monde peut parler. La seule chose c'est de savoir le faire correctement et avec respect, c'est ce que j'ai appris de ces Jeux."
Car laisser la parole à ses joueurs pour participer à l'établissement du plan de jeu, Guillaume Gille l'a toujours cultivé. Un "management participatif" qu'il revendique et qui a notamment permis de construire quelques jolis succès, du titre olympique en 2021 à la médaille d'or aux championnats d'Europe en janvier 2024, des compétitions durant lesquelles quelques sorties de temps morts décisives et exploits dans les dernières secondes ont été observés.
"Je ne vais pas changer ma manière de penser" dit-il. "Il y a aussi, dans la gestion d'un groupe, des moments où ils ont besoin d'être encadrés et accompagnés de manière plus forte. J'essaie d'être dans cette alternance, d'avoir toujours la posture, les mots et les messages les plus appropriés par rapport à la situation que l'on recontre." Si Claude Onesta pouvait se montrer plus directif, le poids de la parole des joueurs, tel qu'il est aujourd'hui, se remarquait déjà sous la houlette de Didier Dinart (sélectionneur de 2016 à 2020) dont Guillaume Gille a été l'adjoint. Alors les scénarii comme celui connu aux Jeux ne vont pas faire changer de cap à un sélectionneur certain de ses principes et de son modèle. Mais des ajustements, en revanche, peuvent être remarqués.
Des nouveaux cadres, un nouvel adjoint et un renfort mental
Car au sein du groupe, l'échec olympique a débouché sur une prise de conscience collective. L'histoire est derrière eux "même s'il faut la garder en tête", relève Elohim Prandi. Les joueurs se sont parlé, en vase clos "un travail a été fait pour analyser les séquences qui n'ont pas été", explique Guillaume Gille. "Des choses n'ont pas fonctionné", reprend Ludovic Fabregas, capitaine des Bleus pour la première fois dans une grande compétition international. Un chacun pour soi perceptible notamment et un manque de cohésion faisant de la France des Jeux une équipe en manque de fluidité.
Yohan Delattre, champion du monde en 1995 et nouvel entraîneur-adjoint, n'était pas de la partie l'été dernier mais a "compris ce qu'il s'était passé au niveau du handball, des relations... On a eu une discussion avec Guillaume et ce qu'il en ressort c'est de remettre le handball au centre de tout." Avec une équipe dirigée par de nouvaux cadres suite aux départs des derniers Experts qu'étaient Nikola Karabatic, Vincent Gérard ou Valentin Porte. Des cadres déjà présents lors des Jeux olympiques.
"On a gardé les mêmes leaders d'attaque dans la parole avec Nedim (Remili) et Dika (Mem) pour le secteur offensif et dans le secteur défensif Ludo (Fabregas), Karl (Konan) et Luka (Karabatic)", détaille le sélectionneur. Et si ces noms sortent du lot, on insiste en interne sur le fait que tout le monde puisse s'exprimer librement, que chacun est à l'écoute de l'autre. Un message qui circule depuis le maudit quart de final entraînant l'arrivée au sein du groupe de Pierre Arthapignet, préparateur mental. "On a pris une leçon aux JO et le cela nous a permis de digérer ce moment", révèle Karl Konan. "On a parlé ensemble de la cohésion, de la confiance qu'on pouvait avoir les uns envers les autres, de l'affrontement et de l'adversité, comment gérer ces moments de stress quand on sera face à des adversires plus costauds ou les moments ou ça va un peu moins bien."
"Guillaume est dans la prise de décision, c'est lui qui pose le point final"
Alors sur les temps morts, on tente de chasser cette précipitation qui a pu faire défaut. "On essaie d'être vraiment attentif, d'avoir une parole respectée, echangée et collective. Cela fait partie des ajustements", reconnaît le plus expérimenté du groupe, Luka Karabatic, qui pourrait disputer avec ce Mondial sa dernière grande compétition en Bleu. "Il faut être le plus précis possible." Sans avoir besoin de s'effacer devant le sélectionneur. "Gino est toujours dans le partage mais on sait que c'est toujours lui qui aura le dernier mot. Il s'appuie sur l'opinion et l'avis des leaders mais c'est lui qui tranche à la fin." Même discours pour Karl Konan: "Il est toujours dans l'échange mais beaucoup plus dans la prise de décision, c'est lui qui pose le point final avant ou pendant les temps morts." Plus qu'avant les Jeux? "Je ne dirai pas ça mais il tranche et c'est top", approuve le Montpelliérain.
Alors qu'il entame sa cinquième année à la tête de la sélection, Guillaume Gille s'est rodé aux joutes mondiales selon son pivot Luka Karabatic. "Gino a gagné en expérience du concert international, des équipes, du style de jeu. Dans la gestion de l'effectif, des joueurs, de la communication, tout est de plus en plus précis, c'est vraiment là-dessus qu'il a évolué." Son management participatif avec.