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JO de Paris 2024: les salariés ont-ils le droit de regarder les épreuves au travail?

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35% des employés ont prévu de suivre en direct les JO "coûte que coûte", même si "rien n’est prévu par leurs dirigeants" d'après une étude. Ils risquent des sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement.

Pour certains travailleurs, la tentation est trop forte. Alors que les Jeux olympiques ont commencé depuis le 26 juillet, de nombreux salariés risquent de succomber à l'envie d'ouvrir une fenêtre sur leur ordinateur pour regarder les épreuves au bureau. Surtout que nombreuses d'entre elles se tiennent en journée.

Ainsi, 35% des employés ont prévu de suivre en direct les JO "coûte que coûte", même si "rien n’est prévu par leurs dirigeants", d’après une étude menée par OpinionWay pour SD Worx, un prestataire de services RH européen. D'autant que le bon départ des athlètes français donne l'eau à la bouche.

Mais est-ce possible pour un salarié de regarder les JO durant son temps de travail? Malheureusement pour les fans de sport, la réponse est non selon la réglementation. L'article L3121-1 du code du Travail prévoit ainsi que "la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles". Et regarder une compétition sportive fait partie de ces "occupations personnelles".

Des sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement

Dans les faits, la décision finale revient au patron avec l'accord de la direction générale ou des ressources humaines. Celui-ci peut tolérer que son employé regarde certaines épreuves à "condition que cela n'interfère pas dans les missions qu'il doit accomplir et n'occasionne pas de gêne pour ses collègues", explique Marion Kahn-Guerra, avocate associée spécialiste en droit du travail à BFM Business.com.

L'experte remarque que si le dirigeant accepte pour un de ses employés, il doit faire de même pour tous ceux qui occupent un poste similaire. "Sinon, cela est discriminatoire et peut se retourner contre le patron" relève-t-elle. Certains dirigeants peuvent également être tentés fédérer les équipes grâce au JO. "Organiser un petit événement pour permettre à tout le monde de regarder ensemble peut être une initiative en ce sens de sa part", indique Marion Kahn-Guerra.

Mais le manager peut tout aussi interdire de suivre les JO durant le temps de travail. Et en cas de non-respect de la directive, l'employé risque une sanction disciplinaire qui peut aller jusqu'au licenciement en cas de récidive. La sanction doit néanmoins être "proportionnelle à la gravité de la perturbation", pointe Marion Kahn-Guerra soulignant qu'il faut également prendre en compte le règlement intérieur de l'entreprise, les antécédents du salarié, les conséquences sur l'activité...

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"Un chauffeur qui regarde les Jeux et met en danger la sécurité des personnes à bord du véhicule ne sera pas logé à la même enseigne qu'un vendeur qui suit la compétition lorsqu'il n'y a pas de client dans le magasin, abonde l'avocate. En droit, c'est au cas par cas.

Les salariés en télétravail avantagés

Le salarié qui se contente de suivre les résultats sur son téléphone, à quant à lui, peu de chance de se voir sanctionné. "L’utilisation du téléphone et d’Internet à des fins personnelles est généralement admise en entreprise, notamment dans les postes de bureau, à condition que cela ne devienne pas trop envahissant", souligne l'avocate spécialiste en droit du travail.

Sur le papier, les salariés en télétravail sont logés à la même enseigne. "Mais pour ceux-ci, il n'y a aucun moyen de contrôle, surtout s'ils regardent les épreuves sur leur télévision personnelle", relève Marion Kahn-Guerra. L'employé doit bien évidemment terminer ses tâches à temps et rester joignable durant ses heures de travail. Pour les périodes de pause, il n'existe aucune ambiguïté. Le salarié peut ainsi vaquer à ses occupations personnelles, sous réserve, là aussi de ne pas gêner les collègues, indique l'experte.

"Le plus simple serait de permettre aux salariés qui souhaitent suivre l’intégralité des JO de poser des jours de congés payés ou de RTT pendant cette période", estime Isabelle Vénuat dans Capital. Mais là aussi l'employeur garde la main. Il peut accepter ou refuser la demande du salarié de poser des jours durant les JO. Surtout si celle-ci est faite au dernier moment. "Normalement, le salarié doit faire sa demande un mois à l'avance, signale Marion Kahn-Guerra. Mais pour beaucoup d'entreprises, la période estivale est plus calme. Nombre d'entre eux acceptent quand la demande est faite même une semaine à l'avance".

Optimiste, l'avocate estime que les JO n'amèneront pas à une période de conflictualité entre patron et personnel. "Je n'ai jamais eu de remontée de difficultés liées à des salariés qui passeraient leur temps à regarder des matchs au lieu de travailler, pointe-t-elle. Les gens arrivent à trouver un modus operandi pour que cela se passe bien".

Théodore Laurent