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Handisport: la bataille en justice de la snowboardeuse Cécile Hernandez pour participer aux Jeux paralympiques

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La Française Cécile Hernandez a rempli tous les critères pour participer aux Jeux paralympiques 2022. Mais elle pourrait les manquer pour une histoire de catégorie. Et s’est lancée dans une complexe bataille juridique.

À moins de trois semaines des Jeux Paralympiques, vous ne savez-toujours pas si vous pourrez y participer. Pourquoi?

Ma catégorie (LL1, avec un handicap lourd à l’une des deux jambes ou un handicap significatif touchant les deux jambes) a été supprimée après les championnats du monde 2019, car il n’y avait pas assez de représentantes et de nations engagées. On était au courant, on a pris des dispositions avec l’Equipe de France et on a demandé à courir avec une catégorie plus forte que moi, dans laquelle je serais désavantagée (LL2, handicap plus léger à une jambe ou deux jambes).

L’année dernière on a fait le test, j’ai gagné les étapes de Coupe du Monde, donc j’ai montré que j’avais le niveau pour courir avec ces filles. Mais le comité international paralympique a décidé qu’on ne pourrait pas courir avec ces filles aux Jeux.

Pourquoi?

Ils ne donnent pas de raison, d’argument valable. C’est juste parce que notre catégorie à nous n’est pas aux JO… Mais bon, le principe du handisport c’est de s’adapter à des situations… On s’est dit le comité paralympique serait indulgent, nous permettrait de courir dans une catégorie où on est désavantagée... Mais finalement non. On nous a refusé l’accès.

Vous avez donc tenté de défendre votre cause…

Il y a eu des actions "à l’amiable", des courriers, j’ai lancé une pétition en demandant aux athlètes du circuit de nous soutenir. Même les filles de LL2 l’ont signée. Le comité paralympique n’a pas répondu. Et c’est donc allé en justice.

On est deux dans ce cas: une américaine (Brenna Huckaby) et moi. On a fait cette démarche devant le tribunal de Dusseldorf en Allemagne car le siège du comité international paralympique est en Allemagne. Brenna a fait la démarche et a gagné il y a quelques semaines en appel. Moi, je devrais aussi recevoir mon ticket mais je ne l’ai toujours pas.

"Je suis hyper confiante"

Pour quelles raisons?

La même procédure a été faite pour nous deux, mais pas en même temps. À la base, nous la France, on voulait régler ça "à l’amiable". Brenna est allée en justice avant moi. Et quand Brenna a gagné en justice, mon avocat (qui est aussi celui de Brenna Huckaby), s’est dit qu’on pourrait surfer sur cette jurisprudence pour ne pas aller directement au procès nous aussi.

Sur le coup on a longtemps attendu que les voies à l’amiable soient épuisées. Mais au final, non. Et le 2 février on est aussi allé en justice. On offrait au comité international paralympique la possibilité de sauver la face, d’être bienveillant, mais ça n’a pas marché.

Pourquoi ça bloque selon vous?

On pense que le comité international paralympique n’a pas apprécié ce qu’il s’est passé, qu’on outrepasse et pointe du doigt la discrimination à laquelle on était confrontées. Donc ma concurrente a son ticket et moi, je ne l’ai toujours pas. Mais on ne voit pas comment tu peux autoriser une des filles à courir et non l’autre. Ce serait encore plus grave. Pour l’instant ils tiennent tête, sont têtus. Ils n’apprécient pas qu’on puisse participer aux Jeux, via une décision de justice.

Je pense également que Brenna et moi, on fait un peu peur autres. Car en terme de valeur, il n’y a aucune raison de bloquer une telle demande. Au contraire, ça montrerait de l’inclusion. Les autres filles ont signé les pétitions parce que c’était une pure politesse je pense. Si elles n’avaient pas signé, ça aurait montré qu’elles étaient contre. Je pense que les résultats font peur.  Mais je pense que c’est aussi un blocage des instances dirigeantes.

Comment vivez-vous la situation?

C’est dur. Mais je suis hyper confiante. Ça me coûte énormément d’argent, de temps. Ça m’épuise moralement mais je pense que ce qu’on cherche c’est m’épuiser moralement et que j’arrive rincée. Et on sait à quel point mon état de fatigue est préjudiciable comme j’ai une sclérose en plaque. Mais je suis bien entourée et je me dis que ça va le faire.

Ce que dit le Comité International Paralympique:

Ont-ils peur de créer un précédent ? En obligeant les deux athlètes à passer par la voie juridique dans cette affaire, les membres de l’IPC montrent qu’ils ne cèderont que si on les y obligent. "Extrêmement surpris et déçu" lors de la décision favorable à Brenna Huckaby, l’organisation a dénoncé "un manque de compréhension du système de classification dans le sport paralympique."

Dans le communiqué, l’IPC dit "comprendre la cause de Brenna. Elle est une athlète de classe mondiale et une championne paralympique qui cherche désespérément à concourir et à représenter son pays au plus haut niveau."

"Mais elle n’est pas la seule à vouloir le faire. Partout dans le monde, il y a des milliers de para-athlètes qui veulent participer aux Jeux paralympiques. Cependant, en raison de la nature de l’événement - le summum du parasport - toutes les classes sportives et tous les événements sportifs ne peuvent pas être inclus. En conséquence, il y a toujours des athlètes qui passent à côté et qui sont déçus."

Valentin Jamin