JO 2016 (Boxe) : Djelkhir renonce à Rio et dénonce la Fédé

Khedafi Djelkhir - AFP
Khedafi, pourquoi avez-vous décidé de renoncer à participer aux Jeux Olympiques ?
Quand vous êtes sportif de haut niveau depuis 14 ans, vous êtes dans l’attente de résultats sportifs. Aujourd’hui ce n’est pas possible. Les conditions sont mauvaises. Je suis qualifié pour les JO de Rio depuis 15 mois. Je suis resté dans les starting-blocks. On ne s’est pas soucié de moi. J’ai été abandonné, négligé par ma fédération. La relation avec les gens de ma fédération n’était pas bonne. C’était trop de combats pour moi à mener. Je ne ressentais plus de plaisir à boxer et à être avec les gens qui dirigent cette discipline. J’ai décidé de ne pas participer aux Jeux. Ce n’est pas un choix sur un coup de tête. La raison a pris le dessus sur l’envie. Je suis en colère. J’ai fait des sacrifices. Pas seulement moi, toute ma famille.
En quoi avez-vous été abandonné ?
Je suis boxeur professionnel depuis huit ans. Par le biais de la fédération internationale qui est l’AIBA, j’ai eu l’opportunité de pouvoir me qualifier pour les JO. J’ai signé un contrat, en tripartie, avec la fédération internationale et la fédération française. L’objectif, c’était les JO. Le premier objectif, la qualification, a été atteint en février 2015. On a eu le temps ensuite d’établir une programmation. Mais ma fédération, la fédération française, ma famille, sur laquelle je me repose, ne fait rien. Je me retrouve parfois seul à l’Insep avec un préparateur physique, sans entraineur spécifique. Comment travailler comme ça ? Comment prétendre à ramener une médaille de Rio ?
De quoi aviez-vous besoin ?
Je ne réclamais rien. Je demandais juste un entrainement normal. Un entraineur national qui s’occupe de moi. Je fais de la boxe, je ne demande rien de plus qu’un entrainement. Je ne demande rien d’exceptionnel. Un entrainement, quand on a une fédération aussi fragile que la nôtre, ça devient quelque chose d’exceptionnel. C’est absurde. On a besoin de continuité dans l’entrainement. Quand vous parlez de ça au président de la fédération, il prend ça comme une menace en disant : « Je m’en fous, si tu veux faire les Jeux, tu les fais. Si tu ne veux pas tu ne les fais pas. » Je le pousse dans ses retranchements tout en étant courtois. Il me répond : « Tu ne vas pas me faire ch…, j’ai fait la guerre d’Algérie. » Quel est le rapport ? Pourquoi me parler de ça ? Je parle de sport, d’entrainement. Je ne sais pas comment il me voit. On se dit à quoi bon. Pourquoi continuer à boxer pour des mecs comme ça. Je ne comprends plus rien. J’ai engagé un avocat pour obtenir des droits. Comme par magie, quand je l’ai engagé, tout s’est mieux passé. On n’a pas eu besoin d’aller plus loin.
Vous ciblez le président de la fédération et le DTN ?
La fédération se sont des employés. Des gens adorables, qui m’ont toujours aidé. Je préfère nommer les personnes avec lesquelles j’ai un problème. J’ai un problème avec le président (André Martin, ndlr) et le DTN (Kévinn Rabaud, ndlr) qui eux sont décisionnaires. Comment vous êtes-vous entrainé ? Notre fédération n’est pas capable de s’occuper de tous les boxeurs. Il y a des boxeurs qui ont fait le choix de s’entrainer dans leurs clubs. Ils ont eu raison. J’ai fait le choix de m’entrainer à l’Insep, ça m’a porté préjudice de m’entrainer en équipe de France. C’est incroyable.
« On me fait sortir par la cave »
Est-il de possible que vous reveniez sur votre décision ?
J’ai tout remué pendant quinze mois. On avait le temps de faire les choses. J’ai 32 ans. J’ai besoin de m’entrainer. J’ai été champion du monde de ma catégorie en février 2015. J’estime avoir pris mes responsabilités. Je suis prêt à assumer les conséquences. C’est déjà dur pour moi. C’est un rêve qui s’envole. On me fait sortir par la cave. Je me suis sacrifié. En deux mois et demi, on ne peut pas préparer une compétition qu’un athlète prépare en quatre ans. C’est impossible. Avec ce coup de gueule, rien n’est perdu. D’autres mecs boxent encore, subissent ce que j’ai subi. J’ai déjà connu les JO, le podium olympique (médaillé d’argent à Pékin en 2008). Malheureusement, ça ne se termine pas comme j’espérais. On ne peut pas continuer à traiter l’être humain de la sorte. Ces gens-là, sans nous, ne mangent pas. Il est temps que cette génération de boxeurs fâchés contre le système se soulève et prenne les choses en main. Et que le boxeur soit au milieu du jeu. Le boxeur a évolué. Beaucoup de boxeurs autour de moi sont fâchés. Il est temps qu’on se mobilise.
Comment voyez-vous votre avenir ?
Je n’en sais rien. J’essaie de digérer les choses. Je suis un simple boxeur. Je prends les choses une à une. Je ne suis pas un procédurier. Je suis très content de pouvoir m’exprimer dans les médias. J’ai tellement pris de plaisir à gagner des titres, à représenter mon pays, je me suis construit à travers la boxe. Ça ne peut pas continuer comme ça. Quelle équipe de France on va avoir ? Je suis plus sur la fin qu’au début. Je me bats pour les jeunes. Je paie un côté justicier. J’ai joué le rôle de grand frère. Est-ce que j’ai vraiment envie de continuer ? Le plus important, c’est de faire changer les choses.