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JO 2021: à Tokyo, les "samouraïs des déchets" nettoient avec style

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Dans leurs kimonos noir et bleu, Keisuke et Yushi sillonnent les quartiers de Tokyo. En un éclair, ils attrapent un mégot ou une canette avec leur pince, dans des mouvements dignes de combats au katana. Ce sont les "Jidai gumi", les samouraïs du nettoyage des déchets.

Tokyo passe pour être l’une des villes les plus propres du monde. Le civisme nippon est souvent salué. Mais au petit matin, certains quartiers de nuit sont le cimetière de bouteilles d’alcool ou de cigarettes qui n’ont pas trouvé de sépulture. Shinjuku et Ikebukuro rassemblent les fêtards ou leurs salary men qui ne rentrent pas le soir, avec leurs restaurants, leurs boites de nuit, leurs bars à filles... Avec quelques Asahi dans le gosier, le civisme en prend forcément un coup. C’est là qu’interviennent les "Jidai Gumi".

Kimonos bleu et noir, fierté japonaise dans le cœur, et maniement de la pince de cantonnier niveau sensei 10e dan, Keisuke et Yushi récoltent les déchets de la nuit. "On habite tous les deux Ikebukuro. On veut que ce soit un endroit propre ici. A Tokyo, il a des quartiers de bars comme ici, où ça boit beaucoup et donc les gens laissent trainer leurs canettes, leurs cigarettes, leurs bouteilles. Nous, on récupère ces déchets et on les trie", raconte Yushi, kimono noir et chapeau sur la tête. "Qu’est-ce qu’il y a" lancent-t-il en cœur avec un fort accent.

Un mégot, une canette traînent: en un éclair, ils sortent leur pince, la tige de métal devient katana, ils attrapent leur minuscule cible et la mettent dans le sac à dos poubelle de Yushi. Trois heures d’entraînement par jour pour arriver à ces performances chorégraphiées au cordeau. Synchronisme, précision, et le sac se remplit rapidement sous les néons éteints de la rue des bars de nuit d’Ikebukuro.

Plus de 300.000 abonnés sur TikTok

Créée en 2007, l’équipe de samouraïs a explosé en notoriété avec les réseaux sociaux. Leurs performances sont diffusées en direct sur TikTok. Plus de 300.000 abonnés sur ce réseau pour les gentils escrimeurs des rues. La première fois, ça surprend, ces grands mouvements. Le passant peu averti peut croire à une attaque au sabre. "Au début, lors de l’une de nos performances de ramassage, un policier nous a dit d’arrêter, se souvient Yushi. Mais au même moment, il y avait des gens qui ont dit qu’on était important pour ramasser les déchets. On était content. On continue notre travail pour rendre le Japon propre."

Derrière le simple nettoyage, il y a la fierté de rappeler un Japon du passé, kimono, sabre et expressions datées, lorsqu’ils ont fini de débarrasser un coin de ses saletés. Yushi et Keisuke trouvent que le port du kimono disparait peu à peu. Ils rappellent le Japon d’Epinal, des films, des images. On les transposerait bien dans quelques coins de Paris dans une tenue 18e, fleuret à la taille. Leur tâche n’a pas diminué malgré l’état d’urgence sanitaire, qui ferme les restaurants plus tôt et limite les ventes d’alcool. Les patrouilles sont loin d’être terminées.

Morgan Maury à Tokyo