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JO 2022: qui est Justine Braisaz-Bouchet, "l'ultraémotionnelle" championne olympique de la mass start

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Sur le site extrêmement venté de Zhangjiakou (Chine) lors des JO 2022, Justine Braisaz-Bouchet s'est imposée ce vendredi sur la mass start féminine de biathlon. La Française, âgée de 25 ans, récolte les fruits d'un travail effectué sur son mental.

Cette fois, la tête a suivi. "Je suis restée calme, étonnemment calme", a réagi Justine Braisaz-Bouchet après sa médaille d'or remportée vendredi sur la mass start femmes de biathlon aux Jeux olympiques d'hiver 2022. Première Française à s'imposer dans cette épreuve, la jeune Savoyarde de 25 ans n'était pourtant pas l'atout n°1 des Bleues à Pékin. La faute à ses émotions.

Les premiers résultats ont été durs à encaisser: 40e de l'inviduel, 48e du sprint, non-partante sur la poursuite. "Je suis vraiment déçue. C'était des courses qui me tenaient à coeur, et je n'ai pas rempli mon travail", déplorait-elle le 11 février. Quant à l'épreuve mixte, qui a ouvert la quinzaine, Julia Simon et Anaïs Chevalier-Bouchet lui ont été préférées. Et jusqu'alors, le relais féminin, seulement 6e, n'avait pu sauver les meubles, comme cela avait été le cas en 2018. Car à Pyeongchang, pour ses premiers Jeux, son bilan personnel avait été terrible avec 25 fautes au tir en cinq épreuves.

Très rapide sur les skis, au point d'être considérée comme l'une des meilleures du circuit sur ce domaine, Braisaz-Bouchet a trop souvent souffert de lacunes avec la carabine. "Elle peut encore évoluer physiquement, mais sa grosse marge de progression est au niveau du tir", a d'ailleurs rappelé Jean-Paul Giachino, l'entraîneur national au micro de France TV.

"Quelqu’un de spontané et d’ultraémotionnelle"

Mais ses difficultés ne sont pas seulement techniques. Elles sont surtout mentales. "Elle n’a pas une force de concentration phénoménale", déplorait son ancien coach Franck Badiou. Sur les circuits mondiaux depuis 2014 après avoir impressionné chez les jeunes, au point d'être "devant les garçons" jusqu'à ses 11 ans, Justine Braisaz-Bouchet a semble-t-il eu du mal à digérer son ascension rapide. "Tout est allé trop vite pour Justine, analysait récemment Jean-Paul Giachino. Elle a perdu du temps. Elle est passée quasiment directement de la catégorie juniors à la Coupe du monde. Elle n'a pas appris à jouer devant, à gagner".

Décrite comme atypique, avec des propos souvent jugés lunaires ou énigmatiques, l'ancienne étudiante en biologie est un personnage difficile à cerner. Stéphane Bouthiaux, patron du biathlon français, avait déclaré avant les Mondiaux d'Ostersund en 2019: "On a toujours l'impression qu'elle est absente. Quand on parle avec elle, elle écoute, mais je ne suis pas sûre qu'elle entende".

Ce constat, elle l'a confirmé dans une interview au Monde: "Quand j’arrive sur la cible, je sais pas si stone est le bon mot, mais il n’y a pas cette excitation que j’ai à l’entraînement. J’ai l’impression que seul mon corps bouge, ma tête, elle, ne pense plus. (...) Je suis quelqu’un de spontané et d’ultraémotionnelle, je ne suis pas sûre d’arriver à m’autoréguler. Sur certaines courses, j’ai l’impression de ne pas arriver à passer la 6e, de me dire 'lâche-toi et fais-toi confiance'".

"Une prise de conscience"

Au cours des derniers mois, un préparateur mental a aidé la biathlète des Saisies, alors qu'elle ne voulait auparavant pas "mettre du temps là-dedans". Les bons résultats sont revenus. Juste avant les Jeux olympiques, elle a renoué avec la victoire, en remportant à Anterselva l'individuelle de la 7e manche de la Coupe du monde. Ce 4e succès dans sa carrière a mis fin à une disette de 58 courses (qui n'avaient abouti qu'à deux podiums). "Il y a eu une prise de conscience, autant grâce à la préparation mentale que grâce à moi-même, confiait-elle en décembre. J'ai grandi, autant en biathlon que sur le reste. J'ai une vision plus sereine. Je me sens beaucoup plus libérée. Avant je courais après un résultat et j'étais très frustrée".

Avant la mass start victorieuse sur la neige de Zhangjiakou, une rechute s'est toutefois fait ressentir. "Il y a beaucoup d’émotions, beaucoup de stress", déclarait-elle après le fiasco du sprint. Ce qui la laissait sceptique pour cette dernière opportunité, qu'elle jugeait "compromise".

Finalement, ces déconvenues ont libéré son esprit. "Je me suis dit que je n'avais rien à perdre, tout à gagner. (...) C'est peut-être la première course des Jeux où je ne me suis pas focalisée sur un résultat. J'étais simplement heureuse de courir. J'avais fait le deuil du sprint, de l'individuel, du relais. Ce matin, je me suis dit: 'Meuf, ça fait deux fois que tu vas aux Jeux, t'as une chance fantastique'". Une chance qu'elle a saisi et lui permet d'être la première biathlète française à s'imposer dans une épreuve individuelle depuis Florence Baverel-Robert en 2006.

https://twitter.com/julien_absalon Julien Absalon Journaliste RMC Sport