JO 2024 (basket 3x3): après l'argent des Bleus, quel avenir pour la discipline en France?

"On est content car la Fédération a beaucoup investi pour le développement de la discipline." Invité de la matinale olympique de RMC ce mardi, Jean-Pierre Siutat, le président de la Fédération française de basket-ball, savourait la médaille d’argent décrochée par le quatuor tricolore lundi soir au coeur d’une place de la Concorde chauffée à blanc.
Un million d’euros a été déboursé pour porter deux équipes de basket (une à Versailles et une à Paris) depuis deux ans, "et franchement on ne le regrette pas, c’est un bel investissement pour l’avenir", reprend Jean-Pierre Siutat. Reste une question en suspens: était-ce un coup isolé dans le cadre des Jeux olympiques à domicile ou ce plan de financement va-t-il se poursuivre?
L'absence notable d'un championnat de France
Car pour se développer, le basket 3x3 aura toujours besoin de l’appui de la Fédération. "La Fédé a mis beaucoup de moyens et il va falloir continuer", espère Stephen Brun, consultant basketball pour RMC Sport. Lahaou Konaté, qui a disputé le tournoi de qualification olympique avec l’équipe de France, avance une autre solution: "Il faut que les clubs professionnels commencent à s’y intéresser si on veut voir ce sport éclore. Surtout ceux qui ont les moyens de le faire, afin d’inscrire des équipes sur le circuit international." Une idée qui n’emballe pas Stephen Brun: "Je ne suis pas certain qu’il y ait un vrai avantage de créer une structure 3x3 pour les clubs. Prendre sur la masse salariale pour le mettre dans le 3x3, ça me parait compliqué..."
Actuellement, le championnat de France 3x3 n’existe pas, "mais on travaille là-dessus avec la Fédération", avance Karim Souchu, l’entraineur de l’équipe médaillée lundi soir. "Il y a une ligue d’hiver qui fonctionne bien, on va essayer de construire sur ça." Jules Rambaut, lui, reconnait l’importance d’avoir des équipes compétitives en France afin d’atteindre des prestations comme celles remarquées une semaine durant à la Concorde. "Une ligue pro a été créée avec une étape en février et une autre en mars avec de très belles équipes", détaille l’un des plus célèbres mulets de Paris 2024. "On a pu se préparer au mieux pour le TQO grâce à cela. Pour pérenniser notre sport, on doit s’appuyer sur ces tournois."
Or, actuellement, les équipes françaises doivent s’inscrire dans un championnat mondial si elles veulent trouver de l’adversité. "Il y a d’ailleurs de plus en plus d’équipes françaises qui participent et qui performent", se félicite Souchu. Un Master a lieu à Marseille, mais "il en faudrait un autre et ajouter des tournois challengers", réclame Rambaut, "afin de créer quelque chose de durable."
3x3 ou 5x5: "Il faudra faire un choix”
Des tournois challengers, Lahaou Konaté en a disputé deux avec son équipe de Versailles, composée de Timothé Vergiat et Lucas Dussoulier (médaillés d’argent), mais aussi Léo Cavalière pour une équipe 100% basket à 5. "Dans les tournois, on joue contre des gars qui ne font que du 3x3, surtout chez les Serbes, les Lettons ou les Lituaniens", remarque-t-il. "Ou alors d’autres sont rattachés à un club. L’équipe de Fribourg par exemple, c’est la branche 3x3 de l’équipe à 5. Ils bénéficient des infrastructures du club et performent sur le World Tour."
Spécialiste du 3x3 et chef de file de cette équipe argentée, Franck Seguela observe lui aussi la différence. "On était un peu la seule équipe des Jeux à faire exception", glisse-t-il. "En face, il n’y avait que des équipes purement 3x3." Alors faudra-t-il à l’avenir, pour le bien de la discipline, choisir entre le 3x3 et le 5x5?
"Il va falloir être dans la spécialisation à un moment donné", admet Karim Souchu.
Reste à savoir si les joueurs sont prêts. "Ça me va bien de faire les deux pour l’instant", sourit Timothé Vergiat, joueur de l’ADA Blois en Betclic Elite. "C’est un peu compliqué d’enchaîner tous les étés mais la Fiba essaie de bien séparer les deux." Même son de cloche pour le Nanterrien Lucas Dussoulier: "A terme, ce sera de plus en plus difficile et si on veut se spécialiser, il faudra faire un choix. Le moment venu, je réfléchirai, j’en parlerai avec ma famille. Pour l’instant, il est encore possible de faire les deux et je prends du plaisir à le faire, surtout sur des moments comme hier (lundi) soir, ce sont des souvenirs à vie."
Un problème de moyens
La spécialisation du 3x3, Stephen Brun n’y croit pas. "Il va falloir trouver des mecs capables de sacrifier le 5x5, de passer de 15.000 euros mensuels à 3000 euros donnés par la Fédération avant de voyager à l’autre bout du monde pour essayer de gagner des tournois et ainsi gagner son salaire. Ce n’est pas viable." En l’état, les déplacements et les hôtels sont pris en compte par la Fédération, les joueurs peuvent émettre des notes de frais réglées par la FFBB.
"Il n’y a pas le choix actuellement dans le 3x3, il faut performer pour gagner sa vie", résume le nouveau joueur du Portel, Lahaou Konaté.
Lucas Dussoulier reste confiant: "Cela fait dix ans que je joue, dix ans que ça ne cesse de grandir. J’espère un avenir radieux mais je pense que ça va continuer en France après ce qu’on a montré en termes d’attitudes et de jeu." Et pouvoir encore compter sur la Fédération quelque temps avant de "prendre le relais et de pouvoir voler de nos propres ailes", dixit Franck Seguela.