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JO 2024: livraison de soja, tonnes de glaçon, climatisation mobile… les petits secrets du camp de base de Team USA dans le Val-d’Oise

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La délégation des États-Unis a choisi d’établir son QG au sein du complexe Athletica, situé dans le Val-d’Oise, durant les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le centre sportif a dû composer avec un cahier des charges drastique et des demandes spécifiques pour organiser l’accueil des stars de Team USA.

La bannière étoilée flotte depuis quelques semaines dans le ciel capricieux du Val-d’Oise. A l’heure d’aborder les Jeux olympiques et paralympiques 2024, la délégation des États-Unis a choisi de poser ses valises au sein du complexe Athletica. Le centre sportif de sept hectares, situé dans la commune d’Eaubonne, à une trentaine de kilomètres au nord de Paris, est devenu le camp de base estival de Team USA. Inaugurée en 1993, la structure a effectué d’importants travaux de rénovation avant d’accueillir les stars américaines et leur encadrement, qui ont privatisé les lieux pour deux mois et demi.

Depuis une dizaine de jours, les athlètes engagés aux JO arrivent au compte-goutte dans le 95. Les joueurs de rugby à 7, qui entament leur tournoi ce mercredi en affrontant notamment la France, ont débarqué les premiers. Les membres de l’équipe d’athlétisme les ont rejoints en début de semaine. Près de six-cent sportifs sont attendus en marge de la quinzaine olympique, accompagnés par des coachs, des préparateurs physiques, des médecins, des préparateurs physiques, des nutritionnistes, des chefs cuisiniers ou des logisticiens. En comptant le personnel d’Athletica (une quarantaine de salariés épaulés par des volontaires), il y a quasiment 2.000 personnes chaque jour sur le site.

Snoop Dogg est venu saluer ses compatriotes

Hormis les équipes de basket, de tennis ou de natation, la plupart des têtes d’affiche des USA y ont pris leurs quartiers. La gymnaste Simone Biles (dont le portrait géant orne un couloir) ou les sprinteurs Noah Lyes et Sha’Carri Richardson en ont profité pour retirer leurs équipements officiels, acheminés par containers. Snoop Dogg, qui portera la flamme olympique ce vendredi en Seine-Saint-Denis, est venu saluer ses compatriotes. Le rappeur de Long Beach a pu observer l’organisation méticuleuse mise en place par les hôtes franciliens. Le fruit de quatre ans de collaboration avec les responsables de Team USA.

Les premiers contacts ont même eu lieu fin 2018, un an après l’attribution des Jeux olympiques et paralympiques à la ville de Paris. Les patrons d’Athletica ont alors été approchés par une étonnante agence de marketing chypriote, qui les a mis en relation avec les dirigeants américains à la recherche d’un centre d’entraînement susceptible de répondre à leurs attentes. Après en avoir visité une trentaine dans un large périmètre autour de la capitale et être revenus une vingtaine de fois prendre des renseignements, Team USA a validé l’option fin 2019.

Un cahier des charges ajusté quotidiennement

Athletica a d’abord reçu une première version d’un cahier des charges, qui a ensuite été étoffé de manière drastique après les Jeux de Tokyo en 2021. "C’est un book relié de plusieurs centaines de pages, qui donne les bases dans les très grandes lignes et qui s’affine au fur et à mesure. Il n’est jamais vraiment figé", explique Arnaud Zumaglia, le directeur général d’Athletica. Le document continue d’ailleurs d’évoluer quotidiennement au gré des réunions, des échanges de mails ou des différents retours des fédérations. Il pourra encore être ajusté durant les épreuves.

Habitué à recevoir des équipes professionnelles (les All Blacks sont venus en 2005), le site autrefois appelé "Centre départemental de formation et d’animation sportives" permet aux Américains de s’entraîner à la pratique d’une vingtaine de disciplines. Avec son stade couvert Stéphane Diagana ou son complexe Luc Abalo (qui abrite le plus grand parquet d’Île-de-France), le centre offre des équipements de pointe.

L’aire de lancer du marteau et du poids a été changée

Certaines améliorations ont tout de même été apportées à la demande des Américains, qui ont participé au financement des travaux réclamés. L’aire de lancer de marteau et de poids a été changée. "Ils voulaient vraiment avoir la même structure que celle qui a été rénovée au Stade de France, que ce soit au niveau de l’espace mais aussi de la granulométrie de la plateforme, pour que ce soit la même matière. Donc on a fait venir l’opérateur du Stade de France pour faire la même chose", détaille le DG d’Athletica. La piste un peu vieillissante du stade Michel-Hidalgo de Saint-Gratien, accessible près du centre, a aussi été refaite.

En plus des espaces de récupération, avec hydrojet ou cryothérapie, les responsables de Team USA ont exposé leurs exigences au niveau de la nutrition. Les équipes d’Athletica, dont l’espace de restauration a été refait à neuf, se sont rendues à plusieurs reprises au centre olympique des États-Unis, situé dans le Colorado. Ils ont aussi rencontré certains fournisseurs. A l’inverse, les cuisiniers américains ont fait du repérage au marché international de Rungis (Val-de-Marne).

"Le staff adore le vin et le fromage"

"On a élaboré les menus sur près de trois semaines à l’avance, glisse Arnaud Zumaglia. On sait chaque jour ce qu’on doit produire. L’idée c’était de faire partie de l’aventure et de ne pas leur laisser juste les clés de la cuisine. On a aujourd’hui un staff d’une dizaine de personnes, composé à moitié d’Américains et de Français. Il y a une très belle collaboration. On a aussi formé nos équipes avec le campus Ferrandi qui est à deux kilomètres de chez nous (à Saint-Gratien), pour travailler sur quelques recettes typiques. Parce que même si les Américains sont vigilants à l’aspect diététique, ils ne voulaient pas passer à côté de la gastronomie à la française. Pas forcément les athlètes, mais le staff, qui adore le vin ou le fromage (sourire)."

Du soja livré d’Angleterre

Team USA a en revanche imposé ses préférences concernant le soja. "On a la capacité d’en approvisionner, mais ils voulaient une référence de soja bien précise, qui n’est livrée qu’en Angleterre. Donc on a pris contact avec ce fournisseur pour qu’il accepte de nous livrer", confie le directeur général d’Athletica, en précisant qu’il a fallu gérer les quantités: "L’unité de mesure américaine n’est pas la même qu’en France. Ils se sont adaptés à la nôtre. La nutrition est tellement importante pour eux que chaque repas est servi avec une louche différente. La louche correspond à une valeur nutritionnelle. Si vous prenez une louche de riz et qu’elle ne fait pas la même taille en France qu’aux États-Unis, la valeur nutritionnelle n’est plus la même dans l’assiette donc l’athlète ne peut plus compter le nombre de calories qu’il engrange (...) Un athlète qui fait de l’haltérophilie ou une gymnaste n’ont pas les mêmes besoins énergétiques. Ils ne mangent pas la même chose. Et même au sein d’une équipe de breakdance par exemple, chacun va ajuster son alimentation en fonction de sa physiologie ou son niveau de performance."

24 tonnes de glaçons

Parmi leurs demandes particulières, les Américains ont aussi réclamé des glaçons. Beaucoup, beaucoup de glaçons. "Ils nous ont dit qu’ils avaient besoin de 24 tonnes de glaçons durant l’été, souffle Alain Zumaglia. C’est énorme, on n’en avait jamais géré autant! Il a fallu trouver le fournisseur qui peut les approvisionner, en anticipant d’éventuelles périodes de canicule. Et puis on doit gérer la déclinaison des glaçons. En fonction de leur typologie, on n’en fait pas la même chose. Il y a ceux qu’on met dans les cocktails et ceux qu’on met dans les poches à glace pour soulager les articulations…"

Doté d’un réseau 5G, le complexe val-d’oisien a également dû rassurer ses hôtes sur la qualité de son air climatisé ("Ils ont été extrêmement vigilants sur ce point"). Le bâtiment qui abrite les hébergements a fait l’objet d’une rénovation complète et bénéficie d’un système de rafraîchissement. Les équipes US ont tout de même apporté avec eux des climatisations mobiles, qu’ils pourront éventuellement installer dans certains équipements sportifs. De quoi se tenir prêts en cas de fortes chaleurs. Le site dispose d’environ deux-cent couchages, qui seront occupés par des membres de l’encadrement. La quasi-totalité des athlètes dormira au village olympique de Saint-Denis, en faisant des allers-retours en voiture privée, en navette ou en transports en commun. Seules les plus grandes stars de la délégation ont opté pour des hôtels à l'écart, afin de ne pas être trop sollicitées.

Team USA gère la sécurité

Au niveau de la sécurisation du site, Atheltica a préféré laisser la main à Team USA. "D’habitude, on pilote la sécurité intérieure, mais là on a demandé aux Américains de la gérer, en s’appuyant sur les opérateurs de leur choix et en utilisant leurs relations avec l’État français", confirme Arnaud Zumaglia. Une société de sécurité privée a été mandatée pour l’occasion. Un filtrage a aussi été mis en place par la Préfecture du Val-d’Oise et la police nationale, sans que les riverains ne soient soumis à d’énormes restrictions.

Au-delà des Jeux de Paris, Athletica espère maintenant capitaliser sur la venue de Team USA pour devenir un centre incontournable dans le paysage du sport international. "C’est une opportunité de travailler sur l’héritage et de remettre à flots cette structure, qui avait trente ans, rappelle son DG. On reçoit entre 250.000 et 300.000 usagers à l’année. C’était l’occasion de moderniser l’infrastructure, en ayant un retour sur investissement rapide derrière, avec la visibilité dont on bénéficie aujourd’hui." Avant même le début des épreuves olympiques, des clubs professionnels étrangers ont déjà booké les lieux pour les mois à venir. Le calendrier 2025 serait même déjà quasiment plein.

https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport