
JO: la réussite de Paris 2024 passera par Tokyo 2021
"Aujourd’hui, on est obligé de dire que Tokyo n’est plus un objectif à part entière. Moi je considère que Tokyo est rentré dans le cycle de la préparation des JO 2024 de Paris. Il faut à tout prix que cette étape de Tokyo, pour de nombreux sportifs, constitue un tremplin pour Paris." Dans l'Est Républicain, Claude Onesta, le responsable de la Haute Performance à l’Agence Nationale du Sport, a peut-être secoué certains esprits.
Avec le report d’une année de l’échéance japonaise, le rendez-vous parisien n’est que trois années derrière, presque un saut de puce à l’échelle olympique. L’ancien sélectionneur de l’équipe de France de handball rêve d’un carton français à la maison. Pour cela, Tokyo 2021 doit donc être un marchepied, quitte à y envoyer des jeunes aux dents longues estampillés Paris 2024.
"On sait que l’expérience d’une olympiade peut être déterminante pour la réussite de la suivante. Les propos de Claude Onesta sont le reflet de ce questionnement", rappelle Benoît Binon, le directeur technique national (DTN) du tir à l’arc.
Anticipation, mais aussi respect de l'édition japonaise
A part quelques athlètes au bout de leur carrière, les champions de Tokyo 2021 seront logiquement à Paris trois ans plus tard. La réussite des Jeux français trouvera son origine dans les récoltes de Tokyo: "2021 aura forcément un impact sur cette préparation de 2024 abonde Philippe Limouzin, le DTN du badminton. Tokyo 2021 était déjà une date majeure pour les équipes en place. Ce sera un temps fort d’évaluation pour nous."
Mais pas question de galvauder Tokyo chez les DTN que nous avons interrogés. "Préparer 2024 est un objectif qui est dans la tête de tout le monde mais nier Tokyo ou en faire un camp d’entraînement pour le futur ne serait pas respectueux des athlètes, des JO et des organisateurs japonais", répond Philippe Bana, DTN du handball. "On ne va pas à Tokyo pour enfiler les perles, résume Ludovic Royé, son homologue du canoë-kayak. C’est une logique de partenariat et de complémentarité avec l’ANS, on imagine des stratégies pour avoir le plus de médailles à Tokyo et à Paris." Les breloques olympiques ont une grande valeur pour ces fédérations. C’est leur moment.
"Le seul critère, c’est la performance"
Claude Onesta a introduit une nuance au moment d’établir les sélections. Dans les athlètes "intermédiaires", pas les potentiels médaillés d’or, il estime qu’il faut privilégier le plus jeune lorsqu’il est en balance avec un sportif plus près de la fin. Cette année d’attente supplémentaire peut permettre aux numéros 2, aux plus jeunes, de venir griller la politesse à ceux qui avaient verrouillé la date de juillet 2020.
Le critère déterminant n’est toutefois pas l’âge, mais la capacité à ramener la médaille, du plus beau métal possible: "Le seul critère, c’est la performance. Sont-ils capables de gagner ou de faire gagner, ou sont-ils à bout de souffle? Il faut emmener tous ceux qui sont capables de faire gagner", tranche Philippe Bana.
En 2017, au moment de l’attribution des JO à la capitale française, Laura Flessel, alors ministre des Sports, visait 80 médailles pour le rendez-vous de 2024. Si ce total semble aujourd’hui loin des réalités, Claude Onesta avec ses déclarations remet un coup de kick dans le moteur. Les futures médailles se gagnent maintenant, avec les athlètes qui sont juniors ou jeunes seniors. "Le message c’est: on ne prépare pas Tokyo pour que tout s’arrête après. Si on démarre le projet Paris au lendemain de Tokyo 2021, on va encore perdre un an de plus, et on va véritablement commencer l’action à deux ans des Jeux, ce qui est dérisoire. Je crois qu’il faut qu’on soit déjà très concentré sur Paris, et Tokyo devient une étape de la progression. Tout doit être réfléchi de cette façon-là", a ajouté Onesta.
Dans les fédérations, les athlètes sont classés par olympiade. Certaines ont déjà dans les tuyaux les jeunes qui peuvent être les leaders de Los Angeles 2028. "Je n’avais pas prévu d’attendre la fin de Tokyo pour préparer Paris et idem pour les JO de Los Angeles, rappelle Stéphane Traineau, le patron de l’équipe de France de judo. Je vois les choses à long terme, trois stratégies qui se croisent, c’est ça qui est passionnant. A l’Insep par exemple, le plus jeune judoka a 16 ans et le plus âgé 33 ans." A Tokyo, au pays du judo, Stéphane Traineau caresse le rêve de surprendre la nation hôte, reine de la discipline, dans les compétitions individuelles puis lors de l’épreuve par équipe. Pour réaliser cet exploit, il ne faudra pas d’erreur de casting.