La Seine "baignable": quand considère-t-on le fleuve comme suffisamment "propre"?

À deux semaines du début des épreuves des Jeux olympiques de Paris 2024 dans la Seine, une étude de l'ONG spécialisée Surfrider Foundation publiée mardi 16 juillet, indique que le fleuve est désormais baignable.
Un résultat qui tranche avec une première publication en avril, où l'ONG avait alerté sur l'état "alarmant" des eaux du fleuve. Depuis, d'autres analyses ont été réalisées par les autoritées, notamment Eau de Paris et les résultats sont positifs ces derniers jours.
La Seine a été propre à la baignade plusieurs jours de suite durant la fin du mois de juin. De plus, des relevés positifs ont été enregistrés à propos de la qualité de l'eau de la Seine, bonne pour la baignade sur au moins dix jours depuis début juillet.
A l'oeil nu, pas de changement drastique. La Seine n'est pas soudainement devenue bleu turquoise et cristalline. Le fleuve parisien continue d'arborer sa teinte marron-vert. Comment peut-on déterminer que le cours d'eau est "propre", apte à la baignade?
• Des seuils de bactéries à ne pas dépasser
Tout d'abord, la qualité de l’eau est réglementée par une directive européenne de 2006. Dans les analyses réalisées par Eau de Paris, deux bactéries sont recherchées: Escherichia coli et entérocoques intestinaux.
"Ces bactéries proviennent de rejets d’eaux usées dans le fleuve qui peuvent être déversées dans la Seine en cas de fortes pluies, afin de ne pas saturer le réseau d’assainissement parisien", éclaire la mairie de Paris. C'est dans ce but que des travaux ont été menés au niveau des stations d'épuration de la région ou pour la mise en place d'un bassin de stockage à Austerlitz.
Lors des derniers prélèvements réalisés, la Seine est donc considérée comme baignable, car les bactéries E. Coli et entérocoque ne dépassent pas les seuils considérés comme "mauvais". Néanmoins, certains jours, elles dépassent les seuils "moyens", en partie en raison de la météo.
Si la qualité de l'eau n'est pas considérée comme suffisante, c'est notamment en raison de virus.
"Les problématiques vont être plus liées à des virus entériques et entraîner des gastro-entérites", explique Françoise Lucas, microbiologiste à l'université Paris Est-Créteil, invitée de BFM Paris Ile-de-France ce mardi 16 juillet. Certaines bactéries peuvent également causer des otites, des problèmes de peau, selon la microbiologiste.
Concernant spécifiquement les athlètes olympiques, "ce sont des gens qui sont en bonne santé donc effectivement le risque de gastro entérite ne va pas être très élevé", juge Françoise Lucas.
La semaine dernière, Alexis Hanquinquant, champion paralympique en titre de para-triathlon balayait d'ailleurs ces questions. "Je reste persuadé que si vous faites un sondage auprès des triathlètes et des nageurs d'eau libre, 95% d'entre eux s'en foutent de nager dans la Seine", expliquait-il, arguant que "la Seine n'est pas plus sale qu'ailleurs".
Pour Françoise Lucas toutefois, même si l'eau d'un fleuve est d'excellente qualité "le risque zéro n'existe pas".
• La météo, facteur notable de la qualité de l'eau
Il existe quatre facteurs qui influent sur la qualité d'eau de la Seine: le soleil, la température de l'eau, le débit et la pluie, indique la mairie de Paris sur son site internet. Ces derniers jours, il y a eu quelques averses dans la capitale, ce qui pourrait avoir un effet sur la qualité de l'eau.
"Les derniers chiffres affichés datent du 9 juillet", indique Françoise Lucas. "Le temps de pluie va véhiculer des eaux usées non traitées, c'est pour ça qu'on peut avoir cette dégradation de la qualité de la Seine", poursuit-elle.
Des bassins de stockage permettant de mieux faire face aux pluies abondantes ont été édifiés, la modernisation des usines d'assainissement... Des travaux ont été entrepris pour rendre la Seine baignable, pour une facture avoisinant 1,4 milliard d'euros.
Ainsi, tous ces ouvrages permettent de "diminuer l'impact", donc de limiter la pollution mais pas de l'éliminer totalement en cas de grosses averses.
• L'importance du débit de l'eau
Après un hiver et un printemps particulièrement pluvieux, le débit de la Seine reste élevé cet été. "Les débits de la Seine sont restés élevés alors qu'ils auraient dû être quatre plus bas à cette période de l'année", confirme la microbiologiste. "Ils sont à 450m3/s (ndlr: environ 500m3/s ce mardi) donc c'est la limite autorisable pour les activités du type baignable", poursuit-elle.
En effet, en été, les débits dans Paris sont habituellement compris entre 50 et 150m3/s. Lorsque les débits de rivière sont faibles, "les pollutions bactériennes se déplacent plus lentement et disparaissent avant d’avoir eu le temps de se diffuser entre leur point de rejet et le site de baignade", écrit la mairie de Paris.
"Par temps de pluie vous avez tous les affluents de la Seine qui ramènent un débit plus fort, de plus vous pouvez avoir le problème des bassins de rétention en amont, qui sont trop remplis et ils vont devoir relarguer", détaille Françoise Lucas.
"La qualité de l'eau à Paris va dépendre de tout ce qui se passe en amont", rappelle Françoise Lucas.
Après les Jeux olympiques, le souhait de la mairie de Paris, est d'ouvrir trois zones de baignade dans la Seine d'ici 2025.