Mondiaux de judo: le parcours du combattant de Teddy Riner

Un chemin très escarpé avec peut-être 6 gauchers d’affilée!
1er tour: Vladut Simionescu (Roumanie)
Le Roumain est affiché à 135 kilos. Il y a quelques kilos de plus dans la bedaine du combattant de 33 ans sans aucun doute. Ses meilleures années sont derrière lui. Il a 10 médailles sur le circuit mondial mais jamais d’or. Jamais non plus de récompense en grand championnat. Le danger avec ce genre de garçon bien lourd c’est leur inertie. S’ils arrivent à vous embarquer vers le sol, difficile d’en réchapper. Riner mène 3-0 mais leur dernière confrontation date de 2019 à Montréal (victoire par ippon sur harai-goshi). A Riner de faire bouger le Roumain pour le désorienter avant de placer l’estocade.
2e tour : Kacper Szczurowski (Pologne)
C’est l’inconnu. Il démarrera sa compétition directement au deuxième tour. Vingt-six, ans une belle touffe de cheveux, 100e mondial, il vient de monter chez les lourds à la fin de l’année 2022. Pour ses débuts, il a signé une troisième place au tournoi de Rome où il perd face au Français Guerman Andreev. C’est un gaucher qui aime tourner en mouvement d’épaule. Riner devra le priver de sa manche droite pour être tranquille. Szczurowski aime également les yoko tomoe-nage, sorte de planchette japonaise. Riner se méfie toujours des judokas qu’il n’a jamais affronté en compétition.
3e tour : Tsetsentsengel Odkhuu (Mongolie)
On arrive dans le dur. Le Mongol est 4e mondial. A 23 ans, il arrive fort chez les lourds. La saison dernière, il a remporté le tournoi d’Abu Dhabi puis celui de Paris. En 2023, il sort d’un succès à Tel-Aviv. A Doha, il disputera ses deuxièmes mondiaux et manquera peut-être un peu d’expérience. Physique équilibré, mèche rebelle sur le visage, c’est un gaucher, encore un. Odkhuu prend le temps de construire son judo. Il attaque peu mais bien. Il ose parfois monter la main au col pour tenter un fauchage. Il est parfaitement à l’aise avec l’arbitrage actuel, juste ce qu’il faut pour faire pénaliser ses adversaires. Ce sera un premier affrontement entre Riner et le Mongol.
Quart de finale: Tatsuru Saito (Japon)
On prend le pari que le fils du double champion olympique Hitoshi Saito passera l’écueil géorgien Guram Tushishvili. A 21 ans, il est appelé à être le représentant nippon aux JO à Paris. Massif, 165 kilos, ce fan de sushis sera le premier col hors-catégorie pour Riner. Saito est déjà vice-champion du monde. Gaucher au judo classique, il a énormément de cœur. Riner et lui ont déjà noué langue lors du dernier stage du Français au Japon. Ils ont partagé un randori: "Riner n’utilise pas sa force, il diminue celle de l’adversaire a expliqué Saito au site Ejudo. En ce moment (le 18 avril au moment de l’interview), il y a un gap de compétitivité entre lui et moi mais ce n’est pas un écart insurmontable." Toujours suivi par son frère et sa mère qui porte un portrait de son défunt mari, Saito c’est du lourd.
Demi-finale: Kokoro Kageura (Japon)
Et encore un gaucher ! Le cinquième de la journée si le plan est respecté. Mais beaucoup plus petit que les autres. Le genre que Riner déteste. Et qui lui a laissé une cicatrice. Kageura a mis fin à la série de 154 succès consécutifs de Riner lors du tournoi de Paris 2020 en surpassant le uchi-mata du Français. Champion du monde 2021, Kageura a légèrement décliné après sa non-sélection pour les JO, il n’en reste pas moins un très gros client. Riner devra consciencieusement choisir ses attaques, tourner le dos à bon escient, essayer de peser sur le Nippon et ne pas le laisser dicter le tempo du combat. Après cela, la pause sera bien méritée.
Finale : Alisher Yusupov (Ouzbékistan)
Dans le tableau du bas, il sont trois à pouvoir se dégager : le Cubain Granda, champion du monde en titre, l’Ouzbek Yusupov et le Russe sous bannière neutre Tasoev. Misons sur l’Ouzbek car les Russes ne sont pas prêts sur ce championnat, appelés à la dernière minute, et que Granda aura la pression du dossard rouge de tenant du titre. A Bercy cette année, le grand Yusupov a fait passer un rare frisson dans le public en arrachant Riner à bras le corps. Un truc jamais vu! Et lui aussi est gaucher! Riner a beaucoup appris de sa frayeur de Paris. Le waza-ari avait été annulé. Le Guadeloupéen n’oublie pas qu’il a eu chaud. Il s’agira de ne pas s’exposer aux contres, garder la manche, et aller d’abord attaquer les jambes avec les o soto-gari (grand fauchage extérieur) que Riner sait faire. Si au bout de la journée le Français prend son 11e titre dans cette configuration, il aura réalisé à 34 ans la plus grande compétition de sa carrière sans aucun doute.